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Mémoire historique : Information et mise au point sur l’association « 24 août 1944 »

par Miguel Campos

Publie le lundi 18 novembre 2019 par Miguel Campos - Open-Publishing
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Que s’est-il passé en cette fin octobre et début novembre 2019 ? Un conflit entre une grosse minorité des membres fondateurs (4 personnes) et une petite majorité (5 personnes) de notre groupe mémoriel.

Une exposition sur la mémoire et l’exil (80e anniversaire de la Retirada) se préparait avec une trentaine d’artistes dans les locaux de l’institut Cervantès de Paris – institution espagnole qui ignorait notre existence jusqu’alors. Fin septembre, l’une des membres préparant ce chantier s’est vue éjectée, en silence et sans explication, du groupe de travail.

Les trois personnes chargées de la récolte des textes, mise en page, corrections et suivi d’impression des panneaux roll-up, affiche et catalogue se sont brutalement trouvées confrontées à une contradiction classique : le ministère de la Justice du royaume d’Espagne, trouvant nos réalisations intéressantes sur le sujet, avait décidé d’aider financièrement trois projets 2019, sans aucune sollicitation de notre part (une souscription auprès des ami-e-s de notre association avait déjà répondu à nos angoisses financières) : fresque sur la Nueve, exposition à Paris, exposition à Madrid, catalogue).

Subitement, en contrepartie de cette aide, nous devions faire figurer sur la fresque le logo du ministère espagnol de la Justice agrémenté de la couronne. Cela avait suscité, en juillet, quelques débats dans l’association, que nous avions surmontés avec unanimité et abstentions amicales, comme c’était notre coutume : le logo « 80 aniversario », flanqué d’un logo réduit dudit ministère, figure donc au bas de la fresque, à deux pas du square « Federica Montseny », inauguré le même jour du 24 août 2019.

La ministre de la Justice Dolores Delgado était venue honorer à la fois la mémoire des hommes de la Nueve et de l’ancienne ministre anarchiste de la République. L’hommage du vice à la vertu – autrement dit de la monarchie déchue de 1931 à la République assassinée de 1939 – était déjà un paradoxe, mais il nous semblait bon à prendre.

Nous ignorions, alors – à l’exception notable de notre présidente – que ladite ministre de la Justice avait quitté brusquement un hommage aux victimes de Mauthausen, le 5 mai, parce qu’une oratrice catalane expliquait que la plaque d’hommage aux morts espagnols avait été inaugurée en 2017 par un représentant de la Generalitat, absent pour raison d’emprisonnement politique « depuis 440 jours » (à cette date) **.
Ce 24 août 2019, la ministre venait discourir devant le « Jardin des combattants antifascistes de la Nueve », à l’hôtel de ville de Paris ; elle allait alors énerver un peu la foule en osant déclarer qu’elle était persuadée que ces « hommes auraient certainement été fiers de la Constitution espagnole de 1978 » (qui stipulait entre autres que la mémoire serait désormais aphone et que les bourreaux égalaient les victimes).

En octobre, au moment, donc, de la préparation de l’exposition parisienne, la sentence d’un siècle de prison pour les Catalans indépendantistes tombait, comme au temps de la nuit du franquisme ; les polices nationales et catalane frappaient, blessaient et arrêtaient indistinctement hommes et femmes, jeunes et vieux protestant à Barcelone et d’autres villes catalanes contre cette sentence.
Une émotion intense agitait de nouveau les membres de l’association, à l’idée de placer le logo ministériel « de la Justice », fût-elle socialiste, sur nos réalisations (emblème exigé, cette fois, pour tout paiement de l’obole promise). Après une unanimité spontanée des membres, nous cheminions vers la suppression de toute trace officielle du bailleur de fonds et une absence probable de chèque royal – ce qui nous affectait fort peu –, une probable annulation – la mort dans l’âme, mais fermes et solidaires – de l’exposition à l’institut Cervantès, une annulation de l’exposition de Madrid et, bien entendu, de tout futur partenariat.

