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852 millions personnes ont faim

Publie le samedi 11 décembre 2004 par Open-Publishing


Rapport de la FAO : l’insécurité alimentaire augmente. Chaque année 5 millions
d’enfants meurent de faim. A l’économie mondiale la sous-alimentation chronique "coûte" entre
5 et 10 points de PIB. "Elle crée un déficit productif qui équivaut à la disparition
d’un pays comme les Etats-Unis"
Les 18 pays avec plus de 35% de la population sous-alimentée sont tous africains
Mais il y en a qui ont réussi. 30 Etats sont arrivés à réduire de 25% le nombre
des sous-alimentés.


de MANUELA CARTOSIO

Nous devons faire plus. C’est possible de faire plus. Nous ne nous pouvons pas
nous permettre de ne pas faire plus. Ce sont les trois slogans, les trois parties
du Rapport sur la sécurité alimentaire dans le monde (Sofi) présenté hier à Rome
par la Fao. Un rapport sombre parce que les chiffres éloignent l’objectif, fixé en
1996 par le Sommet mondial de l’alimentation, de réduire de moitié d’ici 2015
le nombre des êtres humains affamés.

Dans la période de deux ans 2000-2002, pris en examen par le Rapport, le nombre de personnes sous-alimentées a augmenté au lieu de diminuer : elles ont été 852 millions, 9 de moins par rapport au début des années 90, mais 18 de plus par rapport au milieu de la dernière décennie. 815 millions vivent dans les pays sous-développés, 28 dans ceux en voie de développement, 9 dans les pays industrialisés. Faim et malnutrition provoquent chaque année la mort de 5 millions d’enfants de moins de 5 ans et en font naître 20 millions avec un poids insuffisant condamnés à devenir, s’ils survivent, des adultes aux capacités de travailler, d’apprendre et d’assurer leur propre subsistance réduites. De ces chiffres découle l’impératif de la Fao de faire plus et mieux.

Qu’il soit possible de faire quelque chose la trentaine de pays qui ont réduit de 25% le nombre de sous-alimentés le démontrent. La liste des pays "virtuoses" va de l’Angola au Chili, du Vietnam à Cuba, du Nigeria à la Syrie, du Brésil au Tchad. Mais certains de ces pays, c’est le cas de ceux de l’Afrique sub-saharienne, démarraient dans des conditions désespérées. Qui restent telles malgré le succès relatif emporté. Sauf trois exceptions (Haïti, Corée du Nord, Yémen), les 18 pays avec plus de 35% de leur population sous-alimentée sont en Afrique. Le record négatif (78%) revient à l’Erythrèe , suivie par le Burundi (68%). Qu’ont-ils en commun les trente pays qui sont arrivés à abattre d’un quart la sous-alimentation ? Nombre d’entre eux sont sortis récemment de guerres et de conflits civils, écrit le directeur général de la Fao Jacques Diouf. Certains sont arrivés à augmenter le PIB agricole avec une moyenne annuelle de 3,2%, un point de plus par rapport au pays développés. D’autres ont adopté une double stratégie contre la faim : d’un côté, ils ont renforcé les programmes sociaux pour faire arriver la nourriture à ceux qui n’en ont pas ; de l’autre, ils se sont attaqués au problème à sa racine, en stimulant la production agricole et alimentaire, en augmentant l’emploi et en réduisant la pauvreté. Cette double stratégie est la recette conseillée par la Fao à tous les pays en voie de développement. Si celle-ci est adoptée, "il est encore possible" de réduire de moitié d’ici 2015 la population sous-alimentée.

La troisième partie du rapport, la plus innovatrice, s’attaque au drame de la faim chronique en termes de coûts et de développement raté. Etant donné que les appels éthiques ne mènent à rien, la Fao essaye avec les comptes économiques. Dans les pays sous-développés ou en voie de développement le massacre des enfants dû à la faim coûte aux familles plus de 220 millions d’années de vie productive. On estime que les effets de la malnutrition correspondent à 5-10 points de PIB, une valeur comprise entre 500 milliards et un trillion de dollars. Chaque dollar investi dans la réduction de la malnutrition rapporterait un bénéfice de 8 dollars. "La communauté internationale n’a pas pleinement compris le retour économique qu’elle aurait en investissant dans la réduction de la faim dans le monde", affirme le vice-directeur de la Fao Hartwig de Haen. Les coûts "directs" de la malnutrition atteignent à eux seuls 30 milliards par an, cinq fois plus que la somme consacrée au Fond mondial pour la lutte au Sida, à la tuberculose et à la malaria. On doit y ajouter les coûts "indirects", le trillion de dollars indiqué par le secrétaire Diouf. Pour donner une idée des dommages provoqués à l’économie mondiale, le rapport fait une comparaison que tout le monde peut comprendre : "le déficit de productivité causé par la faim équivaut à celui que provoquerait la disparition ou la mise en état d’incapacité d’un pays comme les Etats-Unis.

Le riz reste la clef de toute politique de sécurité alimentaire. C’est le principal apport calorique pour la moitié de la population mondiale et sa production donne du travail et un revenu à environ 2 milliards de personnes. Les couches plus pauvres de la population dépensent entre 20 et 40% de leur revenu pour acheter du riz.

Le rapport divise les affamés en deux grandes catégories : ceux qui vivent à la campagne et ceux qui habitent les centres urbains. Pour autant que cela semble paradoxal, en général les premiers mangent moins que les seconds. En Chine au début des années 90 16% de la population étaient sous-alimentés. Dans les deux premières années 2000 le pourcentage à baissé à 11%. L’Inde est passée de 25% à 21%.

Parmi les nombreuses cartes du rapport, il y en a une qui met en évidence la superposition parfaite entre sous-alimentation, analphabétisme et fréquence scolaire. La faim grignote les capacités d’apprendre et la fréquence scolaire. Au contraire, l’analphabétisme, en réduisant la capacité de se procurer un revenu, fait augmenter la sous-alimentation. Les victimes d’élection de ce cercle vicieux sont les femmes qui constituent deux tiers des analphabètes dans le Tiers monde.

Traduit de l’italien par Karl & Rosa de Bellaciao

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