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Le bon sens est chahuté et y a du glissement dans les idées (zaz)

Publie le mercredi 1er août 2007 par Open-Publishing
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1° introductif : fonctionnement de la pensée

La pensée qui s’élabore ou s’expose en public utilise communément deux modes principaux d’action : le disputatif et le démodulo-modulatif. Le premier oppose à la thèse de l’adversaire une antithèse qui lui est son négatif, c’est la dispute du moyen âge ou la méthode de Sciences-po. La seconde est l’analyse-synthèse, chère à Descartes et plus moderne, qui décompose ce que tout le monde voyait uni pour le restructurer ensuite comme personne n’avait songé.

La pensée dans ce double fonctionnement n’est pas à l’abri de maintes bavures et en particulier de drôles de glissements, elle va en outre du simple au compliqué ce qui l’expose en permanence aux travers du trop simple ou du trop compliqué. Elle a également de très nettes difficultés avec les plans d’attaque utilisés, éthique, juridique, économique, démocratique, etc. entre lesquels elle vire (ou saute) sans mettre de clignotant souvent.

Autrefois, il y avait une norme de référence ultime, un ventral de secours, qu’on appelait sans plus de façon le « bon sens » (abstenons-nous ici de le redéfinir entre nous). On y revenait pour se « rattraper » quand on était en chute libre, que l’on avait trop gambergé. Il ne semble pas que cette norme fonctionne encore.

Nous allons ci-après sur des exemples récents considérer ces choses étranges que nous dénonçons dans le raisonnement et que nous trouvons à l’œuvre, en ce moment, concrètement.

2° De la canicule en Italie à l’assez inconséquent bidule sur Rachida Dati : Première grosse glisse d’Accoyer, la glisse est une nouvelle technique

Ce qui est supérieurement intéressant dans la canicule en Italie c’est la déclaration de leur ministre de la santé. Il invite ses concitoyens à enlever la cravate, la température corporelle tombe de 2 à 3 degrés. Tu ne peux imaginer plus sobre dans l’efficacité. Pour trouver en France un truc aussi fortiche, il te faut remonter à l’instauration de l’heure d’été : Certes elle était importune, mais à l’arrivée quelle incroyable économie de l’électricité !

Rachida Dati, elle, contre la récidive, donne également dans le simple en inventant les « peines-planchers ». Les Allemands font de même sans y donner de nom, sauf que leur ministresse à eux, qui a son franc-parler, explique sans fard l’intention directrice présidant à l’opération : « On laisse tomber l’éducation, on revient à une valeur sûre, la répression ».

L’opposition chez nous reprendrait bien, pour contrer, le thème de la répression depuis toujours très mal considéré, et que la sanction n’est pas dissuasive (probablement), et que les prisons sont encombrées, etc.,etc. Oui mais ! Accoyer, président de l’Assemblée annonce d’emblée qu’il n’admettra aucune critique à l’égard de Rachida. Ni contre ses frères qui seraient un peu délinquants peut-être, ni contre son caractère qui serait peut-être un peu mauvais vu les démissions dans son ministère (On appellera ça, plus tard, dans les résumés d’histoire, le grand glissement argumentaire d’Accoyer. Bon évidemment ! à côté de ça, ce n’est pas non plus, faut pas exagérer) la défenestration de Prague ou la prise du grand Palais d’été à Petersbourg).

Rachida, donc, nous y revenons, quoique UMP, est incontestablement une fille sympa du fait qu’elle n’est pas née dans la facilité, cela lui vaut des amitiés légitimes et du soutien très fort dans les associations. Le PS comprend qu’il doit être subtil dès le first choix dans son vocabulaire :

 Tu veux savoir par exemple si Rachida a des enfants, tu demandes « A-t-elle des enfants ? », là c’est bien.

 Tu dirais « A-t-elle des gnards ? », ce serait nettement moins bonnard.

 Tu dirais « A-t-elle des lardons ? », là, connard ! tu génères illico une guerre de religion !

