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Au Havre, syndicalistes pas voyous !

par PACO

Publie le mardi 18 mars 2014 par PACO - Open-Publishing

La journée d’action interprofessionnelle public-privé du 18 mars avait un ton très particulier au Havre où quatre militants CGT sont dans le collimateur du patronat et du PS. La forte manifestation unitaire CGT-Solidaires-FSU-FO s’est arrêtée devant le palais de justice pour exprimer la solidarité des salarié-e-s envers quatre syndicalistes qui, le 21 février, sont passés devant le tribunal correctionnel pour deux affaires assez banales. Leur sort sera fixé le 31 mars.

La première affaire date du 10 septembre 2013, journée de mobilisation nationale notamment contre la réforme des retraites socialiste, copie conforme de celle voulue par Sarkozy. Après la manif du matin, des militants de la CGT ont envisagé de rencontrer les représentants locaux des partis au pouvoir. Flop. La tentative de dialogue s’est transformée en collage d’affiches sur les vitrines du PS. Dans le joyeux chahut, la plaque de la députée PS a été dévissée. Le groupe a poursuivi son chemin vers le local du PRG. Là, les cégétistes ont été reçus par des jets de neige carbonique ! Armés d’extincteurs, les radicaux de « gauche » ne furent pas plus causants que leurs amis socialos. Leur local fut également quelque peu décoré. Au final, quatre cégétistes seront poursuivis pour dégradations, vol et recel de la plaque parlementaire (pourtant rapidement rendue intacte). Le 21 février, le procureur demandait deux mois de prison avec sursis et 300 euros d’amende pour les cégétistes. Pour leur accueil musclé (qui a aussi visé un policier), les gens du PRG pourraient récolter entre trois et six mois avec sursis plus 400 et 500 euros d’amende.

La seconde affaire nous ramène au 10 janvier dernier. Un mouvement de grève de quatorze jours secouait l’entreprise SPB, une société de courtage en assurances. Les salarié-e-s réclamaient des hausses de salaire et de meilleures conditions de travail. Air connu. La direction de la boîte, peu habituée aux conflits sociaux, mandata un huissier pour suivre l’agitation. Ce dernier, ancien policier, eut la mauvaise idée de siffloter L’Internationale en prenant les grévistes en photo. A la suite de cette provocation, le porte-document de l’huissier tomba au beau milieu d’un feu de palettes dans des circonstances très floues. Le 21 février, le procureur réclama pas moins de six mois de prison ferme et 500 euros d’amende à l’encontre des deux co-secrétaires généraux de l’UL CGT du Havre en assurant que face aux actions syndicales « de plus en plus violentes », il fera toujours des « réquisitions de fermeté ».

Pendant les débats, bloquant la circulation, plus de 3000 personnes piétinaient dans le froid devant le palais de justice. Un bon millier de dockers et d’ouvriers portuaires CGT étaient présents ainsi que des délégations syndicales du privé comme du public venues parfois de loin (Marseille, La Rochelle...). Des drapeaux Solidaires, FSU, Unef, FO pointaient dans une forêt de bannières CGT.

Depuis, la mobilisation s’organise contre le retour de la loi anti-casseurs (en principe enterrée en 1981) qui, dans les années 70, permettait de faire condamner n’importe qui au nom d’une supposée « responsabilité collective ». Le 5 mars, à Rouen, CGT, FO, FSU et Solidaires publiaient un communiqué commun pour dénoncer l’acharnement judiciaire envers des militants syndicaux traînés en justice « pour avoir défendu des salariées dans des actions collectives » et demander « le vote d’une loi d’amnistie sociale portant des droits nouveaux, protégeant les militants syndicaux qui agissent, dans le cadre de leur mandat, dans les actions collectives. »

Les mêmes organisations étaient au coude à coude le 18 mars devant le tribunal du Havre où cinq cortèges convergeaient. Partis pour combattre le pacte d’irresponsabilité qui unit le gouvernement et le patronat avec la bénédiction de quelques "syndicats", les 5000 manifestants ne se sont pas arrêtés là par hasard et parlaient même de revenir le 31 mars pour le verdict. A cette occasion, les orateurs ont annoncé la création d’un comité de soutien aux Quatre du Havre composé d’artistes (dont Little Bob et HK entre autres saltimbanques qui ne lâchent rien), de responsables syndicaux et politiques. En fin de manifestation, une délégation unitaire a remis au sous-préfet une pétition demandant la relaxe des syndicalistes signée par des milliers de personnes.

Forte de plus de plus de 8800 syndiqué-e-s, l’UL CGT du Havre donne parfois des sueurs froides aux patrons et aux politiciens locaux. Marquée par le syndicalisme révolutionnaire de Jules Durand, adepte du syndicalisme de combat, la troisième union locale de France dérange. De ce fait, il est sans doute tentant de vouloir transformer en voyous ou en criminels ces syndicalistes trop ardents. Le calcul est périlleux et risque de mettre de l’huile sur le feu.

En refusant de donner leurs empreintes ADN (mesure concernant à l’origine les délinquants sexuels...) lors de leur convocation au commissariat central le 21 janvier, les co-secrétaires généraux de l’UL CGT du Havre ont montré qu’ils ne laisseront pas une certaine justice mettre sur le même plan action syndicale et criminalité. Ils ne seront pas seuls dans ce combat.

Les jugements des deux affaires seront prononcés le 31 mars à 13h30. La plus large solidarité est attendue ce jour-là, dès 11h30, devant le tribunal de grande instance du Havre (133, boulevard de Strasbourg).

Militant-e-s de la CGT ou pas, il est toujours possible d’exprimer sa solidarité en signant la pétition qui demande la relaxe des « Quatre du Havre ». Le nombre des signataires va dépasser les 3500. Il y a moyen de faire mieux. Il est clair que c’est l’ensemble du mouvement social qui est visé à travers les syndicalistes havrais.

Photos Paco au Havre le 18 mars 2014.

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