Accueil > Le PS et les sans-papiers : la trahison tranquille
Le PS et les sans-papiers : la trahison tranquille
par via Patrice Bardet
Publie le lundi 10 octobre 2011 par via Patrice Bardet - Open-Publishing12 commentaires
par Thomas Heams-Ogus, écrivain
Pour l’électeur potentiel qui aura écouté jusqu’au bout le dernier débat en date de la primaire "citoyenne", les dernières minutes eurent un parfum amer. Questionnés sur l’immigration, les candidats ont frappé par leur unanimité : le ou la prochain(e) hôte de l’Elysée exclut désormais toute régularisation massive ; chacun, son coeur en badoulière, nous promet des critères justes voire "humains" (sic) pour régulariser au cas par cas. Pas un n’envisagea même un simple moratoire sur les expulsions ! Pour qui a suivi l’histoire du PS avec les sans-papiers, cet aveu décomplexé est attendu et pourtant absolument écoeurant. Qu’entend-on en effet, derrière ce bon sens autoproclamé et les bons sentiments qui l’accompagnent ? Que l’immigration est un problème, que les régularisations massives créent un appel d’air, que la crise impose de ne pas crisper less travailleurs français. C’est une triple capitulation face à la droite qui est ainsi benoîtement entérinée.
Acte Un : ainsi donc, l’immigration est problématique. Pas un candidat n’a rappelé que le socialisme est avant tout un internationalisme, qui reconnaît comme fondamental le droit pour un homme d’où qu’il vienne d’aller et venir, et de chercher son émancipation où il le souhaite sur cette planète. Que ce droit théorique se heurte aux réalités de la crise est une chose, qu’il faille trouver des adaptations pragmatiques est évident, mais qu’il ne se trouve pas un candidat sur six pour rappeler que c’est ce principe fondamental qui doit être notre guide en la matière est sidérant . Tout comme l’est d’ailleurs leur silence sur les origines occidentales de cette crise. En gros, le monde capitaliste s’autodétruit, et on trouve normal que les pauvres des Suds en payent le prix loin de nos yeux. Les doctrines seraient donc faites pour s’effacer derrière la furie prédatrice des marchés...
Face à cela, les candidats restent dans leur bulle, en reviennent à la théorie des "bonnes questions" auxquelles il ne faut pas apporter de méchantes solutions, et conditionnent donc l’acceptation des étrangers à des critères de "mérite", ou d’"intégration", en un aveuglement doublé d’une charité bâtarde à rebours de toute la tradition politique de solidarité dont ils se rengorgent par ailleurs.
Acte Deux : les régulations massives entraînent un appel d’air. Voilà donc l’adoubement d’une autre approximation que la gauche a longtemps tenu à distance respectable. Qu’un effet d’aubaine existe marginalement lors d’un tel processus n’est pas exclu bien sûr, mais on croyait que le logiciel socialiste savait se souvenir que les logiques migratoires sont beaucoup plus complexes. Que notamment, des régions de pauvretés équivalente peuvent être ou non des bassins d’émigration pour des raisons aussi culturelles et historiques, que l’essentiel des migrations se font du Sud vers le Sud, que si les hommes couraient vers la richesse comme vers un aimant, notre continent serait depuis longtemps submergé. Et que donc, l’"appel d’air" dénomination injurieuse qui prend les hommes pour des molécules, était en grande partie un fantasme. De cela, il ne reste rien dans le discours de nos candidats.
Acte Trois, le plus répugnant. Sous prétexte de ne pas exciter les pulsions xénophobes des travailleurs français (des imbéciles supposés, faut-il croire), on devrait accepter les simplifications que les populistes de droite propagent, et notamment avaliser le lien entre chômage et immigration que fait depuis des années le Front National, et son faux nez à l’UMP, la Droite Populaire. Cette position pleutre est d’ailleurs aussi au centre du sarkozysme : combien de fois a-t-on entendu le président de la République expliquer doctement que face à des masses déboussolées et furieuses, la seule réponse possible était "la fermeté", parfaitement incantatoire, et négatrice de tout travail patient d’exposition de la complexité des phénomènes migratoires. Faut-il donc que la gauche y succombe ? Qu’on ne s’y trompe pas : même avec des nuances et des trémolos dans la voix, accepter par pragmatisme d’opposer un prolétariat national à un sous-prolétariat immigré, ne plus chercher à dénoncer cette ignominie, est un reniement majeur que les socialistes demandent à leurs électeurs de valider.