Or le PS, en dépit d’incontestables défauts, le PS est bon garçon sur ces questions.

Bref, la loi de Rachida est adoptée sans barguigner. Elle est adoptée shuss grâce au stratège Accoyer.

Bien sûr, sans ça, on aurait pu débattre, comparer précisément les modèles, voir ce qu’il font intelligemment ailleurs. Au Caire, pour ta gouverne, t’as de débonnaires policiers avec le sens inné de la « proximité ». Economes des moyens de l’Etat, ils ne mobilisent pas indûment l’ensemble de la machine judiciaire. S’ils attrapent un voleur, ils le couchent sur le ventre et le bastonnent sous les pieds.

 Horreur ! mais c’est tout bonnement attentatoire à la dignité de la personne humaine !

 Ah bon ! tu crois ? En tout cas, c’est vachement performant en termes de résultats.

 Y compris pour la récidive ?

 Ah, ben évidemment, à la quinzième récidive s’il persévère le contrevenant a les pieds plats.

3° En fait, il y a des tas d’autres trucs qu’on ne maîtrise pas dans le raisonnement, ça glisse, ça glisse indubitablement : Service minimum dans les transports et Universités de qualité

3.1 La grève et le Service minimum

On connaît l’argumentaire de la droite, partagé statistiquement de plus en plus par un gros ensemble de Français. Les citoyens-voyageurs sont ultra-majoritaires dans le pays (3 millions rien qu’à Paris ce week end) par rapport aux citoyens travailleurs du ferroviaire extrêmement minoritaires, être gréviste c’est donc être quasiment un facho, bolcho, terroriste preneur d’otages, sauf à mettre en place un service minimum harmonieux et garanti

 Mais vous contestez ce faisant le principe sacré du droit de grève !

 Pas du tout. En fait l’idéal social démocratique moderne serait d’avoir le droit de grève dans le principe, mais sans jamais avoir de grève dans les faits.

La démocratie aujourd’hui, comme on le comprend, c’est la bonne gouvernance, il est clair que l’idée est maintenant dans l’air du temps.

3.2 L’Université : m’est avis que ça glisse, comme qui dirait, aussi, mais sans qu’il soit dit que ça glisse, puisqu’on te montre que ça glisse vers le haut (si, si !). Or glisser vers le haut n’est pas glisser, c’est monter, CQFD

Valérie Pécresse te l’explique on ne peut plus clairement . Sa réforme de l’université est une « révolution culturelle » marquée notamment par deux avancées bandantes et qui s’emboîtent : la gouvernance en propre des universités et l’élargissement de leur compétence en matière budgétaire et de gestion des personnels (La preuve que c’est important c’est qu’on ne parlait techniquement que de ça dans les journaux.)

Valérie Pécresse ajoute en prime pour ceux qui auraient quelques réticences d’arrière-garde encore « Je veux mettre la recherche au service de la société » (cahier du Monde du 27 07). Là, c’est éminemment sympathique de sa part, et bien que ce ne soit pas d’une créativité incontestable, l’argument enlève indubitablement le morceau dans le haut aussi bien que dans le moyen et le petit populo.

 Oui, mais une Université démocratique, alors ! il faudrait quand même bien y penser ! borborygment pour l’honneur quelques rares et incertains concepteurs ex-étudiants et attardés

 Sache qu’il en va de l’idée d’une Université démocratique comme il en va aujourd’hui du sport populaire, l’idée est périmée. L’idée même d’un sport populaire a dû se faire la malle depuis Léo Lagrange. L’Université comme le sport sont forcément de haut niveau.

Dans cette optique d’ailleurs, Denis Tillinac, homme de droite, marque un point tout à fait juste (Libé. 20. 07) : « Comme en politique, il faut vaincre l’adversaire sans pitié. Seule la victoire compte. Oui, le sport est foncièrement de droite. » Bon, ben l’Université aussi, quoi !

