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Les salariés des entreprises en faillite moins indemnisés

Publie le jeudi 31 juillet 2003 par Open-Publishing

Les salariés des entreprises en faillite toucheront une indemnité moins
élevée qu’actuellement

LE MONDE | 30.07.03 | 12h48

Jean-Pierre Raffarin et François Fillon accèdent à une demande du Medef
destinée à sauver l’Association pour la garantie des salaires, qui est
endettée à hauteur de 530 millions d’euros

La mesure est passée dans la plus grande discrétion. Par un décret publié
dimanche 27 juillet au Journal officiel, et révélé mardi par Les Echos, le
gouvernement vient de modifier en profondeur les modalités d’indemnisation
des salariés des entreprises en faillite, accédant ainsi à une vieille
revendication du patronat, chargé d’abonder l’Association pour la garantie
des salaires (AGS). Le plafond maximal des indemnités versées aux salariés
(126 464 euros) va être divisé par deux, pour passer à 58 368 euros. Pour
les salariés embauchés dans les deux années précédant la défaillance et plus
de six mois avant celle-ci, le plafond maximal sera ramené à 48 640 euros.
Ce sont donc les cadres, dont les salaires sont les plus élevés, qui
paieront le plus lourd tribut à cette modification du code du travail.

"Je trouve scandaleux que les entreprises fassent payer aux salariés leurs
défaillances et leurs erreurs de gestion", confiait, mardi, Jean-Luc
Cazettes, le président de la CFE-CGC. De son côté, Gilles Nicoli, ancien
délégué CFDT d’Air Lib, dont 850 anciens salariés attendent toujours leurs
indemnités et qui ne sont pas concernés par les nouvelles modalités ,
s’est dit "choqué"qu’une telle mesure, "si grave pour les salariés, passe en
catimini, à la veille des vacances du gouvernement".

Pour le gouvernement, ce nouveau plafonnement doit permettre de sauver un
système au bord de l’asphyxie. Le décret, cosigné par le premier ministre,
Jean-Pierre Raffarin, et par le ministre du travail, François Fillon, sort
en effet au moment où l’AGS connaît d’importants problèmes de trésorerie.
Endetté à hauteur de 530 millions d’euros, le fonds est en quasi-cessation
de paiements. Tandis que des centaines de salariés sont actuellement en
attente de paiement, le conseil national des administrateurs et mandataires
judiciaires à la liquidation des entreprises avait d’ailleurs reçu, le
20 juin, un courrier demandant de s’armer de patience. La situation devenait
donc explosive.

La récente multiplication des procédures collectives (liquidations et
redressements judiciaires) semble avoir eu raison d’un système
d’indemnisation mis en place en 1973 pour assurer les salariés contre les
risques de non-paiement en cas de faillite. Selon une étude menée par le
spécialiste de l’assurance-crédit Euler-SFAC, le nombre de défaillances
d’entreprises a progressé de 12,7 % au cours des cinq premiers mois de
l’année 2003. Les mises en liquidation judiciaire d’importantes entreprises,
comme Air Lib ou Metaleurop, ont achevé de plomber une caisse qui accusait
déjà un déficit de 422 millions d’euros en 2002.

PREMIÈRE VICTOIRE

Pour Me Petit, spécialiste des défaillances d’entreprises, les salaires
élevés des cadres de la compagnie aérienne Air Lib, en mars dernier,
auraient considérablement alourdi les comptes de l’AGS. "Le calcul est vite
fait, souligne-t-il, avec des salaires qui, pour beaucoup, avoisinaient les
10 000 euros, il était évident que l’AGS ne pourrait plus suivre."

Au Medef, on savoure cette première victoire. Ces derniers mois,
l’organisation patronale avait à maintes reprises tiré la sonnette d’alarme
au sujet des comptes de l’AGS, tout en refusant le principe d’une nouvelle
hausse des cotisations patronales pour la renflouer. En 2002, cette
cotisation était passée de 0,10 % à 0,35 % du salaire. Une hausse qui n’a
manifestement pas suffi à remettre les comptes à flot.

En novembre 2002, le président du Medef, Ernest-Antoine Seillière, avait
adressé au ministère des affaires sociales une lettre contenant une série de
recommandations pour sauver le fonds de garantie des salaires : plafonner le
montant des indemnités, limiter la durée de l’indemnisation et, enfin, ne
plus prendre en charge les sommes dues par l’Assedic. Le gouvernement n’a
donc répondu qu’à la première de ces revendications.

Pour le Medef, le compte n’y est pas encore. Il affirme que le décret ne
suffira sans doute pas à résoudre les problèmes structurels de l’AGS. Les
gestionnaires du fonds de garantie soulignent notamment que la mesure
n’apporte pas de solution à la question des accords d’entreprises très
favorables aux salariés signés juste avant un dépôt de bilan.

Lucie Delaporte