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Le patriarcat compris comme dynamique sociale

par Christian DELARUE

Publie le lundi 25 novembre 2019 par Christian DELARUE - Open-Publishing
2 commentaires

Le patriarcat compris comme dynamique sociale

Au lieu de le voir comme un état (ou une photo) on va le voir ici comme une tendance opposée à une force de réduction ou abolition, comme un processus, une dynamique sociale et historique . Une tendance peut être relativement stabilisée dans un sens ou dans un autre .

Le patriarcat comme système de domination peut être soit bridé comme dans le patriarcat réduit, soit accentué, renforcé comme dans l’hyper-patriarcat.

L’hyper-patriarcat relève de la revendication globale des contre-mouvements réactionnaires (religieux ou non) s’opposant durement aux conquêtes féministes des 50 dernières années.

 Le patriarcat peut être BRIDE par des lois, par des groupes sociaux pro-égalité H/F actifs et en position de le réduire voire de le détruire face aux masculinistes.

On parlera alors de "patriarcat réduit" car il maintient néanmoins une sub-culture du « chacun à sa place » ou comme le dit Yvan Joblonka (1) " la femme, en raison de sa biologie (utérus, poitrine), reviennent les responsabilités maternelles et ancillaires. Évidemment, considérer qu’aux organes féminins correspondent certaines servitudes relève d’une interprétation biaisée du corps humain. Les hommes, eux, monopolisent toutes les responsabilités extérieures, les pouvoirs politiques, militaires, économiques, et les privilèges qui vont avec ».

 Le patriarcat, au lieu d’être bridé, un peu comme le capitalisme par un Etat social dans certaines formations sociales d’après 1945, peut au contraire être RENFORCE par l’absence d’un droit qui criminalise le viol ou la prostitution.

Dans l’hyper-patriarcat, il y a pleine reconnaissance de la complémentarité hiérarchique des sexes, au sein de laquelle l’homme tient la position supérieure. Yvan Jablonka précise que « Cette préséance est double : responsabilités extérieures, mais aussi à l’intérieur du foyer. La femme n’y règne que par délégation. Elle s’occupe de ses enfants à lui, elle met à disposition son corps, y compris sur le plan sexuel. Dès lors que la femme doit obéissance à son mari en échange de sa protection, la notion de viol conjugal est inenvisageable. On voit bien comment, dans ce contexte, la violence physique est toujours possible : si le deal patriarcal n’est plus respecté, la violence devient un mode de régulation pour rappeler que chacun doit rester à sa place. »

On voit bien dans ce passage que si la « double préséance » peut perdurer dans un système de "patriarcat réduit" il n’en va pas de même du « devoir d’obéissance » de la femme au mari (ou compagnon) qui n’existe plus en droit mais aussi en fait dans les couples les plus éloignés du modèle patriarcal, surtout quand la femme dispose de son autonomie financière. Des complémentarités partielles peuvent certes subsister au sein d’un fonctionnement global d’égalité et de liberté de chacun.

Christian DELARUE

Le 1 hebdo - « Le féminicide est l’échec sanglant du patriarcat »
https://le1hebdo.fr/journal/numero/273/le-fminicide-est-l-chec-sanglant-du-patriarcat-3572.html

http://amitie-entre-les-peuples.org/Le-patriarcat-compris-comme-dynamique-sociale-Christian-DELARUE

Messages

  • CNDF pour le 23 nov 19

    Deux structures féministes ( Abandon de Famille, Collectif National pour les Droits des Femmes, ou personne : Gwenola Sueur, collaboratrice du rapport ) ayant participé au contre-rapport soumis au Grevio en avril 2018 par 11 ONG , prennent acte du rapport publié par cet organe spécialisé indépendant chargé de veiller à la mise en œuvre, par les Parties, de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul).

    Elles prennent acte des mesures signalées comme évoluant de façon positive par le GREVIO, (tout en émettant certains doutes) telles l’instauration de la Grande Cause Nationale, l’efficacité de l’information des victimes ou les mesures prises dans le cadre du travail. Mais surtout elles tiennent à alerter sur les TRÈS nombreux manquements, souvent graves, remarqués par les expert.e.s chargé.e.s d’évaluer le respect, par la France, du traité international :

