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"Rôle et forme du débat" Questionnements sans joie d’un merle moqueur

Publie le mardi 13 février 2007 par Open-Publishing
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de Barbara Bouley metteurE en scène et dramaturge

Quelle lubie citoyenne a traversé hier mon esprit ?

Plutôt que d’allumer les bougies et d’inventer avec un compagnon charmant une soirée tendre et flamboyante, je me suis remise à croire à l’utilité des débats préélectoraux sur les questions de « Culture ».

Dans le 93, au Théâtre de la Commune d’Aubervilliers, trois cent trente personnes avaient répondu à l’invitation de la soirée intitulée : "THEATRE ET POLITIQUE".

Ce débat était organisé par le directeur et l’équipe du Centre Dramatique National en partenariat avec les états généraux de la culture et le soutien du Syndicat National des entreprises artistiques et culturelles.

Sur le grand plateau, un dispositif scénique assez simple : au centre, deux beaux fauteuils blancs dont celui de cour sera occupé en permanence par un critique dramatique.

Parenthèse : Si vous souhaitez consulter la liste des personnages qui vont successivement, dans mon récit, entrer et sortir par l’escalier central aménagé pour relier la salle à la scène vous pouvez téléphoner au théâtre de la commune (01 48 33 16 16). Je ne prends pas aujourd’hui le temps d’écrire mes impressions sur cette soirée pour faire l’analyse les contenus des paroles des uns et des autres…

Mon regard critique est ailleurs et je laisse le soin aux journalistes culturels de faire ce travail.

Derrière les fauteuils, un piano à queue dans le clair-obscur attend patiemment.

Un pianiste entrera vers minuit pour interpréter une « fantaisie » sur « Le temps des cerises ». Vous souvenez vous de cette chanson, écrite avant la Commune de Paris, et dédicacée par l’auteur, Jean Baptiste Clément à une infirmière morte lors d’une semaine sanglante ?

Seul, le pianiste avec les sonorités transformées de ce chant révolutionnaire d’espoir, a eu hier le pouvoir utile sur ma conscience : celui de l’invocation et des émotions.

Si « Au temps des cerises » de juin 2007, M. Sarkozy, avec le concours de la candidate oubliée (Alias la machine à voter) est autorisé à gouverner avec l’appui d’une assemblée d’élus, il nous faudra vite réapprendre ces chants de Résistance…

Passons et reprenons :

Sur la scène du Théâtre de la Commune, un halo de lumière chaude dessine les deux fauteuils. La salle elle aussi est éclairée…Cela semble logique : ce n’est pas à un spectacle auquel nous sommes conviés ce soir mais à un DEBAT.

C’est du moins l’intitulé du programme que l’on nous a remis à l’entrée et de l’invitation reçue : DEBAT : Quelle politique pour la création artistique en France ?

Des artistes s’adressent aux représentants de quelques candidats (Marie George Buffet, Ségolène Royal ,Dominique Voynet et José Bové ) pour les interroger sur l’importance qu’ils comptent accorder dans leur programme au développement de la création artistique et des structures nécessaires à son essor indispensable à la vie des citoyens.

Bien.

C’est cet l’intitulé… et l’énoncé « DEBAT » qui furent la raison de mon changement de programme et de mon déplacement en citoyenne attentive à ces questions si indispensables à nos vies…

Oh !!!Désir philanthropique quand tu nous tires hors des bras d’un bel amant…pour hors des ébats, débattre…qu’attends - tu de nous vraiment ?

Hélas ! Rien.

Car débat, hier, il n’y eut pas.

Humains curieux, nous étions rassemblés par des metteurs en scène, des artistes, des politiques, pour regarder tous dans la même direction, un SPECTACLE intitulé : DEBAT.

Ces détournements de sens épuisent vraiment et le corps et l’esprit…

Je songe aux caresses de mon amant.

J’aurais du hier ne pas quitter ces bras…vraiment.

Dans un rapport frontal, les organisateurs de THEATRE ET POLITIQUE tentaient de nous faire croire aux apaisantes vertus de la parole en assemblée, à la circulation des idées.

Mais, comme sur les plateaux de télévision, ici aussi, les spécialistes régnaient sur scène et un public muet ingurgitait leurs discours depuis la salle.

Une société engluée dans le spectacle.

Les découragements supplémentaires qu’engendrent ces soirées de débats avortés, m’obligent aujourd’hui à endosser le rôle du merle moqueur : Je l’assume.

