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Libye : l’intervention française a-t-elle été préparée depuis 6 mois ?

Publie le mardi 29 mars 2011 par Open-Publishing

Selon le quotidien italien Libero, loin d’avoir été une réaction spontanée et épidermique face au massacre du peuple libyen, l’intervention française contre Kadhafi serait issue d’une préparation de longue date. C’est ce que rapporte le Nouveau BRN, qui invite à prendre du recul sur la véritable nature de cette « croisade ».

D’étranges révélations ont mis en émoi la presse italienne. Les Alpes constituant à l’évidence une barrière difficilement franchissable, les grands médias français n’en n’ont, semble-t-il, pas encore eu vent. Cela ne saurait tarder, certainement.

Le quotidien Libero, dans son édition du 23 mars, publie un article fort documenté dont la conclusion peut être ainsi résumée : les services français ont préparé et organisé, depuis octobre 2010, la chute du colonel Kadhafi. Une affirmation aussi stupéfiante – en apparence, en tout cas – mérite évidemment d’être considérée avec prudence. Force est cependant de constater que le directeur-adjoint du journal avance des faits, des noms, des dates et met en avant des précisions qui ne peuvent laisser indifférents. En particulier, il retrace le voyage en France de l’ex-bras droit du Guide, qui aurait servi de levier aux projets des autorités françaises. Celui-ci se serait rendu officieusement à Paris. Le journal cite certains détails de ses pérégrinations qui semblent facilement vérifiables.

Libero n’a rien d’un fanzine marginal habitué des « théories du complot ». Diffusé à plus de cent mille exemplaires chaque jour, il fait partie des médias dans l’orbite de Silvio Berlusconi. Ce n’est certes pas une garantie infaillible de rigueur journalistique, mais il est cependant peu probable qu’il prenne le risque d’inventer de toutes pièces un pareil récit. On peut même faire l’hypothèse qu’il ait tiré quelques unes de ses informations du côté des services italiens. On sait que ces derniers n’entretiennent pas des relations sans nuage – c’est un euphémisme – avec leurs homologues de ce côté-ci des Alpes.

Il est de notoriété publique que, lorsque Paris en appelait déjà à la fin du pouvoir en place à Tripoli, Rome freinait des quatre fers ces velléités sarkoziennes. Et pour cause : l’Italie avait récemment signé des accords avec son ancienne colonie incluant de larges transferts de fonds vers la Libye en échange de parts de marché considérables pour les grands groupes transalpins – ainsi qu’un approvisionnement pétrolier préférentiel. Au demeurant, lors du Conseil des ministres européens du 10 mars, on a entendu des portes claquer – et pas seulement avec les Allemands. Quelques confidences de diplomates présents ont même confirmé une tension palpable entre les deux sœurs latines. On peut dès lors comprendre que l’activisme élyséen ait plus qu’agacé le Cavaliere – et que les barbouzes italiens aient opportunément « balancé » quelques révélations gênantes pour Paris. Info ou intox ?

D’autres indices – cette fois dans la presse allemande – semblent converger. Ainsi, le Frankfurter Allgemeine Zeitung (un des plus grands quotidiens d’outre-Rhin) publiait, dans son édition du 19 mars, un témoignage direct concernant la base italienne de Grosseto. Dans la première quinzaine de février, des F16 danois étaient à l’exercice « pour la Libye » selon des sources internes à la base. Avant même les premiers troubles à Benghazi, donc.

S’il était avéré que les préparatifs politiques et militaires étaient à l’œuvre avant l’éclatement des troubles, cela serait tout sauf anodin. Le conte doré des « frappes » humanitaires destinées à « protéger la population civile du tyran qui bombarde son propre peuple » serait soudain éclairé d’une lumière tout à fait nouvelle. Et la « magnifique improvisation » (selon les termes d’un commentateur d’une grande radio) de Nicolas Sarkozy, avec mise en scène béachélienne, apparaitrait sous un jour peu reluisant.

Peut-être même, rêvons en un instant, la « croisade » des chevaliers du Bien contre le nouvel avatar du Mal incarné pourrait-elle être analysée avec un peu moins d’unanimisme (en tout cas dans son principe, si ce n’est dans ses modalités), et un peu plus d’esprit critique – de même que le « story-telling » décrivant de manière édifiante « un peuple voulant en finir avec son tyran ». Comme si la situation en Libye (premier pays africain selon le critère de l’Indice de développement humain) pouvait être assimilée à celle de la Tunisie ou de l’Égypte.

Mais on n’en est pas là, n’est-ce pas ? Les nombreux limiers du monde de l’investigation journalistique français vont certainement s’emparer de l’affaire, et faire litière illico presto des infâmes insinuations du quotidien italien. Qui en doute ?

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