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Convergence des médias du tiers secteur (Cmts) : Réponse de Marie-George Buffet

Publie le mercredi 28 mars 2007 par Open-Publishing

Madame, Monsieur,

Vous trouverez ci-joint les réponses à votre questionnaire. Elles sont certes un peu longues car nous avons souhaité les détailler.

Pour l’essentiel d’ailleurs, vous les connaissez, puisque le Parti Communiste Français s’est fait représenté aux assises de Marseille comme à celles de la Bourse du travail de Saint Denis. A cette occasion d’ailleurs, j’ai donné une interview à « Zaléa TV » sur toutes ces questions. Et plus récemment dans le cadre de la campagne des présidentielles, je me suis faite représentée à la réunion que vous organisiez au Sénat.

Convergence des médias du tiers secteur (Cmts) : Réponse de Marie-George Buffet

Je souhaite pourtant m’adresser à vous plus personnellement.

Vous avez pris en effet l’initiative d’adresser une lettre ouverte à Madame Ségolène Royal dans laquelle vous faites part de votre « profonde stupeur » et de votre « immense déception » à la lecture du pacte présidentiel de la candidate du parti socialiste eu égard aux propositions qu’il contenait en matière de médias.

Cette candidate vous a répondu et vous avez diffusé sur le web sa réponse.

Celle-ci appelle de ma part plusieurs remarques. Il ne s’agit pas de polémiquer, mais de rendre perceptible la diversité qui existe à gauche sur cette question.

Il se trouve que la politique et l’information ont ceci de commun aujourd’hui, que leur pluralisme qui devrait les caractériser est gommé par le traitement médiatique qu’on leur inflige.

Je souhaite donc inlassablement sur cette question des médias comme sur l’ensemble du programme présidentiel, saisir toute occasion d’une confrontation d’idées que j’inscris pour ma part dans une contribution active à toute la gauche afin qu’elle batte la droite et qu’elle réussisse durablement.

Dans la réponse de Ségolène Royal, il y a bien sûr certaines questions sur lesquelles nous convergeons. Par exemple concernant la taxation des activités commerciales sur le web, ou la lutte nécessaire contre la concentration dans les médias. Bien sûr, il faudrait vérifier ce que recouvrent certaines formulations.

Mais l’essentiel pour moi n’est pas là.

Les médias en France sont passés sous une double tutelle commerciale et idéologique. L’ensemble des citoyens téléspectateurs sont considérés avant tout comme des consommateurs et les médias imposent une parole unique libérale qui va de pair avec cet objectif.

Bien sûr, un grand nombre de journalistes résiste, de nombreux médias associatifs proposent une alternative. De même, il existe encore fort heureusement des œuvres de qualité programmée, mais dans des horaires qui ne permettent pas, le plus souvent, à l’ensemble de nos concitoyens de pouvoir les regarder. Globalement, depuis des années, la programmation culturelle et de divertissement s’est appauvrie et l’information pluraliste n’est plus qu’un rêve.

Pourtant, il n’y aura pas selon nous, de transformation sociale sans une transformation profonde des médias permettant à nos concitoyens, comme le dit joliment ACRIMED, de ne plus être « ex-communiqués ».

Pour répondre à toutes ces questions, nous ne pouvons nous contenter de demi-mesures. Il faut une véritable rupture avec les pratiques actuelles pour dégager les médias de la logique financière sans les replacer sous tutelle de l’Etat ce qui suppose de nouvelles formes d’appropriation sociales.

C’est sur toutes ces questions, que la lettre ouverte de Ségolène Royal me paraît grandement insuffisante.

Par rapport aux moyens financiers pour l’audiovisuel public et pour les médias alternatifs, par exemple, tout raisonnement s’inscrivant dans un refus "d’alourdir les prélèvements obligatoires", m’inquiète. Pour ma part, je pense que les prélèvements qui touchent l’ensemble de nos concitoyens peuvent être allégés. Mais dans le même temps, la responsabilité sociale des entreprises n’a cessé de s’amenuiser depuis vingt ans au travers des politiques libérales qui ont été poursuivies. Il y a donc là un véritable rééquilibrage qui peut être fait et qui peut permettre d’alimenter des politiques publiques en faveur de la création, de l’information et du divertissement. C’est d’ailleurs dans le droit fil de la tradition de notre pays qui a su mettre à contribution les entreprises culturelles qui tirent profit de la marchandisation des œuvres.

Encore convient-il que le niveau de l’intervention publique soit suffisamment fort pour permettre à nos concitoyens de bien voir la "différence" entre le service public de l’audiovisuel et la télévision privée. C’est pour cela, vous le savez, que nous proposons, par exemple, la suppression en trois ans de toute publicité sur le service public, compensée financièrement comme il est indiqué dans nos réponses jointes.

A propos de la gestion dans ce secteur - certains diraient la gouvernance, je préfère parler de nouvelle appropriation sociale - ce n’est pas en faisant nommer une haute autorité ou les directions de chaînes principalement par le Parlement, que nous sortirons de la tutelle politique. C’est pourquoi nous proposons que le CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) transformé en Conseil Supérieur des Médias, soit constitutionnalisé et que sa composition soit revue.

Elle devrait être tripartite : une représentation de l’opinion publique au travers de tous les partis politiques en fonction de leur résultat dans les dernières échéances électorales, les professionnels de l’audiovisuel par un renforcement de la représentation syndicale, et les citoyens dans les formes de représentation qu’ils se donnent.

Je veux souligner que le recours à un "panel" de citoyens ne me semble pas pertinent. Il y a des associations nombreuses, des confédérations syndicales, d’autres représentations collectives, qui peuvent parler dans un tel conseil supérieur des médias au nom de collectifs de citoyens importants.

Quant aux dirigeants des chaînes publiques, ils doivent être élus par les conseils d’administrations, responsables devant eux et le collectif des journalistes doit avoir droit de veto sur la nomination d’un rédacteur en chef.

Enfin, concernant la création, on ne peut s’en tenir à un "soutien vigoureux de la production indépendante". Ayons le courage, surtout dans un moment où les personnels de France 3 manifestent, de poser la question d’une refondation de la production publique dans l’audiovisuel. Il est urgent de reconstruire un pôle public en la matière, d’abroger les décrets Tasca, et de promouvoir des coopérations avec les médias associatifs, locaux, régionaux ou nationaux, et en Europe.

En renouvelant tout mon soutien à l’action que vous menez depuis des années, je vous adresse, Madame, Monsieur, mes salutations les meilleures.