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Une procédure de licenciement a été entamée contre un Directeur du PRADO

Publie le mardi 26 septembre 2006 par Open-Publishing
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Le Bienheureux Père Chevrier porte mal son titre. Lui qui a consacré sa vie aux plus démunis, et particulièrement aux enfants, doit se retourner dans sa tombe. « A mesure que les richesses s’enferment dans quelques mains avides qui les recherchent on dirait que la pauvreté croit », expliquait-il dans l’un de ses sermons. Et bien c’est un petit peu ce qui se passe dans l’association Prado Rhône-Alpes, issue de l’œuvre de cet apôtre des pauvres. Imaginez un directeur très en vue, à la tête de quatre établissements (1), dont on ne cesse de vanter la charisme. Il passe tellement bien qu’il devient peu à peu la « vitrine » de l’association Prado Rhône-Alpes. Certains le voient même déjà à la place du directeur général au départ en retraite de ce dernier. Et bien il vient d’être licencié. Et, contrairement à certains salariés de la structure (voir ci-contre), pas pour trois fois rien. Si les faits qui lui sont reprochés s’avèrent exacts. Jugez-en plutôt.

Comment faire bon ménage...
Monsieur le directeur a une grande famille. Alors, pour tenir la maison, rien de tel que de faire appel aux services d’une professionnelle en laquelle il a toute confiance comme la femme de ménage employée par son établissement. Mais, toute peine méritant salaire, il la rémunère en sus... avec son chéquier professionnel. Voilà une association bien généreuse avec ses salariés.

... partir en vacances à l’œil...
Quand monsieur le directeur part en vacances, il fait payer la location par l’association. Il lui arrive même de mettre ça au nom de « Cantin Prado », jeu de mot reprenant le nom de l’association et celui d’un des établissements qu’il dirige. Aucune raison que ça ne passe pas dans les comptes. Après tout, il s’agit bien d’un camps de vacances pour (ses) enfants. Est-il utile de préciser que pour le transport, la toute récente voiture de service fera bien l’affaire. N’ayez crainte, les camionnettes vétustes demeurent pour que le personnel puisse continuer à convoyer les jeunes du centre.

... faire ses courses au meilleur prix...
Lorsqu’il s’agit de réaliser des emplettes pour les siens, la « carte Metro » (2) offre quelques avantages tarifaires. Mais ce n’est sans doute pas suffisant puisque notre directeur... se fait en sus rembourser ces achats. Les bonnes âmes noteront que grâce à cette carte, l’association économisait sur les remboursements de (faux) frais du directeur.

... defrayer ses employés...
N’ayez crainte, les autres employés n’étaient pas pour autant lésés sur leurs frais (bien réels, ceux-là). Monsieur le directeur les payait rubis sur l’ongle... et en liquide. C’était plus simple pour glisser un « 1 » devant le « 200 » et établir ensuite le chèque à son nom. Sur certains remboursements qui leurs étaient officiellement attribués, des salariés ne se souviennent pas avoir fait de demandes ou même acheté le matériel remboursé.

... emmener les enfants en Corse...
Toujours côté chèques, quelques-uns en blanc ont permis de constituer une « caisse noire » de plus de 5 500 euros à l’objectif tout à fait louable : financer une activité en Corse pour les enfants. Comme si les mœurs de l’île de Beauté empêchaient de procéder normalement dans pareil cas.
... les préserver des tentations d’argent...

Par contre, le directeur était moins favorable au versement d’argent de poche aux jeunes (celui-ci pouvait atteindre 90 euros par mois), car ce n’était pas très « sain ». Parole de connaisseur. Et puis tout ce liquide qui circulait, c’est dangereux. Alors, par précaution, il mettait cela de côté sur son compte. Histoire certainement de le redistribuer en cas de besoin.

... et mener tout le monde en bateau
Et puis il y a le bateau. Car rien n’étant trop beau pour ces jeunes en difficulté, l’association en a acquis un. Que celui-ci, acheté en dépôt-vente pour une somme avoisinant les 100 000 euros, ait auparavant appartenu au directeur n’est que pur hasard. Quant à ceux qui estiment qu’à ce prix là le vendeur a fait une bonne affaire, ce sont probablement des mauvaises langues. Au moins a-t-il pu en acheter un plus gros. Reste à savoir quelle embarcation a bénéficié du matériel d’accastillage payé par l’association.
Mais comment les agissements de ce directeur ont-ils été mis au jour ? Il a fallu que les tutelles s’en mêlent. Le 29 mai, une réunion au conseil général en présence notamment de membres de la Protection judiciaire de la jeunesse a révélé l’affaire. Huit jours plus tard le directeur était mis à pied dans l’attente de son licenciement courant juin.

Il faut dire que la procédure est un peu particulière puisqu’il a un statut de salarié protégé. Le directeur avait, ça ne s’invente pas, des mandats de représentation du personnel au titre de la CFE-CGC. Ah, la défense des intérêts collectifs... en commençant par les siens.

