Quelle France pour une autre Afrique ?

de Aminata TRAORE

Je remercie Marie George Buffet d’être venue prendre le pouls de l’Afrique à Bamako et de m’inviter, à son tour, à prendre la parole ici devant vous qui, sans cesse, militez pour un monde plus juste et véritablement solidaire.

La droite et l’extrême droite qui se trompent d’enjeux et de défis trompent nécessairement les Français et les Françaises qu’elles invitent à voter pour elles. Les "autres" qu’elles présentent comme des Etrangers et, en tant que telle, une menace pour la France, sont au contraire une chance pour ce pays.

Il lui suffit, par exemple, de reconnaître et de respecter les droits humains des Africains – Noirs et Arabes – qui l’ont aidée en temps de guerre comme en tant de paix, pour que s’atténuent la souffrance, les conflits et l’émigration forcée que le capital expansionniste et prédateur impose à ces peuples.

Il lui suffit de tenir compte du fait que les politiques néolibérales qu’elle impose à l’Afrique qui n’a pas les moyens de la compétition ne peuvent qu’y engendrer une précarité et une pauvreté qui exigent les mêmes outils analytiques qu’ici. Je veux dire en cela que la misère du monde n’est en rien étrangère à une politique de coopération au développement qui privilégie les intérêts des entreprises et des milieux d’affaires des pays riches au détriment de nos peuples.

Dans la perspective où l’Afrique comme d’autres régions déshéritées du monde disposent de leurs ressources et de la souveraineté politique de décider de leur utilisation, la France n’a pas besoin de sécurité mais de vérité sur elle-même et sur le monde tel qu’elle a contribué à le forger. Car, la France est belle et fraternelle quand elle est juste et solidaire.

Elle est redoutable et dangereuse quand elle se veut l’une des chevilles ouvrières d’un ordre économique mondial qui appauvrit chaque jour davantage des pans entiers de la planète, les repousse et les assigne à résidence dans les ghettos qui sont devenus les banlieues et les pays d’origine des migrants non éligibles à l’immigration choisie.

Il suffit, aujourd’hui, de prendre acte de l’impossibilité pour le modèle néolibéral de garantir, ici et de par le monde, l’emploi et le revenu décent à la majorité des travailleurs, des paysans, des petits commerçants, des artisans… pour convenir du changement qui s’impose. La gauche réconciliée avec ses valeurs de solidarité et de fraternité est, elle seule, capable d’envisager ce changement et d’atténuer la souffrance en France, en Afrique et dans le monde.

Marie George Buffet fait partie des candidats qui incarnent cette gauche et qui nous donnent des raisons d’espérer.

Puisse notre combat contribuer à sa (re)construction et à ouvrir une nouvelle page de l’histoire euro-africaine que nous écrirons et assumerons ensemble.