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Agriculture ? Ce dont on ne parle pas en Argentine.

Publie le samedi 26 avril 2008 par Open-Publishing
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Agriculture ? Ce dont on ne parle pas en Argentine.

Par Mocase-Vía Campesina *

Página 12 . Buenos Aires, le 25 avril 2008.

En Argentine vivent 280.000 familles nombreuses issues de 22 peuples indigènes, et 220.000 familles paysannes, soit au moins 1.5 million de personnes. Elles ne produisent pas du soja ni ne sont dans l’agrobusiness, elles sèment des denrées et élèvent des animaux pour l’autoconsommation et ont une relation spéciale avec la terre : elles ne la considèrent pas comme un moyen de faire des affaires, mais se considèrent comme faisant partie d’elle, de leur culture, leur histoire et comme un bien commun des prochaines générations.

Ces deux acteurs centraux, peuples originaires et paysannerie, ont systématiquement été exclus du débat du mois dernier, où les quatre organismes les plus traditionnels et conservateurs de l’agriculture argentine ont mené une grève patronale inédite dans le pays.

La Société Rurale (MME), les Confédérations Rurales (CRA), la Confédération Intercoopérative Agricole (Coninagro) et la Fédération Agricole (FAA) se sont mobilisées et ont cessé d’approvisionner en biens alimentaires les grandes villes avec un principal objectif : l’augmentation de leur rentabilité, bénis par le prix international du soja. Les agriculteurs, qu’ils soient grands ou petits, n’ont à aucun moment couru le moindre danger de pertes économiques, mais en effet (après une mesure fiscale de l’État) ils ont été sur le point de gagner moins d’argent que prévu.

Pendant des semaines de manifestations et de joutes verbales sur des tons variés, les organismes traditionnels et le Gouvernement ont fait silence sur les sujets suivants :

 Affaires : Sur le marché de l’agrobusiness mondial, l’Argentine est vu comme un élève modèle. En 1997, en Argentine on a récolté onze millions de tonnes de soja transgénique et on a utilisé six millions d’hectares. Dix ans plus tard, en 2007, la récolte a atteint 47 millions de tonnes, en comprenant 16.6 millions d’hectares. L’Argentine est le troisième exportateur mondial de grain de soja (après les Etats-Unis et le Brésil) et le premier d’huile. Les exportations de soja et de ses dérivés, en 2007, se sont élevées à 11 milliards de dollars. L’Argentine ne produit déjà plus de denrées alimentaires et dans le pays on ne mange pas du soja. La demande provient d’Europe et de Chine, où elle est utilisée pour l’alimentation animale.

 Déplacements : Le modèle d’agrobusiness basé sur le soja transgénique a délogé, durant les dernières dix années, 300.000 familles de paysans et indigènes, qui ont eu comme destin les quartiers appauvris des grandes villes.

 Déforestation : En seulement quatre ans, et à cause de l’avancée des cultures du soja, 1.108.669 des hectares de forêts premières ont disparu, 277.000 hectares par an, ce qui équivalent à 760 par jour, 32 hectares à l’heure.

 Concentration : Le modèle agricole actuel, basé sur l’exportation et la production intensive, génère une plus grande concentration. Le dernier recensement agricole le confirme : dix pour cent des « exploitations agricoles » les plus grandes concentrent 78% des terres, tandis que 60% des propriétés les plus petites occupent à peine cinq pour cent de la surface cultivable du pays.

 Chômage : Mille hectares de soja peuvent être travaillés par seulement quatre personnes. Une exploitation laitière avec cette surface requiert, au minimum, vingt personnes. Si cette portion de terre était entre les mains de familles paysannes indigènes, cela donnerait du travail à 350 personnes.

 Santé : Les campagnes argentines ont été arrosés la dernière année de 165 millions de litres de glyphosate, un herbicide toxique dénoncé pour causer des malformations aux nouveaux nés, des avortements spontanés, des cancers et la mort. Les accusations se tournent vers le plus grand semencier du monde : Monsanto.

 Entreprises : Les entreprises qui ont la plus grande rentabilité de la filière soja (exportatrices et fournisseurs de facteurs de production) sont Monsanto, Dupont, Syngenta, Bayer, Nidera, Cargill, Bunge, Dreyfus, Dow et Basf, entre autres. Aucune d’elles n’a été interrogée dans le conflit récent.

 Exploitation : 1.3 million de personnes travaillent la terre. Le salaire moyen courant est de 1.250 pesos par mois (251,44 Euro au 25/04/2008). L’État lui-même, considère le paysan comme le travailleur le plus mal rémunéré, celui qui souffre des pires conditions de travail et d’exploitation. Il est payé avec des repas et des logements précaires, dans des conditions proches de l’esclavage. En outre, 75% d’entre eux travaille « au noir », sans contrat de travail, ni couverture de santé, ni cotisation pour la retraite, ni assurances en cas d’accidents.

 Différences : Pendant la grève patronale, on a utilisé comme fer de lance la situation d’un « petit producteur » avec 100 hectares. Dans des termes purement économiques : chaque hectare est loué à 200 pesos par mois, 20.000 pesos chaque trente jours, 240.000 pesos par an pour louer leur terre. Si ce propriétaire est un « petit producteur », comment devrait-on appeler une famille paysanne ou indigène qui vit avec vingt hectares, cent chèvres et un potager pour sa consommation ?

 Futur : L’industrie agricole a deux prochains objectifs en Argentine : inclure dans son affaire dix millions d’hectares (au détriment des producteurs familiaux) et les agrocombustibles (la création de combustible à partir de soja), affaire avec lequel ils prétendent récupérer quelque quatre autres millions d’hectares aux paysans et indigènes.

 Un autre modèle : Le Mouvement National Paysan Indigène (MNCI), qui regroupe 15.000 familles de sept provinces argentines, n’a pas été inclus dans les discussions. Le MNCI, qui a des similitudes avec le Mouvement Sans Terre du Brésil et les zapatistes mexicains, favorise l’organisation des plus pauvres et marginalisés de la campagne argentine, la base de la pyramide rurale. Deux de leurs propositions centrales sont la réforme agricole intégrale et la souveraineté alimentaire, ce qui implique un changement de modèle agricole. Une question de fond qu’aucun des quatre organismes traditionnels, ni le Gouvernement, ne veulent aborder.

* Mouvement paysan Santiago del Estero - Via Campesina. Formé par 9.000 familles de la forêt, qui vivent de ce qu’elles produisent et rejettent le modèle du soja.

http://www.elcorreo.eu.org/article.php3?id_article=4070

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