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Lettre ouverte au Président de l’Assemblée Nationale

Publie le samedi 18 décembre 2004 par Open-Publishing

Mme Josyane Querelle-Riquier
Présidente de la F.L.A.C

À l’attention de :
Monsieur Jean-Louis DEBRE
Président de l’Assemblée Nationale
128, rue de l’Université
75355 PARIS 07 SP

Thézan, le vendredi 17 décembre 2004

Monsieur le Président,

C’est en ma qualité de Thézanaise et de présidente de la F.L.A.C (Fédération de Liaisons Anti Corrida) que je souhaite vous adresser ici ces quelques lignes.

Dans quelques heures, vous honorerez de votre présence le village de Thézan-les-Béziers dans l’Hérault. Ce village dont je suis originaire, est en effet le premier en France à avoir érigé un monument aux morts de la guerre de 14-18.

Et c’est ce dimanche 19 décembre que vous viendrez commémorer la mémoire de ceux qui tombèrent alors “pour la France”
Parmi ces hommes il en est un du nom de Etienne Querelle. C’était mon grand-père paternel. Tombé sous la mitraille à la Veuve Châlon sur Marne, il est mort le 4 mai 1917 à l’âge de 33 ans et son nom est désormais gravé dans la pierre de ce premier Monument aux Morts.

Ainsi tombèrent des humains. Par centaines de milliers. Civils ou militaires.
Ainsi tombèrent des hommes mais pas seulement, car comme le décrit si bien Alice Ferney dans son roman intitulé “Dans la guerre” tombèrent aussi des milliers de chevaux.
(Extrait des pages 32/33)
« (...) Et la guerre, quant à elle, suivait son cours cruel. Depuis sa déclaration jusqu’à son achèvement elle échapperait à ceux qui la feraient mais tous mourraient pour elle : soldats tués, civils désespérés, animaux enrôlés ou cuisinés...
Par milliers tirés des écuries et des champs, les chevaux étaient saisis. Pour démentir l’idée qu’ils n’en reviendraient pas, on leur peignait au balai un matricule de sorte à pouvoir à la fois les incorporer et les rendre plus tard à leur propriétaire.
La place de l’église raisonnait du bruit de leurs sabots. Leurs hennissements s’emmêlaient aux appels des vétérinaires en blouse et aux injonctions des valets d’écurie suspendus aux longes. Ce monde-là connaissait les bêtes et les choses allaient son train. Tout ce qui marchait était pris dans la guerre. Les mulets, les ânes, les chevaux, les masses musclées de cette chair vivante et chaude, de n’importe quel poil, marcheraient bientôt sous la mitraille.
Ce qui séparait ceux-là des hommes c’était qu’ils n’en savaient rien. Ou bien était-ce que seuls les hommes, qui n’avaient ni crocs pour mordre, ni sabots pour ruer, avaient su concevoir des armes plus puissantes que les crocs et les sabots ?
Quand l’homme imite la nature, c’est étrange comme il sait à la fois la surpasser et la détruire. »