De nature polymorphe, j’aime les transformations et ,après tout, le rôle du merle moqueur n’est pas plus triste à tenir que ceux interprétés par les personnages qui, hier, défilèrent sur scène tour à tour pour prendre place sur le fauteuil blanc en face du critique dramatique.

En effet, du point de vue subjectif du merle moqueur :

 Tristes, sans passion et sans fureur furent les artistes de cette soirée (choisi par le Directeur- maître de cérémonie) qui viendront lire ou dire combien l’art et la culture sont en danger, combien le rôle de l’art est subversif…Combien ils ont peur et combien aujourd’hui ils s’autocensurent par crainte que n’arrivent plus leurs subventions.

 Lugubre, le sociologue qui osa encore, dans un texte bien mâché et sous les applaudissements du public, jouer sur les stériles ficelles stylistiques de la dichotomie entre culture et divertissement.

 Tristes et en costumes sombres et cravates, les représentants politiques, qui viendront, dans leur introduction, nous rappeler que l’art doit être au cœur des programmes de ces élections, au cœur des projets de société pour une France en voie de transformation et que la culture est un des biens communs de l’humanité.

Dans le détail : Tantôt « vaguement philosophes » mais sans proposition (les Verts), tantôt « plutôt techniciens » avec une ébauche de programme (PCF), toujours très arrogants et sans l’ombre d’une vision poétique des autres mondes possibles (Altermondialistes), tantôt vides et translucides comme les deux technocrates PS qui, dans le rôle des annonceurs d’un pseudo programme culturel de Mme Royal, nous diront qu’un petit groupe d’individus vient de terminer un RAPPORT sur la culture qui sera prochainement rendu public…Quand ? Nous ne le saurons pas.

Artistes et politiques quittons nos rôles un instant SVP :

Un cœur qui bat est un cœur que l’on alimente non ?

Et le cœur des programmes de nos sociétés contemporaines et nous le savons tous, est celui à qui l’Etat donne le plus de moyens :

L’armée (plus les polices ; plus la sécurité intérieure, plus toutes les surveillances…)

Retour sur le point de vue subjectif du merle moqueur :

Involontairement tristes enfin les publics de cette soirée sans émotions… Involontairement triste, le démos désorienté qui ne semblait plus savoir ce que débattre veut dire. Un démos qui, nourri de léthargie, n’osa pas, lors d’un débat annoncé, prendre la parole.

Le merle moqueur a bien envie de hurler : Qu’est ce que raconte pour la démocratie d’aujourd’hui cette volonté récurrente (inconsciente peut-être, du moins je l’espère) de gommer la notion même de débat ?

Merle moqueur à Messieurs les organisateurs du débat « THEATRE ET POLITIQUE » d’hier :

Si, comme l’exprima cette femme retenue par vos soins pour incarner le rôle du public, « la culture doit concourir à élargir le champs de conscience », Alors…

Qu’entendons nous, artistes aujourd’hui par le mot DEBAT ?

Pourquoi être entré ,à votre tour, dans cette dangereuse habitude télévisuelle de dévitalisation du sens ?

Quelle dramaturgie a nourri les hommes et les femmes que vous avez invités à débattre sans nous ?

Vous qui pratiquez l’art de la scénographie, la forme frontale vous paraît-elle sincèrement la plus appropriée à la circulation des idées, des paroles ?

La discussion doit être organisée certes… mais si elle est totalement ficelée par les soin d’organisateurs qui ne souhaitent plus le surgissement de l’imprévu, de l’échange informel, peut-on encore la nommer débat ?

Le mot meeting ou actions de communication n’aurait-il pas été plus juste pour nommer ce qu’hier vous nous avez fabriqué ? Ah ! c’est certain, si vous aviez eu le courage de ces mots-là, je serais restée chez moi.

Messieurs les artistes-organisateurs de ce faux-débat, je lis sur votre programme et m’étonne : Les propos échangés durant cette soirée feront l’objet d’un document écrit qui sera remis aux différent(e)s candidat(e)s.

Demain, quelle synthèse oserez-vous faire de cette cérémonie sans échanges, de cette mascarade sans démos ?

Hier soir, j’ai eu la désagréable sensation que mon champs de conscience fut, par votre vision non-démocratique de la notion de débat , plutôt réduit.