Doit-on s’en étonner d’ailleurs, au vu du long travail de décomposition des partis politiques que cette primaire parachève ? Se souvient-on de Lionel Jospin qui, dans les derniers feux de la campagne de 1997, promit de régulariser tous les sans-papiers pour finalement, lui aussi, céder aux composantes autoritaires de sa fragile majorité plurielle ? Ingrate gauche de gouvernement, oublieuse des mouvements de solidarité avec les sans-papiers de 1996, qui avaient remobilisé et réarmé la gauche des rues, et à qui elle devait en grande partie sa victoire. Donnons-lui acte en 2011 de ne même plus faire semblant de croire à ces principes... Cet abandon en rase campagne, sous la pression d’une supposée "opinion", ne pouvait que se trouver amplifié par la mécanique des primaires, où le Parti Socialiste (et ses futurs imitateurs), perd toute capacité d’impulsion, de transformation, d’éclairage, mais se transforme en réceptacle des demandes putatives d’un peuple considéré comme intellectuellement limité, demandes tamisées par les éditorialistes de plateau et les prophéties autoréalisatrices des sondages qui façonnent les agendas médiatiques et politiques.
Est-il devenu impossible que le PS retrouve un peu de courage et d’honneur, et ne rappelle que l’immigration est une chance et un besoin ? Doit-il laisser cette approche aux seuls ultralibéraux ? Refusera-t-il désormais de dire que si l’immigration a certes besoin de contrôle, pour doucher les rêves esclavagistes délirants des apôtres du libre-échangisme et du démentèlement des droits sociaux, ce contrôle passe par le co-développement, par la reconnaissance de la dette que notre pays a envers les hommes de toutes nations qui l’ont reconstruit au détriment de leur propre vie ?
Refusera-t-il désormais de reconnaitre que notre richesse insolente s’est longtemps battie sur l’exploitation des Suds ? Oubliera-t-il pour toujours qu’une politique de migrations temporaires est possible, autorisant allers et retours, pour ne pas piéger en France des hommes dont le but initial n’est pas de s’y installer ? Qu’une régularisation massive, chaque décennie par exemple, n’est ni une menace numérique ni un péril identitaire si notre pays sait ouvrir les yeux sur la pluralité de son héritage culturel, et qu’elle apporterait de la sécurité aux bénéficiaires et donc à la société ? Que nos voisins européens qui l’ont fait n’ont pas été engloutis ?
Peut-être que tout cela est écrit, quelque part en tout petit, dans le programme et les plaquettes des candidats. Mais le débat du 28 septembre permit de faire surgir et de condenser en quelques mots l’esprit de leur logique, le message à retenir, et c’est cela le coeur du problème. Il faut le dire : cette position est une trahison de tous les travailleurs sans-papiers, de leur familles et de leurs soutiens.
Reste à espérer que la longue campagne qui s’ouvre suscite d’autres voix, d’autres rapports de force, pour infléchir cette tendance et mettre fin aux oppositions mortifères entre les classes laborieuses de ce pays.
Messages
1. pas une nouveauté, 11 octobre 2011, 08:32, par patrice bardet
pour qui s’intéresse à la classe ouvrière, et à sa frange la plus fragile, celle d’origine immigrée
2. Le PS et la classe ouvrière : la trahison théorisée, 11 octobre 2011, 08:37, par patrice bardet
3. Le PS et les sans-papiers : la trahison tranquille, 11 octobre 2011, 11:52, par pilhaouer
Point 3 du projet d’Arnaud Montebourg :
3. Le capitalisme coopératif : Transformer le monde du travail et redonner du pouvoir d’achat aux Français en répartissant mieux les profits de l’entreprise et en réduisant les écarts de rémunération entre salariés et dirigeants.
et sous la plume de Jean Emmanuel Decoin, on lirait dans "l’Huma" que « le peuple de gauche regarde forcément avec sympathie le score d’Arnaud Montebourg, en tant qu’il ouvre une brèche à l’intérieur du PS ». (mais je n’ai pas le texte complet)
Sur le blog de J-L Mélenchon : "... je note surtout la percée spectaculaire d’Arnaud Montebourg et des idées de rupture qu’il porte dans des termes souvent identiques à ceux du Front de Gauche ... "
Ah ! La rupture, c’est mieux répartir les profits ! C’est le capitalisme coopératif !!!!