Tu comprends pleinement l’unanimité de fond sur cette conception : Sélection plus fric constitue le top, le secret du succès, le grand modèle indiscutée de la grande université privée américaine. Qui oserait nier cette évidence !.

Excellence, talent, mérite, ressortent donc en corollaire comme les trois maîtres mots les plus excellemment parigots sur le sujet (même si John Rawls, a exprimé de la façon la plus carrée qu’on n’avait jamais le moindre mérite à avoir du talent.)

Bref, on sait où on va et on y va (on ne peut pas ne pas y aller). Tout ira bien, si on n’a pas le bête « écueil du cageot.

 C’est quoi « l’écueil du cageot ? »

 Ne nous ennuie pas, on te racontera une autre fois.

NDLR : « L’écueil du cageot », sommairement résumé : en 1973, les soviétiques programment l’augmentation massive de leur production fruitière mais oublient la production des cagettes qui vont avec, on vous laisse deviner le spectacle du gâchis final. Il y a quelques années, les Français veulent damer le pion aux Américains sur le marché international de la formation et prévoient d’accueillir 500 000 étudiants étrangers solvables. Gros fiasco, tout de suite après que l’affaire est lancée : on n’a pas les résidences universitaires nécessaires. Les Japonais maintenant, qui sont pourtant pas des rigolos. Ils construisent de super-maousses universités très sélectives, chute de la natalité, c’est les étudiants qui manquent maintenant et leur fichu sélection qui tourne évidemment bidon. L’écueil du cageot, c’est toujours le truc minus qui fiche en l’air le truc fortiche.

4. Autres zaz

On pourrait s’appliquer encore à chercher des raisonnements donnant peu ou prou dans le glissement ou le dérapage non-contrôlé. Il y en a plein, dans un genre souvent annexe heureusement, prenons-y garde tout de même.

Ainsi voir Le Monde hier et y trouver en Une ce titre pas méchant certes, mais pas satisfaisant non plus : « Le chômage n’a jamais été aussi bas depuis 25 ans ». On sait qu’il faut le lire de la manière suivante : « Le chômage n’a jamais été, cette année, moins démesurément haut par rapport à y a 35 ans. » Beaucoup plus juste, ce serait toutefois moins euphonique.

Même les zaz, hormis l’humour, posent de petits problèmes :

 « Depuis que Sarkozy est élu on a toujours la pluie » (Libé du 24.07) »

 « Sarko était dopé, Cécilia depuis est transfusée. Annulez l’élection. »

Dit-on de Gordon Brown, qu’il est responsable de la montée des eaux en Grande Bretagne ?

5. Notre conclusion

Dans le verbe qu’on nous sert, faisons la part des choses. L’enjeu semble toutefois plus précisément, vue la tournure du mouvement que nous pensons avoir souligné, de savoir si on est en face du progrès ou si on est en face du « ré-grès ».

Rendait compte de cette inquiétude nouvellement posée, un article du Monde (Nicolas Weill), consacré aux 22e Rencontres de Pétrarque à Montpellier, dont le thème, la question, était « Sommes-nous de plus en plus conservateurs ? »

Comme dit notre pote Gégé pastichant Nietzsche : Il y a ceux qui ont et il y a ceux qui n’ont pas mais qui aspirent à quelque chose, ce ne sont pas les nantis et les béats qui font changer le monde.

Mais si Gégé ! les nantis aussi font changer le monde, sauf qu’ils le font à leur façon. La pensée de ceux d’en-haut est dans leurs lignes de pente à eux. Qui peut franchement s’en étonner ?

Ces glissements de mots, de pensées, ces drôles de trucs que nous évoquions supra indiquent fortement vers où probablement se dirige le monde, du moins pour les trente ans qui viennent. Nul probablement ne dépasse son temps, nous sommes largement des badauds qui subissons et même applaudissons.

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Les pensées zaz de l’Ocséna

Ocsena, Organisation contre le système-ENA... (et pour la démocratie avancée)
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