Hier au Théâtre de la Commune, nous étions peu nombreux et je doute qu’en dedans de nous il y eu Athènes , ses agoras, ses houleux débats contradictoires et ses vivantes assemblées…

Quand les vents de cette triste bourrasque seront passés, j’aurai peut-être le courage de revenir par écrits sur les fondements de la démocratie des origines…

Un prochain débat « préélectoral » sur les questions de culture est d’ores et déjà annoncé : Le 1er mars à 19h au Cabaret Sauvage (Parc de la Villette) :

Marie- George Buffet invite les artistes à une rencontre-débat…

J’espère que les organisateurs de ce moment (qui nous fera, peut-être, par folle philanthropie et croyance en de beaux lendemains sur le chemin des arts sortir des bras d’un savoureux amant !) sauront renouer avec :

 Le sens politique

 La poésie et l’expression

 L’hospitalité chaleureuse des rencontres

En attendant, le merle moqueur qu’il m’a plu pour Vous, lecteurs et lectrices de Bellaciao, d’interpréter aujourd’hui, repart se poser sur une branche et commence un autre chant, avec en écho la voix du poète Eugène Guillevic : Poètes, inventeurs et porteurs de la joie tragique, inventeurs et porteurs de la joie sacrée, avant le temps des cerises de juin, nos avons à dire, à écrire, à exprimer...

Messages

  • Le Merle, le Dissocié et le Réfugié
    par Paolo Persichetti.