4. Le PS et les conjoints étrangers mariés à des français : la trahison tranquille, 11 octobre 2011, 12:12, par himalove
Figurez-vous que, moi l’anarchiste, le communiste qui croit à la révolution possible, j’ai voulu voter dimanche, à Dieulefit, au primaire socialiste.
Pourquoi ? parce que j’avais entendu dire dire qu’il serait possible, à l’occasion de ces élections officieuses, que mon épouse étrangère puisse voter...
Or, les socialistes qui s’appuyèrent grandement sur le personnel des mairies et de l’appareil d’état mentaient... Les étrangers n’ont pas eu le droit de vote lors de ces mascarades qui annonçaient le changement !
1. Le PS et les conjoints étrangers mariés à des français : la trahison tranquille, 11 octobre 2011, 12:17, par Oime
Himalove, faut se renseigner un peu, les "on dit", ça suffit pas
fallait être inscrit sur les listes électorales, et ça tout le monde le savait non ?
2. Le PS et les conjoints étrangers mariés à des français : la trahison tranquille, 11 octobre 2011, 15:00
Le PS a entretenue sciemment la confusion en disant que les étrangers, sans beaucoup préciser ceux membres du PS, pourraient voter
3. Le PS et les conjoints étrangers mariés à des français : la trahison tranquille, 11 octobre 2011, 21:07, par patrice bardet
trente ans que les socialistes promettent que les étrangers vivant en france pourront voter
c’était l’une des promesses du candidat "socialiste" mitterrand en 1981
Là, pour ces "primaires", il n’était pas besoin d’une loi quelconque, les socialos ont établi leurs "règles"
Il était seulement nécessaire d’être un tant soi peu conforme aux engagements maintes fois tenus, de donner l’occasion de reconnaitre une dignité des gens qui vivent avec nous, qui partagent notre quotidien
Une fois de plus, c’est la trahison, le mépris
Trente ans, une génération...
Mais c’est une habitude.....
Pour ceux qui connaissent le nord, souvenez vous de l’immigration flamande , polonaise, et de son "traitement" par les "socialistes"
4. Le PS et les conjoints étrangers mariés à des français : la trahison tranquille, 11 octobre 2011, 23:06, par Oime
jamais entendu parler de ça... il faut etre inscrit sur les listes electorales, point barre...
5. Le PS et les conjoints étrangers mariés à des français : la trahison tranquille, 12 octobre 2011, 00:00
sur le site des "primaires citoyennes" :
"Tous les citoyens français inscrits sur les listes électorales avant le 31 décembre 2010."
puis :
"Tous les mineurs qui auront 18 ans au moment de la présidentielle, ainsi que les mineurs membres du PS ou du MJS et les citoyens étrangers membres du PS ou du MJS pourront également voter à condition de s’inscrire avant le 13 juillet."
6. Le PS et les conjoints étrangers mariés à des français : la trahison tranquille, 12 octobre 2011, 13:30, par Oime
la femme d’Himalove est membre du PS ????
:)
7. Le PS et les conjoints étrangers mariés à des français : la trahison tranquille, 13 octobre 2011, 01:03
effectivement, c’est là qu’on voit les limites réelles
5. Le PS et les sans-papiers : la trahison tranquille, 11 octobre 2011, 14:00, par richard PALAO
Ils sont forts ces socialos , rien qu’avec des mots bien sélectionnés et des phrases qui dégoulinent de bons sentiments , ils arriveraient presque à nous faire croire qu’ils sont de gauche ...
Ils ont adopté l’adage chiraquien " les promesses n ’engagent que ceux qui y croient " ...