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Un débat vital - IO

Publie le vendredi 19 août 2005 par Open-Publishing

Un débat vital

Le CAC 40 affichait, jusqu’à la fin de la semaine dernière, à la Bourse de Paris, de nouveaux records dus à la spéculation financière.

L’exemple des performances boursières des sociétés d’autoroutes APRR, SANEF et ASF en est une vivante illustration.

Le gouvernement vient d’annoncer la privatisation imminente des autoroutes. « A J-7 avant le dépôt des offres, les groupes du BTP et financiers affûtent leurs armes », écrit La Tribune (16 août), qui poursuit : « Eiffage (1) a ainsi annoncé avoir conclu un accord avec le financier australien Macquarie Infrastructure Group (MIG). Pour le troisième constructeur français, qui ne pouvait se lancer seul dans l’aventure pour des raisons financières, cette alliance tombe à pic. »

Résultat : l’action des sociétés d’autoroutes flambe, gagnant 20 % en quatre mois ! Miracle de la Bourse.

Résumons-nous. L’Etat, soucieux de se conformer strictement aux directives de Bruxelles, qui lui enjoint de réduire son déficit public au-dessous des 3 % du PIB autorisés par le pacte de stabilité, vend ses autoroutes. Une manne sans fin s’offre aux appétits des grands groupes du BTP, appuyés sur des groupes financiers internationaux. L’Etat offre aux grands groupes du BTP le privilège de lever désormais l’impôt, en multipliant, au bénéfice de leurs intérêts privés, péages et octrois donnant droit à l’utilisation des tunnels et des ponts... et au même moment transfère aux départements des routes nationales. Un transfert auquel les départements auront financièrement le plus grand mal à faire face, à plus forte raison en cette période de désengagement accéléré de l’Etat. Les départements, privés des services de l’Etat tels que l’Equipement, littéralement détruit par la régionalisation, seront inexorablement poussés à déléguer toujours plus leur rôle de maître d’ouvrage à des structures financières privées, qui « offriront » leurs services en leasing, comme le prévoit l’extension de la procédure européenne des « partenariats public-privé ». L’Etat, qui, répétons-le, se désengage sous la pression de Bruxelles, privatise ses fonctions régaliennes, endettant la population auprès d’institutions financières qui joueront le rôle des « fermiers généraux » de l’Ancien Régime pour des périodes de 20, 30 ans et plus...

Ce processus de démantèlement des fondements mêmes de la République s’accélère. Après les autoroutes, ce sont les routes, les trains Corail, les postes.

Où mène-t-on ce pays ?

Où mène-t-on ce pays quand des maires sont contraints, par cette politique de privatisation et de désengagement de l’Etat au profit exclusif de la cotation boursière de ces grands groupes, de « négocier » des heures d’ouverture d’agence postale, afin d’assurer à leurs concitoyens un minimum d’accès au « service public » de La Poste dont on a fermé le bureau ?

Où mène-t-on ce pays quand un préfet se permet d’écrire dans un rapport qu’« au terme de dix ans, l’effectif des directions départementales de l’agriculture et de la forêt diminuera en raison de l’arrêt de la PAC et de la disparition de la moitié des exploitations agricoles » ?

La gravité de la situation n’exige-t-elle pas de poser clairement la question : existe-t-il une possibilité sérieuse d’ouvrir une issue conforme au respect de la démocratie politique et aux besoins de la population en tournant le dos à la volonté de rupture totale avec toutes les directives dictées par les institutions européennes, exprimée sans équivoque le 29 mai par le peuple français ?

Il faut répondre à cette question.

Parmi d’autres élus, Gérard Schivardi, maire de Mailhac et conseiller général de Ginestas (Aude), qui prépare la « Convention nationale pour la défense des services publics et des 36 000 communes, la reconquête de la démocratie politique et la rupture avec l’Union européenne », donne sa position : « En face, dit-il, le front des partisans de Maastricht tente de se réorganiser pour faire passer la même politique de privatisation et de régionalisation de l’Union européenne. Nous devons agir pour rassembler les forces, qui, le 29 mai, ont fait sauter les barrages à la victoire du non (...). Dans le pays, les maires, conseillers généraux et municipaux sont majoritairement attachés à la défense des communes, des cantons, des départements, qui risquent, avec la décentralisation, d’être étranglés financièrement (...). S’il le faut, nous irons manifester. Nous n’accepterons pas que l’on fasse rentrer par la fenêtre ce que, le 29 mai, on a chassé par la porte ! »

Existe-t-il une autre voie ? La convention nationale qui se tient le 16 octobre sera le lieu de ce débat vital entre élus, syndicalistes et partisans déterminés du respect de la démocratie.

Marc Gauquelin

(1) Eiffage est le groupe de BTP qui a construit le viaduc de Millau et qui en détient depuis la concession.