Accueil > Les parlementaires se montrent moins réceptifs que les Français aux (...)

Les parlementaires se montrent moins réceptifs que les Français aux questions écologiques

Publie le lundi 8 mars 2004 par Open-Publishing

Les parlementaires ne classent pas l’environnement au rang des priorités. En
tout cas, les élus s’y montrent beaucoup moins réceptifs que leurs
électeurs. Tel est le constat dressé par une étude publiée dans le numéro de
septembre-octobre 2003 des Cahiers science, environnement, société de
Sciences politiques. Deux cents parlementaires (122 députés et 78 sénateurs,
dont 171 hommes et 29 femmes) se sont vu soumettre un questionnaire élaboré
par l’institut TNS-Sofres, portant sur l’importance accordée aux enjeux de
l’environnement et sur les attitudes politiques en ce domaine. Leurs
réponses ont été confrontées à celles du grand public. Le décalage est
édifiant.

La question révélant le plus nettement la différence de perception entre la
société et ses représentants porte sur la nécessité de ralentir la
croissance économique pour préserver l’environnement. Alors que 53 % de
l’échantillon national, selon différentes études d’opinion recensées par
TNS-Sofres, se déclare tout à fait (12 %) ou plutôt (41 %) d’accord avec
cette proposition, seuls 19 % des parlementaires partagent tout à fait (2 %)
ou plutôt (17 %) ce point de vue.

UN PROFOND FOSSÉ

De même, un cinquième seulement (21 %) des parlementaires estiment qu’il y a
un lien de causalité entre l’effet de serre et les "désordres climatiques",
alors qu’un tiers de la population (34 %) en est convaincu. On remarque
toutefois un écart significatif, au Parlement, entre hommes et femmes : 38 %
des élues sont de cet avis, contre 18 % de leurs collègues masculins. Cette
sensibilité plus aiguë s’accompagne d’un plus grand pessimisme en ce qui
concerne la politique de l’environnement : 14 % des femmes parlementaires
pensent que les politiques menées jusqu’à présent ont contribué à améliorer
l’environnement, contre 31 % des hommes.

La suite de l’étude confirme le profond fossé, dans le domaine de
l’écologie, entre les électeurs et les élus et, chez ces derniers, les
fortes disparités entre hommes et femmes. Sur la question du nucléaire, par
exemple, 77 % des parlementaires sont favorables au "remplacement des
anciennes centrales nucléaires" par de nouvelles, contre 41 % de la
population. Mais, alors que 81 % des hommes siégeant au Parlement optent
pour le remplacement, moins de la moitié des femmes (48 %) le souhaitent.

Une des rares mesures recueillant l’approbation d’une majorité de
parlementaires (58 %) porte sur la "limitation de vitesse des automobiles au
stade de la fabrication", 78 % de l’échantillon national se prononçant pour.
Là aussi, il ne se trouve que 53 % des hommes pour accepter le bridage des
moteurs, contre 93 % des femmes. Quant à l’arrêt de la construction
d’autoroutes pour affecter les moyens au transport par rail, 23 % des élus
(18 % des hommes et 52 % des femmes) l’approuvent, contre 66 % de la
population.

On ne peut guère s’étonner, dès lors, que la vision des parlementaires sur
les remèdes permettant de préserver l’environnement diverge sensiblement de
celle de l’opinion publique : 40 % d’entre eux s’en remettent au "progrès
technique" pour empêcher l’augmentation de l’effet de serre, alors que 12 %
à peine de l’échantillon national est de cet avis. A l’inverse, près des
trois quarts (73 %) de la population estiment qu’il faudra "modifier nos
modes de vie", contre 54 % des élus.

Ce décalage pourrait même se traduire par de véritables conflits d’opinion.
Ils ne sont en effet que 12 % des élus à accepter l’idée d’un droit de veto
des habitants lorsque ceux-ci "risquent de subir des inconvénients à cause
d’un grand projet", alors que la population y est favorable à 56 %. Les
questions environnementales reflètent à leur manière les clivages entre
"démocratie élective" et "démocratie participative".

LE MONDE