Ainsi le monde humain et le monde animal sont-ils étroitement soudés, leurs destins les uns aux autres liés.
Et d’ajouter :
(Extrait des pages 23/24 )
« (...) Là où Jules était né, la chaleur du corps des bêtes était accessible à chaque instant d’un jour. Depuis sa première enfance, les sensations vitales mêlaient pour lui l’humain et l’animal : douceur et rugosité des toisons, souffle chaud des chevaux, dureté dangereuse des sabots, humidité des museaux...L’homme ne régnait pas sur les bêtes, il partageait le monde avec elles. Jules était l’incarnation de ce lieu ancestral. Pétri par la nature, enchanté dans sa splendeur bruissante, grandi et gaillard grâce à elle, il faisait aux animaux la grâce de son humanité. Il murmurait de petites flatteries à l’oreille des vaches, sifflotait des chansons aux veaux sous leurs mères et parlait aux taureaux comme à des hommes. »
Malheureusement ça n’est pas ainsi que l’on parle ici aux taureaux. On les met au cœur des arènes-abattoirs pour les y estropier avant de les occire. Sans oublier leurs compagnons d’infortune que sont les chevaux tantôt évoqués.
C’est la permanence d’une terrible guerre du monde humain au monde animal, contrairement à Jules qui dans « sa communion avec le monde naturel avait haussé en lui le sens de l’humanité : sous les yeux des bêtes, les hommes se devaient de donner la meilleure image d’eux-mêmes. Voilà ce que Jules pensait.
Les bêtes n’étaient-elles pas devenues muettes devant le spectacle que nous leur offrions ? Oui, se disait-il parfois, elles avaient peut-être été saisies d’horreur, de honte ou de crainte (...)
Jules voulait être digne de ces silences qui partout l’épiaient (...)
Il s’était civilisé selon les meilleures consignes humaines : la parole plutôt que la violence, l’émerveillement et la gratitude devant la vie, la justice et l’équité plutôt que l’exercice de la force, la vertu en chaque action et, mieux encore, l’amour de son prochain. »

En nous rendant aux arènes pour y voir torturer des animaux, nous perdons le sens de notre humanité.
J’ajoute que cette pratique inqualifiable est actuellement soutenue à l’Assemblée Nationale par le groupe parlementaire “Tauromachie” alias “Elevage et Tradition”initié en 97 par Michel Vauzelle Président de la Région PACA, au nom d’une “identité culturelle méditerranéenne”.
Ce groupe est aujourd’hui présidé par le député-maire de Bayonne, Jean Grenet.
Quant au député de l’Hérault, le chirurgien Paul-Henri Cugnenc, (originaire de Thézan-les-Béziers), adjoint au maire de Béziers, il en est pour sa part l’un des vice-présidents avec Etienne Mourrut (député-maire du Grau-du-Roi dans le Gard) et Alain Marleix, (député-maire de Massiac dans le Cantal.)

J’entends ici dénoncer les agissements d’un groupe de pression ultraminoritaire qui bénéficie cependant de l’appui des collectivités territoriales, notamment en matière de financement grâce aux deniers publics.

Fort heureusement, des députées courageuses comme Geneviève Perrin-Gaillard qui me recevait ce 28 avril 2004 à l’Assemblée Nationale ou Muriel Marland-Militello qui déposait ce 8 juin 2004 une proposition de loi visant à une modification de l’article 521-1 du Code Pénal avec l’abrogation du fameux alinéa qui tolère les actes de cruauté et les sévices graves à animaux là où une “tradition locale ininterrompue” peut être invoquée, nous ouvrent de nouveaux horizons vers moins de violence.
Car si la mort est inéluctable, la cruauté et la souffrance infligées qui plus est pour le lucre et pour le divertissement, à l’inverse ne le sont pas.

Sachez enfin, Monsieur le Président, que contrairement à ce que prétendent les promoteurs de corrida, les opposants à une telle abjection sont bel et bien aussi “les gens d’ici”.
J’en veux pour preuve la lettre du professeur de philosophie Henri Callat né au pied des remparts de Carcassonne.
J’espère vivement à présent que toutes les bonnes volontés réussiront bientôt à supprimer de cette terre de lumière qu’est le sud, sa part d’ombre qu’est la corrida comme autant de salissure afin que bêtes et gens ne soient plus jamais réduits au silence face à l’injustice et à la cruauté,.

Vous remerciant par avance de votre attention bienveillante, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale, l’expression de mes respectueuses salutations.

Josyane QUERELLE-RIQUIER

Copie à :
 Monsieur Jean DELHON, maire de Thézan-les-Béziers
 Madame Geneviève Perrin-Gaillard, députée PS des Deux Sèvres
 Madame Muriel Marland-Militello députée UMP des Alpes Maritimes.
 Monsieur Henri Callat professeur de philosophie

Pièce jointe : Texte du professeur de philosophie Henri Callat

L’ouvrage intitulé “Dans la guerre” de l’auteur Alice Ferney a été publié en 2003 chez Actes Sud

FLAC

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