Mais au-delà des dérives (répétées) d’une personne, on peut s’interroger sur les méthodes de gestion - et de contrôle de celle-ci - d’une direction qui n’a rien vu venir. A moins que... C’est vrai qu’une fois la chose publique, il lui a à peine fallu huit jours pour sévir. Pas mal pour des faits si bien dissimulés jusqu’ici.
Et les langues commencent à se délier à propos de cet ancien directeur général qu’on aurait poussé à la retraite d’office histoire de ne pas faire de vagues quant à des faits douteux...
Toutefois, le « petit incident » de notre directeur d’établissement, selon les mots du président du conseil d’administration Pierre Dumont (le maire de Saint-Romain-au-Mont-d’Or) le jour de l’assemblée générale, n’a pas empêché l’association de valider les comptes sans même émettre la moindre réserve quant à ce que pourrait découvrir la brigade de gendarmerie, saisie du dossier. Circulez, il n’y a rien à voir.
Comme on le dit à l’association, « la priorité, c’est les enfants ».

Alexandre Buisine

1) Institut spécialisé des formations du Prado et Foyer du Cantin à Fontaines Saint-Martin ; Foyer A2 à Collonges-au-Mont-d’Or ; Chalet Prado - Les Amis à Peisey-Nancroix. 2) Bien connue, cette enseigne est un grossiste (avec donc des prix de gros) exclusivement réservé aux professionnels indépendants et dont l’accès aux entrepôts ne peut se faire qu’avec la « carte Metro » qui justifie de l’activité du détenteur.
Au nom du Père Le Prado est bien sûr issu de l’œuvre du Père Antoine Chevrier, vicaire à la paroisse Saint-André dans le quartier de la Guillotière, qui a consacré son sacerdoce à l’accueil des enfants les plus démunis. D’obédience catholique, l’association porte le nom de la salle de bal acquise en 1860 par le Père Chevrier pour en faire un pensionnat. Elle est dirigée par un conseil d’administration présidé par le maire de Saint-Romain-au-Mont-d’Or Pierre Dumont et dans lequel figure notamment l’ancienne députée Bernadette Isaac-Sibille. Aujourd’hui, le Prado Rhône-Alpes possède 19 établissements dans la Région et salarie un peu moins de 500 personnes. Il accueille des jeunes en difficultés en lien avec la protection judiciaire de la jeunesse, qui dépend du ministère de la Justice, le conseil général et la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass). La prise en charge de ces jeunes (et donc les dérives qui l’accompagnent ici) est bien évidemment financée entièrement sur fonds publics.
Pas de gestion de bon père Au Prado, ce « petit incident » vient dans un contexte interne assez tendu.Dans un courrier daté du 1er février adressé aux ministres de la Justice et des Affaires sociales ainsi qu’aux tut
elles, la CFDT - syndicat majoritaire dans l’association - dénonce : « En 2005, une soixantaine de salariés ont été licenciés. Un certain nombre d’entre eux sont allés aux Prud’hommes (...) tous ces salariés ont gagné ». La plupart ont été mis dehors pour des motifs « relationnels », justification on ne peut plus subjective. Et le syndicat de s’en prendre à « l’embauche des différents cadres, (ou) aucun niveau de qualification ou de compétence n’est requis. Il s’agit essentiellement de recrutement par cooptation au sein de l’équipe existante ». Et d’ajouter : « sur le plan comptable, nous craignons pour la pérennité de certains établissements, voire de l’association ». Pour 2003, l’expert du comité d’entreprise estime que « les comptes ne sont pas réguliers, c’est à dire non conformes au code comptable (...) et ne donnent pas l’expression du résultat réel de l’association et leur lecture est de nature à fausser l’opinion d’un tiers ». Il y a ainsi 400 000 euros d’écart entre « son » déficit et celui validé par le commissaire aux comptes de l’association et envoyé aux organismes payeurs qui comblent une partie de ces trous.
La loi des séries Pauvre chalet Les Amis. Situé à Peisey-Nancroix (Savoie), il accueille des mineurs prédélinquants. En juillet 2004, le tribunal de grande instance de Lyon avait désigné Le Prado pour reprendre l’activité de l’association Iqare, propriétaire du chalet, mise en redressement judiciaire avec un passif estimé à plus de 380 000 euros. Petite bizarrerie, dix jours avant le jugement, la direction régionale de la PJJ annonçait déjà par note de service cette reprise alors que d’autres offres avaient été déposées (Les Potins n°24). Les gendarmes de Bron ont depuis acquis la certitude que des malversations auraient été commises chez Iqare et devraient transmettre l’ensemble du dossier à la justice à la rentrée. Pauvre chalet Les Amis car au Prado, il fait partie des quatre établissements chapotés par notre directeur indélicat. L’ambiance ne doit pas être au beau fixe car en 2005, entre les licenciements et les démissions, une quarantaine de personnes se sont succédées sur les douze postes de l’établissement.

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