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Le mouvement s’enracine et se montre

Publie le dimanche 24 octobre 2010 par Open-Publishing

de Paule Masson

Le mouvement de contestation contre la réforme des retraites se durcit et reste largement soutenu par 69 % des Français. La contestation est solidement enracinée dans les territoires. Le gouvernement perd son sang-froid.

Le démenti est cinglant. Au lendemain du double coup de force de l’Élysée, pour imposer le vote de la loi sur la réforme des retraites au Sénat et faire évacuer par la police, au mépris du droit de grève, la raffinerie de Grandpuits, un sondage Canal Plus-BVA montre que 69 % des Français continuent « d’approuver » les grèves et les manifestations. Alors que, depuis la semaine dernière, la situation a évolué, avec l’entrée des lycéens dans le mouvement, les images des casseurs qui défilent sur les écrans et la pénurie de carburant qui se fait ressentir, « le soutien au mouvement, tant d’un point de vue global que dans ses différentes dimensions, n’a pas faibli », commente Gael Sliman, directeur adjoint de l’institut de sondage. Il a même progressé de deux points. Fait significatif, 52 % des Français approuvent les grèves dans les transports en commun (+ 2 %). L’approbation du blocage des raffineries n’est pas majoritaire (46 %) mais gagne aussi 2 points de sympathie.

pas de pause pendant les vacances

Les syndicats ne s’y sont pas trompés. Loin de céder aux sirènes de la division, ils ont encore affiché une belle unité jeudi soir en décidant de ne pas faire de pause pendant les vacances de la Toussaint. La CFE-CGC, dont le président Bernard Van Craeynest avait annoncé son intention de réclamer une pause, justement, a finalement choisi de ne pas faire bande à part. «  La mobilisation est ancrée dans la durée et à un haut niveau  », écrivent six organisations (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT, FSU, Unsa). Portés par un mouvement social «  qui continue de se développer  », selon Bernadette Groison, secrétaire générale de la FSU, les syndicats ont accroché deux nouvelles dates au calendrier, le jeudi 28 octobre et le samedi 6 novembre. Comme d’habitude FO n’a pas signé un texte qui n’affirme pas le principe d’une grève interprofessionnelle de 24 heures, mais continue d’être de la partie. De même pour Solidaires  ! qui regrette que l’intersyndicale n’ait pas choisi une «  date plus rapprochée afin de ne pas laisser trop longtemps les salariés mobilisés au quotidien sans journée de centralisation.  »

Qu’ils divergent ou non sur la forme, les syndicats sont tous d’accord sur l’analyse  : le mouvement social est maintenant installé, permanent, enraciné dans les territoires et toujours aussi soutenu. «  Les salariés nous demandent de continuer et on le fait  », explique simplement François Chérèque, secrétaire général de la CFDT. «  La protestation dans le pays prend un rythme quotidien, avec des débrayages dans les entreprises, des rassemblements le soir, etc.  », insistait jeudi Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT. Dans la seule journée d’hier, des manifestations avec blocages ont eu lieu au marché d’intérêt national de Lomme, près de Lille, à la gare de La Rochelle où de Bordeaux.

des dizaines d’arrêts de travail

À Paris, près de 1 500 employés de la RATP ont stationné devant la régie de l’entreprise publique de transports, avant de se rendre à l’hôpital Tenon, renforcer un rassemblement prévu entre les hospitaliers et les cheminots. Dans la métallurgie, des dizaines d’arrêts de travail, d’une à quelques heures, se déroulent quotidiennement. À Caen ou à Lisieux, des manifestants ont ciblé les dépôts de produits frais, de Super U ou Leclerc. Les blocages ne durent jamais longtemps, ils se déplacent. Ils servent surtout à donner de la visibilité au mouvement face à la surdité du chef de l’État.

Car, pour les manifestants comme pour l’intersyndicale, l’attitude intransigeante du gouvernement est la seule responsable de la poursuite de la mobilisation et du durcissement des actions. Aujourd’hui, l’Élysée n’hésite plus à menacer les grévistes, à pratiquer l’amalgame entre manifestants et violences, à réprimer, durement, faisant le pari d’un décrochage populaire et d’un coup de canif supplémentaire dans l’unité syndicale. La CFDT craint en effet «  toute forme de radicalité  ». Pourtant, les intersyndicales, qui conduisent le mouvement dans les départements, veillent au grain pour concilier les opérations de blocage avec ce qui reste le plus important à leurs yeux  : un élargissement continu de la contestation.

http://www.humanite.fr/22_10_2010-le-mouvement-s%E2%80%99enracine-et-se-montre-456301