Accueil > JUSTICE DES MINEURS, EMEUTES URBAINES
Bonjour,
après quelques temps d’absence, Le groupe CLARIS revient avec une nouvelle Revue que nous essaierons de faire paraître de manière régulière. Le premier numéro de la Revue s’intitule : JUSTICE DES MINEURS, EMEUTES URBAINES
Vous pouvez le télécharger gratuitement sur notre site :
(attention, l’adresse du site a changé. C’est désormais ".org" et non plus ".com")
Bonne lecture à tous,
Cordialement,
l’équipe CLARIS
Au sommaire de la Revue n°1 :
JUSTICE DES MINEURS, EMEUTES URBAINES
- Editorial : le sens de notre engagement (page 3-4)
Par Laurent Mucchielli
- Les mineurs émeutiers jugés au tribunal de Bobigny (page 5-16)
Par Aurore Delon et Laurent Mucchielli
- La justice des mineurs : une « cathédrale juridique » aux piliers bien fragiles (page 17-22)
Par Christophe Daadouche
- La médiatisation des violences juvéniles : description ou « prédiction créatrice » ? (page 23-38)
Par Manuel Boucher
Editorial : le sens de notre engagement
Laurent Mucchielli
La campagne électorale 2006-2007 ressemblera t-elle à celle de 2001-2002 ? Ou bien sera-t-elle pire ? On peut aujourd’hui le craindre. Dans l’espace politique, nous risquons d’assister de nouveau à une surenchère sur le thème de la sécurité. C’est la stratégie du ministre de l’Intérieur et Président de
l’UMP, qui semble sans limite. Et qui l’est, de fait, dans son contenu, aucun des principes généraux qui fondent le droit français (tels que la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire, l’indépendance de la justice, la distinction des mineurs et des majeurs en droit pénal, la présomption d’innocence, la
nature contradictoire des jugements, les droits de la défense) n’échappant aux formules-chocs de sa vindicte punitive. Mais là n’est pas l’essentiel.
Ce n’est pas seulement dans son contenu qu’un discours politique quel qu’il soit doit trouver sa limite. C’est aussi et surtout dans la contradiction que doivent lui apporter d’autres discours politiques. Or c’est là que le bâts blesse : on ne voit pas aujourd’hui, dans l’espace politique, qui fait montre des capacités à contester fortement cette vindicte punitive, à structurer et à diffuser avec la même efficacité une autre analyse, une autre argumentation, d’autres propositions.
Dans ces conditions, il est difficile de demander aux médias de créer un débat qui n’existe pas. Tout au plus certains peuvent-ils s’efforcer de ne pas sombrer de nouveau dans le catastrophisme et le sensationnalisme en ne se précipitant pas systématiquement sur les faits divers et en entourant leurs commentaires d’un peu de prudence. Cela dépend notamment de leur autonomie vis-à-vis du
pouvoir politique. Mais l’on sait combien il leur est difficile de résister aux effets de mode, à la tentation du spectaculaire, à la pression de conformisme que produit leur concurrence, à l’habitude du travail dans l’urgence qui interdit toute réelle investigation et empêche même parfois de bien vérifier ses sources.
Beaucoup de journalistes en souffrent. Et, encore une fois, ce n’est pas à eux
d’inventer le débat contradictoire qui fonde la démocratie. Celui-ci doit exister par ailleurs. Alors de qui l’attendre, une fois constatée la très grande faiblesse de nos représentants politiques ? Lorsque des professions sont directement en jeu (telles que les policiers et les magistrats), l’on voit bien que les
syndicats jouent leur rôle, du moins lorsqu’ils existent et selon leur puissance (les organisations représentant les travailleurs sociaux peinent par contre à se faire entendre). Mais les syndicats de professionnels parlent avant tout d’eux-mêmes, non de la population en général. Ils disent leurs
pratiques, leurs difficultés et leurs intérêts, mais ne peuvent fournir une analyse distancée de la société française et donc donner du sens aux événements qui rythment son évolution.
Une question se pose alors : où sont les intellectuels ? Et que font-ils ?
Certes, il n’existe plus d’« intellectuels organiques », ces « grandes figures » qui avaient un avis sur tout et, fatalement, disaient autant de sottises que de vérités. Les derniers avatars de cette figure d’antan versent dans l’essayisme, surfant sur les modes éphémères du débat public. Ils crient avec les loups.
La compétence est aujourd’hui ailleurs, dans la masse des chercheurs qui, sous des titres divers, produisent réellement de la connaissance sur le fonctionnement de nos sociétés. Ce sont les véritables spécialistes, mais qui hésitent encore souvent à prendre la parole en dehors des cercles
étroits de leurs professions. C’est dommage ! Car eux seuls ont la capacité de formuler autre chose que des opinions, à savoir des démonstrations. Eux seuls peuvent dire, non pas : « je ne suis pas d’accord avec cette idée parce que j’ai d’autres opinions », mais : « je ne suis pas d’accord avec cette
idée parce que je peux prouver qu’elle est fausse, et la bonne question à se poser serait plutôt celle ci ».
Tel est le pari que nous faisons dans la nouvelle revue Claris, en diffusant des articles de réflexion et de débat mais aussi des articles de recherches exposant, de façon concise mais néanmoins rigoureuse, des constats intéressant directement le débat public. A tous les chercheurs qui souhaitent y
contribuer, nous souhaitons la bienvenue.