    Francesco Merlo écrit pis que pendre des réfugiés abrités en France, dans « La Repubblica » du 18 Janvier 2007. Il les représente tels un cirque Barnum et, ainsi qu’en un registre de la Préfecture, en vient même à inventer une discussion imaginaire entre « sortants » et entristes » de la lutte armée. Mais il prend surtout à partie Oreste Scalzone, qui vient de voir, après trente ans, ses inculpations de crimes et délits prescrites.
    Son propos est un minestrone de mots qui amoncellent couleurs, racontars, affabulations, gossip, préjugés. Fait là une façon de parler. L’argot inévitable de tout migrant qui a dû apprendre la nouvelle langue par nécessité. Mais ensuite, il ajoute que certains d’entre eux publient des livres, font de la recherche universitaire, ouvrent des librairies et des petits commerces, sans se rendre compte de la contradiction qu’il y aurait là. Il trouve aussi à redire sur le fait qu’ils ne s’habillent décidément pas chez Prada (façon de dire qu’il les trouve « mal fagottés » N.d.T.) et s’émerveille qu’on puisse ainsi camper 26 ans en survivant d’expédients, c’est-à-dire de précarité. Question intéressante que celle-là, qui devrait renvoyer aux chantiers bien de chez nous de la déréglementation du marché du travail.
    Qui ne voit Paris que de ses fenêtres des Grands Boulevards (c’est le cas d’Enki Bilal, qui habite un 6° avec balcon : quelle bonne nouvelle ! N.d.T.) et gagne avec un seul article 4 fois l’équivalent en salaire d’un ouvrier et 8 fois celui d’un précaire en Call-Center (centre de télécommunications informatisées : opérateur de saisie bilingue/trilingue=6 euros/h !N.d.T.), est saisi par l’angoisse face à une telle prospective et appréhende les trottoirs de la ville, la chaleur nauséabonde de son réseau souterrain de voies ferrées (« Elle lui disait « Marcel… »/[ Il s’appelait Marcel,]« Fais-moi le métro…/ [Il lui faisait le métro] » in « Marcel » de Pierre Perret. N.d.T.), comme un piège mesquin et méchant.
    Dante avait des mots assez amers pour évoquer l’exil : « Tu devras te défaire de toute chose qui t’aura été agréable […] Tu éprouveras combien est salé/ le pain des autres,et combien la route est dure / à descendre et à en sortir par les échelles des autres ».
    Ce serait là ni plus ni moins le fait que chacun se livre à ses expériences, qu’il faut compter avec les diableries de la technologie, mais à Paris, il y a tant d’ascenseurs et d’échelles mobiles à profusion, et puis, c’est le beurre qui est salé, pas le pain ! En somme, si l’on vit cette ville sous l’angle des soupentes des quartiers populaires et multiethniques, cette dureté devient générosité, solidarité, complicité naturelle, entrelacs de vies qui déboulent de mille coins de la planète, chacune avec sa valise d’histoires (valise qui devient de plus en plus un kit de voyage uniforme pour « nulle part » - « c’est toujours la même histoire », avec des palettes de couleurs à découvrir de dessous les musiques des langues ! N.d.T.)
    Scalzone, et d’autres comme lui, ont toujours mis tout ça au présent, sans nostalgie, sans regrets et en s’accommodant des branches qui se greffaient là-dessus, comme elles venaient.
    Ce sera peut-être là une lointaine parentèle, mais les paroles de Merlo rappellent celles d’un journal publié à Paris sur les deniers de l’Ovra, la tristement célèbre police politique de Mussolini. Lequel journal était destiné à la dense communauté d’émigrants italiens et s’intitulait, comme par hasard, « Le Merle ». Sa raison d’être était la calomnie quotidienne des réfugiés antifascistes.
    Immoral est le voyage tant qu’il s’y trouve des étrangers, écrivait autrefois Claudio Magris. Et les réfugiés ne l’ont jamais été. La nostalgie a été celle des autres, comme le raconte Milan Kundera, exilé lui aussi un moment. Nostos et Àlgos sont des mots grecs qui signifient « retour » et « souffrance ». La nostalgie est donc la tristesse que provoque l’impossibilité de revenir. Mais en d’autres langues, l’étymologie varie, et charrie du latin d’origine le sens d’ignorer. En ce cas, la nostalgie s’exprime comme « souffrance par l’ignorance » de ne pas savoir ce qu’il se passe loin de nous. Aussi Scalzone n’a-t-il pas eu le temps, tout au long de ces années, de regretter, ni d’ignorer quoi que ce soit, ainsi qu’Ulysse en l’alcôve de Calypso. Impliqué entre les milliers de rencontres et découvertes de toutes ces batailles de la nouvelle modernité liquide, comme l’appelle Zygmunt Bauman : migrants, sans domicile, jeunes de banlieues, précaires, alter mondialistes, grèves générales telle celle de 1995, pendant que chez lui faisaient étape musiciens, poètes, théâtreux et voyageurs, évadés et rescapés de magistratures, armées et polices du demi-monde, y compris quelque fasciste gravement esquinté et un démocrate-chrétien recherché. Il suffisait de présenter un mandat de capture comme sésame pour se faire ouvrir sa porte.
    Les nostalgiques sont restés en Italie, certains parce qu’ils ont fait des années 70 l’objet de leur ressentiment acharné, tel Sergio Segio. Un de ceux qui se racontent fascinés par un destin inéluctable. « Il n’y a pas de salut possible pour qui a songé changer le monde », écrit-il dans un livre où il boucle une série impressionnante de citations maladroites détournées, s’inscrivant « au nombre des condamnés à la défaite, qui ne choisissent pas le chemin de l’exil, mais d’aller jusqu’au bout en payant ce qu’il faut au rêve maintenu envers et contre tout ». Conviction qui le mène à revendiquer une sorte d’éthique originelle : avoir commis d’abord une erreur juste et avoir dans la foulée refusé sur un mode plus juste encore la justesse de l’erreur passée. Preuve d’excellence absolue, qui justifierait son désir irrépressible d’accéder au statut de personne peu commune qui se disait un temps communiste.
    Immergé dans la déclinaison d’un écoeurant scénario inspiré de d’Annunzio*, il se met lui-même en scène enfermé dans une atmosphère d’esthétisme combattant : « âme capable de tendresse », qui choisit « de mourir non pas en la lente hémorragie de la vie, mais de hâte**, sans réserve, ainsi qu’une chandelle allumée par les deux bouts, non pas de maladie du corps, mais par cette maladie de la cohérence, par une irrémédiable infection de l’âme ». Poète armé, nouveau Sturm und Drang***, rêveur impatient, adepte du carpe diem, il s’écrie : « Nos instants sont éternels et nous récompensent de tout ». Fleur flétrie plus que fleur du Mal, maudit raté plus que rédempté réussi, même si c’est avec des mots qui ont toujours un faible pour la culasse de calibre bien huilée et l’invariance de la poésie de geste, la métrique de l’intention qui conduit à une héroïque « Marche à la rencontre d’une belle mort »****. Celle des autres, évidemment. Une prose à mi-chemin entre l’imitation de Marinetti et celle du Vittoriale, sans nous épargner la joyeuse fin hollywoodienne qui condamne le funeste protagoniste à vivre enfin repenti et satisfait, et qui – pour emprunter à Jim Thompson dans son « Coup de poing » - ne peut pas faire moins, chaque matin, face au miroir de sa propre vie, que de cracher au visage de celui qui a été le crachat de celui qu’il est devenu.

