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Jean-Jacques Rousseau et la souveraineté alimentaire.

Publie le samedi 8 mars 2008 par Open-Publishing
1 commentaire

Voici un passage tiré du livre Emile écrit par Jean-Jacques Rousseau il y a plus de 200 ans. J.J Rousseau amène son élève (imaginaire) Emile manger dans un repas fastueux :

« Nous allons dîner dans une maison opulente ; nous trouvons les apprêts d’un festin, beaucoup de monde, beaucoup de laquais, beaucoup de plats, un service élégant et fin ; tout cet appareil de plaisir et de fête a quelque chose d’enivrant qui porte à la tête quand on n’y est pas accoutumé. Je pressens l’effet de tout cela sur mon jeune élève.

Tandis que le repas se prolonge, tandis que les services se succèdent, tandis qu’autour de la table règnent mille propos bruyants je m’approche de son oreille et lui dis : par combien de mains estimeriez vous bien qu’ait passé tout ce que vous voyez sur cette table, avant que d’y arriver ?

Quelle foule d’idées j’éveille dans son cerveau par ce peu de mots ! A l’instant voilà toutes les vapeurs du délire abattues. il rêve, il réfléchit, il calcule, il s’inquiète. Tandis que les philosophes égayés par le vin, peut-être par leurs voisines, radotent et font les enfants, le voilà lui philosophant tout seul dans son coin ; il m’interroge, je refuse de répondre, je le renvoie à un autre temps ; il s’impatiente, il oublie de manger et de boire, il brûle d’être hors de table pour m’entretenir à son aise. Quel objet pour sa curiosité ! Quel texte pour son instruction !

Avec un jugement simple que rien n’a pu corrompre, que pensera-t-il du luxe quand il trouvera que toutes les régions du monde ont été mises à contribution, que vingt millions de mains, peut-être, ont longtemps travaillé, qu’il en a coûté la vie, peut-être, à des milliers d’hommes, et tout cela pour lui présenter en pompe à midi ce qu’il va déposer le soir dans sa garde-robe [1] ? »

Commentaires :

*Dans la suite du livre, J.J Rousseau mène son élève à la table d’une famille de cultivateur pour lui montrer que l’on peut se nourrir de façon saine, prendre du plaisir, en toute simplicité, sans qu’aucune personne ne soit réduite à l’état d’esclave.

*En évoquant "toutes les régions du monde qui ont été mises à contribution" pour produire la nourriture servit lors du banquet, J.J Rousseau met le doigt sur ce que nous appelons aujourd’hui les méfaits de la mondialisation des échanges et son corollaire : La souveraineté alimentaire. En effet, si des produits de l’autre bout du monde se retrouvent dans notre assiette c’est qu’ils n’ont pas servi à nourrir les populations locales ! Par exemple, si nous pouvons manger de la viande à bas prix à tous les repas, c’est parce-que les céréales qui ont servit à nourrir nos bêtes ont été volées aux paysans du tiers monde !(Il ne s’agit pas de condamner le commerce mais de le réguler afin de limiter l’impact négatif qu’il peut avoir sur les populations.)

*Nos élus, ne font jamais référence à aucun philosophe du « siècle des lumières », il y aurait pourtant beaucoup d’enseignement à en tirer. De plus, alors que depuis plus de soixante ans leur politique ne mène qu’à la destruction de l’emploi, (les petits cultivateurs ont été exterminés économiquement et culturellement, l’exode rural de ces derniers a entrainé la fermeture des petits commerces de village, les usines ont fermé les une après les autres laissant les familles dans la souffrance), ils ont le culot de nous bassiner avec leur « valeur travail » !

Notes :
[1] Ce mot désignait sans doute les toilettes

Lu sur le site de l’association pour la reconnaissance de la souffrance des familles paysannes

Messages

  • Tout à fait de ton avis. La preuve c’est que la pensée unique et dominante du marché et du libéralisme, cette idéologie imaginée et théorisée par Tocqueville ou Montesquieu dans des sociètés "pré-industriel" et "post-médièvales" ! Inapplicable et obsolète, car basée sur le principe de la confiance. Hors ! Nous y sommes vraiment loin, une utopie encore plus délirante qu’ont pues l’etre certaines idéologies égalitaires extrèmes du siècle dernier.

    Mème ce mot libéral couremment confondu avec libertaire (d’ou ce mélange des genres, Gluskman Sarkozy etc etc etc ..), voir réformateur libéré ! est utilisé à tord et travers de son idéologie originale et initiale, car depuis cette époque au contexte sociale,historique , économique, et politique totalement différent de nos années 2008. Différent, mais pour autant cette époque était également en pleine effervéssence ! Une révolution à venir ?

    Malgré tous les paradoxes actuels, nous sommes peut etre à l’aube d’une mutation sociale et politique majeure ; que seul les Prophètes oseraient décrire.

    De mon avis : Il tient a nous de faire de cet avenir ! Notre avenir.