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airs de "guérilla urbaine" aux Antilles suite aux propos de Fillon
Publie le mercredi 18 février 2009 par Open-PublishingAirs de "guérilla urbaine" aux Antilles
BERNARD DELATTRE : libre belgique
Mis en ligne le 18/02/2009
CORRESPONDANT PERMANENT à PARIS
Aéroport fermé, commerces pillés ou incendiés, vitrines fracassées, CRS, pompiers et policiers caillassés, jeunes et forces de l’ordre qui s’échangent pavés, grenades lacrymogènes et détonantes, sabotages et coupures d’électricité, routes coupées par des barrages enflammés. Lundi soir, la crise sociale qui paralyse la Guadeloupe depuis près d’un mois, autour de la protestation contre "la vie chère" (lire LLB du 11/2), a brutalement dégénéré. Des scènes de saccage et de violence ont été déplorées un peu partout dans cette île des Antilles françaises peuplée de 450 000 habitants. Au point que, mardi à Paris, certains commentateurs parlaient d’une "guérilla urbaine" rappelant les émeutes dans les banlieues à l’automne 2005. Voire évoquaient "le mai 1968 des DOM" (départements d’outre-mer).
Alors que le président (socialiste) du Conseil régional de Guadeloupe diagnostiquait une île "au bord de la sédition" , la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, a solennellement appelé "chacun au calme, à la responsabilité et à la retenue" . Mais après cette première flambée de violences lundi, rien ne laissait présager une nuit plus calme mardi. Une telle tension n’avait plus été vue aux Antilles depuis le début des années 2000, lorsque des troubles avaient suivi la décision du groupe touristique Accor de quitter l’archipel.
Ce brusque raidissement de la situation a suivi la sommation adressée aux protestataires d’outre-mer par le Premier ministre François Fillon. Lundi, il les avait enjoints d’utiliser uniquement des "moyens légaux d’expression" de leur mécontentement (grèves ou manifestations), à l’exclusion de toute autre forme de pression comme les barrages routiers ou les blocages de commerces. Les opérations de rétablissement de l’ordre et les (brefs) placements en garde à vue de leaders syndicaux ont été mal perçus par des manifestants déjà très irrités par "le mépris du gouvernement depuis le 8 février" . Ce jour, le gouvernement, s’il avait accepté une centaine de revendications sociales des syndicats, avait refusé de se substituer aux partenaires sociaux en octroyant une prime de 200 euros aux bas salaires, notamment de peur que cette concession le déforce dans le bras de fer qu’il mène actuellement avec les syndicats en métropole. Les leaders syndicaux guadeloupéens appellent désormais à un "durcissement" du mouvement de protestation. Celui-ci affecte également la Martinique, en grève générale depuis dix jours. Et pourrait faire tache d’huile en Guyane et à La Réunion.
"Un mouvement historique"
Tant dans les médias que par l’opposition et les élus d’outre-mer (y compris parfois de droite), le président Sarkozy, très discret sur ces événements, est accusé d’avoir tardé à prendre la mesure de la gravité de la crise.
Celle-ci est d’autant moins facile à résoudre que s’y greffent des tensions raciales, voire un malaise institutionnel. Le principal syndicat guadeloupéen est indépendantiste. La majorité du pouvoir économique insulaire est aux mains des descendants des colons blancs esclavagistes. "L’Histoire n’est pas assumée. Le conflit entre colons et esclaves est en train de nous remonter à la figure. Et on paie soixante ans d’essoufflement du système de départementalisation" , a admis mardi le secrétaire d’Etat à l’Outre-mer - dont l’existence même est considérée comme colonialiste par des protestataires.
"Cela fait soixante ans que les ultramarins réclament d’être considérés comme des citoyens à part entière" , a noté le délégué interministériel à l’Outre-mer. Selon qui Paris est confronté en ce moment à "un mouvement historique" dans les DOM