    L’expérience des réfugiés représente d’au-delà de ces vingt dernières années, une anticipation du possible, de ce qu’ aurait pu être le futur italien si avait été amorcée une solution politique aux années 70. Un démenti cuisant pour les entrepreneurs de la stratégie de tension et d’alerte, un exemple à proscrire avec une férocité qui atteste d’une incontinente rancœur pour qui, entre dissociés et repentis, ne perd pas une occasion de monter en chaire et de réciter le sermon autocritique des autres, en échange de splendides récompenses. À Gauche, comme à Droite, beaucoup singent le réformisme blairiste. Mais voilà que le Premier ministre anglais s’est sali les mains au contact du conflit irlandais, a négocié avec l’ I.R.A., a libéré tous les prisonniers politiques, y compris ceux convaincus de crimes de sang, et a stabilisé les étapes d’un processus politique qui a mené à la fin du conflit. En Italie, au contraire, une telle stratégie de décantation n’a inspiré que des libéralisations et des privatisations. Nous restons l’unique pays d’Europe dans lequel le cycle politique de la lutte armée ait été suspendu, voici vingt ans par un acte unilatéral de ses militants. Nous sommes les seuls à compter encore une centaine de réfugiés et prisonniers politiques désormais proches des trente ans passés en prison. Nous sommes les seuls à sélectionner les victimes : « oui » pour Calabresi, « non » pour Pinelli*****.
    Voir dans ce retour de Scalzone l’énième occasion d’une possibilité de tourner la page ne serait-il peut-être pas plus utile et intelligent ?
    Question superflue en un pays qui a enterré les faits sociaux des années 70 sous une pile de dossiers pénaux, cependant que les carnages, de ceux des nazis fascistes à ceux qui ont tenté d’arrêter les mouvements, demeurent impunis, sans éclairage véridique, enfermés dans une armoire dont les portes seraient tournées vers le mur. En Italie, les faits révolutionnaires passés ne peuvent accéder à l’Histoire. C’est pour cette raison que l’unique futur qui réussisse à pointer à l’horizon paraisse fardé de la couleur plombée de la Faute. Sélective, naturellement.

    Traduit de l’Italien par Sedira Boudjemaa, artiste-peintre ;
    Nîmes , le Mardi 13 Février 2007 ; 15 h 20.

    Notes du traducteur :

    *D’Annunzio et Marinetti : D’Annunzio, c’est le poète de la pompe aristocratique, néo-classique romantique italienne, qui va inspirer la grandeur patriotique des délires d’Empire mussoliniens ; Marinetti est un esthète, écrivain et « futuriste », qui sombrera dans la compromission avec le « monumentalisme » du fascisme mussolinien

    ** « Vivre vite » , film de fiction-couleur espagnol de Carlos Saura ( ?) des années 1983, tourné dans une grande banlieue de Saragosse, contant la fuite en avant de jeunes éléments des Grapo lumpenisés vers une trajectoire à la « Bonnie and Clyde »…

    *** Sturm und Drang : littéralement, en Allemand, « Assaut/Tempête et Pression/ Étranglement/applatissement », mais pourrait aussi figurer « La Douceur et la Violence » à la base de toute inquisition policière pour obtenir des aveux.

    **** « Choisir sa mort » est le thème récurrent du recrutement légionnaire emphatisé, magnifié et glorifié dans les pays occidentaux par les poncifs chrétiens comme fascistoïdes, depuis que ce sont constituées les armées modernes (par opposition aux recrutements + ou - mercenaires des soldats= qui acceptent de tuer et de risquer leurs vies en contrepartie d’une solde, en deniers, comme en ducats). Dans l’allégorie du « Légionnaire », on trouve un « bric-à-brac » qui va de la chanson pour « viandes saoûles » d’Edith Piaf, aux facétieuse saillies de feu le Géné-râle Bigeard sur « la Paix des Braves » visant à honorer le comportement tortionnaire de troupes rabaissées aux rôles mercenaires pourvues d’une « idéologie combattante », en échange d’une reconnaissance octroyée aux « maquisards sans uniformes » du titre de « combattants », afin de les soumettre, les duper, les faire craquer et parler, just’avant de les « liquider ». Dans un cas comme dans l’autre, l’idéologie « habille » de Destin une condition misérable de réprouvé-refoulé par un ordre social cynique, qui en fait un tueur patenté « au nom du Bien civilisateur ». Vieille histoire et vieille soupe de godillots éculés avec arôme de Sexe, Mort et Sang.

    *****En 1970, Calabresi est un commissaire de police exécuté pour avoir commandité le meurtre d’un anarchiste italien, en le jetant par la fenêtre lors d’un interrogatoire, à Milan, suite à un attentat à la bombe meurtrier en gare de Bologne.
    Pinelli sera convaincu sans preuve de cette exécution et condamné « pour l’exemple »…