En quelque sorte, nous retrouvions une liberté d’action que nous n’aurions jamais dû entacher…

En guise d’épilogue provisoire
(Todo está « atado y bien atado* », maxime franquiste)

Par un mystère insondable à ce jour, un revirement de la petite majorité citée plus haut a brusquement rendu nécessaire de continuer comme s’il ne s’était rien passé d’important dans l’histoire récente de l’Espagne, sans avertir l’ensemble des artistes, prenant d’autorité la direction totale des affaires en cours : contrairement à notre coutume, aucune réunion n’était accordée pour décider à l’unanimité d’engager ce nouveau processus. Les téléphones sont restés muets : la présidente, Véronique Salou, a opposé un silence total aux appels des membres – jusqu’ici fraternel-le-s – et mené une classique prise de pouvoir aberrante et inexplicable.

Quatre jours avant le vernissage (5 novembre), une réunion « interne » était finalement « accordée » en catastrophe (explication : les fabricants du matériel d’information faisant partie de la « minorité », la « majorité » avait besoin de ce matériel). La réunion n’a pas constitué une ré-Union des membres fondateurs et fondatrices : les ricanements, les insultes et les cris (« C’est des traîtres ! », « De toute façon, ils ne foutent rien ! », « Saboteurs ! Escrocs ! ») ont jeté les minoritaires dans un camp supposé d’ennemis… La dérive misérable d’accaparement de pouvoir et de salissure du contradicteur se nourrit d’argent et de contacts privilégiés avec quelques « grands » de ce petit monde.

Une membre de la « minorité », ayant eu le front d’être présente au vernissage, a subi les menaces répétées du peintre Chica Ventura (« majorité ») et l’attitude hostile de ses ancien-ne-s compagnons et compagne affinitaires. Quelques artistes ont retiré leurs œuvres de l’exposition dès qu’ils ont compris le sujet du conflit. Les autres ne sont pas informés, la présidente détenant seule les contacts de l’ensemble et refusant de le faire : l’exposition étant une œuvre collective, les artistes auraient pu se positionner en toute connaissance, avant la date du vernissage…

Notre association est déchirée aujourd’hui, mais ce n’est pas le Parti socialiste espagnol qui a réussi à nous diviser, c’est l’opportunisme de la fraction « majoritaire ». Nous avons été méprisés et insultés par des personnes qui agissent uniquement dans leur propre intérêt, pour l’argent provenant du travail avec le gouvernement espagnol et pour la gloriole que procurent les rencontres avec des ministres et des diplomates. Au point d’oublier l’essence de notre lutte : rendre justice – sans concession – aux nôtres, aux républicains qui ont lutté pour changer ce monde de misère et d’exploitation.

Chacune, chacun sait désormais ce qu’il en est ; faites ce que bon vous paraît.

Salutations fraternelles de Cristine Hudin, Agnès Pavlowsky, Daniel Pinós et Serge Utgé-Royo, membres fondateurs de « 24 août 1944 » (« minoritaires »).

NB – Depuis 2018, les mêmes futurs « majoritaires » avaient longtemps opposé un silence à la demande des futurs « minoritaires » de monter une exposition « Mujeres libres » à Paris, prêtée par les compagnons et les compagnes de la FAL de Madrid (Fundación Anselmo Lorenzo, fondateur historique de la CNT). Après palabres et insistance, ils avaient finalement proposé de la « mal-loger » dans les couloirs d’un centre d’animation parisien, ce que la minorité dérangeante avait repoussé…

* « Tout est ficelé et bien ficelé » : formule attribuée à Franco, qui l’aurait prononcée au cours des dernières années de sa vie. Il voulait que tout soit prêt pour qu’après sa mort le régime lui survive, avec la mise en place de la famille royale actuelle, réglant ainsi par avance le souci des anciens bourreaux et une impossibilité de revenir sur le passé.

** Sur le brusque départ de la ministre Delgado, on trouve beaucoup d’infos sur internet… Et celle-ci : https://blogs.mediapart.fr/fred-clarke/blog/080519/commemoration-mauthausen-la-memoire-selective-de-l-etat-espagnol

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