     l’inefficacité du Service du Droit des Femmes, par manque de légitimité, comme autorité de coordination interministérielle dans la lutte contre les violences
     le manque de visibilité des « ressources affectées » et le « manque de prévisibilité des financements publics »
     l’absence de fil conducteur dans les 5 plans interministériels de lutte contre les violences faites aux femmes
     la disparition des « commissions départementales de lutte contre les violences »
     les difficultés dans le recueil des données statistiques
     la place négligeable accordée aux violences psychologiques au sein du couple
     "une absence totale de dispositifs juridiques aptes à protéger les femmes des violences économiques", d’études et chiffres en la matière, ainsi que des campagnes de sensibilisation portant sur ce type de violence conjugale en particulier.
     le manque d’application de la loi de 2001 prévoyant 3 heures d’information sexuelle par an des élèves
     les lacunes sur la formation des professionnel-le-s
     les graves lacunes dans les stages de « sensibilisation des auteurs »
     une sonnette tirée très fort « face à l’insuffisance alarmante de dispositifs d’hébergement spécialisés destinés aux femmes victimes de violences », insuffisance qui est le « reflet de politiques qui peinent à reconnaître la spécificité des violences faites aux femmes et tendent à les assimiler à d’autres types de violences et de comportements criminels. »
     Le Grevio constate que pour bénéficier d’un logement social, il faut disposer d’une ordonnance de protection, parcimonieusement délivrée.
     le manque de centres d’urgence d’accueil des victimes de violences sexuelles, sans nécessité de dépôt de plainte
     de graves déficiences dans le repérage des enfants témoins co-victimes des violences conjugales entrainant l’absence de mise en place de dispositifs appropriés
    le peu de signalements de violences opérés par les professionnel-le-s.Le Grevio préconise une protection juridique contre les représailles.
     le peu d’efficience des mesures visant à protéger les enfants : le retrait l’autorité parentale est exceptionnel même en cas de condamnation définitive, l’exercice conjoint de la parentalité est maintenu sous forme de résidence alternée. Le Grevio note que les dispositifs de protection contre les violences peuvent même se retourner contre les victimes. Il souligne qu’il y a un doute sur la capacité parentale des victimes, une tendance à dévaloriser leur parole au nom d’un prétendu « symptôme d’aliénation parentale ».
     le risque accru de violences post séparation
     le peu de reconnaissance des violences psychologiques au sein du couple
     l’absence de présomption de non-consentement d’un.e mineur.e de 15 ans à tout acte sexuel avec un majeur
     la correctionnalisation fréquente du crime de viol
     le fait que le mariage forcé ne soit pas une infraction pénale
     le risque que la médiation pénale ne soit acceptée que par « par peur de violences futures ou de représailles de la part de l’auteur des violences. »
     le nombre très faible de dépôts de plaintes. Il en note l’augmentation avec #MeToo, ce qui nécessite des moyens supplémentaires. A ce sujet, il note « l’efficacité des interventions des associations spécialisées aux fins d’accroître les taux de plaintes (qui) est avérée. Dans les cas de violences sexuelles, un tiers des victimes soutenues par le Collectif féministe contre le viol alerte la police après s’être confiée au numéro d’écoute nationale tenu par cette association : ce taux est trois fois plus élevé que la moyenne. »
     « le défaut de connaissance des dispositifs existants ( de la part des professionnel.le.s) ainsi que les préjugés et attitudes discriminatoires issus d’une culture patriarcale (qui) continuent à parsemer d’embûches le parcours des victimes. »
     les difficultés procédurales rencontrées par les victimes lors du dépôt de plainte
    le faible taux de condamnation à l’exception du harcèlement sexuel
     l’ordonnance de protection qui est très peu utilisée. Elle ne concerne pas tous les formes de violences. Elle est souvent accompagnée de demande de preuves, de dépôt de plainte, la notion de « danger » et de « vraisemblance » est fluctuante,les délais d’attribution sont trop longs, etc. Bref, le dispositif en l’état est inaproprié, notamment pour les victimes étrangères dont l’obtention d’une carte de séjour renouvelable est conditionnée à l’obtention d’une ordonnance de protection .
    le fait que des femmes en situation irrégulière se rendant au commissariat pour déposer plainte se fassent arrêter.
     les barèmes extrêmement bas pour obtenir l’aide juridictionnelle
    les « fortes disparités territoriales dans la procédure suivie pour délivrer le titre de séjour »
     des « retards considérable dans la délivrance des permis de séjour » qui « entravent le parcours des victimes pour sortir des situations de violence »
    la difficulté à faire reconnaître les « violences fondées sur le genre » comme motif pour se voir attribuer le droit d’asile.

    Les deux structures se félicitent de la pertinence des points soulevés dans ce rapport et se tiennent prêtes à continuer à collaborer avec le GREVIO en matière de suivi de l’application des mesures soulignées.

    Elles considèrent aussi qu’il est temps d’élargir la thématique du « Grenelle » afin d’y inclure toutes les violences et de profiter de l’opportunité pour se mettre en conformité avec les recommandations du Grevio.

    http://www.collectifdroitsdesfemmes.org/spip.php?article515

  • Le patriarcat, me semble-t-il, ce n’est pas uniquement la domination de l’homme sur la femme (j’appellerai plutôt cela le "sexisme" sur la base d’une idéologie misogyne), c’est surtout la domination du père, du patriarche sur toute la famille, donc y compris les garçons. Ces derniers, en attendant d’être adultes ou adolescents et donc de se défaire de l’autorité du père, sont éduqués (y compris donc par leur mère) pour devenir de futurs patriarches. Bien sûr ce patriarcat qui date d’avant les religions monothéistes encore en place, a été repris, théorisé par ces religions pour maintenir une domination sociale des gouvernants ; comme si ceux-ci déléguaient au père une partie de l’application de cette domination, en contrepartie de pouvoirs illusoires sur sa vie. Donc, sans être un fondement originel de l’idéologie bourgeoise, le patriarcat en est un des piliers. Tout comme le sexisme, le racisme. Cela lui permet de diviser pour mieux régner.
    Ceci n’empêche pas de nos jours qu’une partie de cette même bourgeoisie s’oppose à ce patriarcat, ce sexisme ou ce racisme, parce que ces piliers vieillissent sur le plan idéologique et donc ils ont moins d’efficacité, et cela créé plus de tensions et donc de problèmes sociétaux, que s’en n’en résout. Mais, malgré tout, ces piliers subsistent encore ans les sociétés humaines.
    Gageons que la bourgeoisie trouvera d’autres solutions pour maintenir sa société en place ; le communautarisme cultuel pouvant en être une ; par exemple.