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EDVIGE, CRISTINA, EDVIRSP et le rejet de trois référés (I)

Publie le vendredi 31 octobre 2008 par Open-Publishing
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Après le rejet par le Conseil d’Etat, mercredi matin, des recours en référé suspension contre EDVIGE, CRISTINA et la définition des missions de la Direction Centrale du Renseignement Intérieur, aucun communiqué ni dépêche ne fait état de la signature d’un décret portant retrait du décret qui a crée EDVIGE il y a quatre mois. Je n’ai rien trouvé dans le sommaire analytique du Journal Officiel du 31 octobre. Le Juge des Référés a donc cru le gouvernement sur parole. Même en admettant que le décret de retrait ne tardera pas à paraître, cette circonstance peut mériter d’être examinée sur le plan du fonctionnement institutionnel. Aurait-on « cru » de la même façon un « petit justiciable » ? Après un avis du Conseil d’Etat sur un projet de décret, le gouvernement reste libre de signer le décret ou d’enterrer le projet. Ce n’est pas le seul sujet de réflexion qui me semble découler du contenu de l’ordonnance.

 
J’aborderai dans un article ultérieur la question du rôle multiple du Conseil d’Etat, à la fois : i) conseiller du gouvernement ; ii) institution d’appartenance de nombreux membres de cabinets ministériels qui ensuite retournent à la Haute Juridiction ; iii) juge, au contentieux administratif, des litiges de ce même gouvernement et des administrations ; iv) institution d’appartenance de présidents, directeurs et membres d’instances et organismes divers. Mais, ayant en vue un possible recours contre l’ordonnance de mercredi matin, il me paraît indispensable d’exposer ici quelques éléments des considérations qui m’amènent à envisager une telle éventualité.

A propos des moyens de ma requête en référé suspension 312705, l’ordonnance se borne à exposer que le requérant « invoque les mêmes moyens que ceux présentés dans la requête n° 321413 et produit en outre divers documents d’information ; » . Mais, s’il est exact que j’avais fourni copie du mémoire en référé de Corinne Lepage, j’avais également produit copie de mes mémoires au fond (dossier 318952) et plaidé que les moyens développés sont en même temps des moyens de référé (s’agissant notamment d’atteintes aux libertés fondamentales).

J’avais en outre produit copie du recours au fond introduit par douze associations contre CRISTINA et développé mes propres moyens de référé contre l’ensemble des quatre décrets attaqués dans mon référé suspension (2008-632, 2008-609, 2008-631 et décret non publié portant création de CRISTINA).

L’ordonnance du Conseil d’Etat refuse d’examiner ma demande de suspension provisoire de la lettre de la Ministre de l’Intérieur du 17 octobre, au motif que je ne justifierais pas avoir « formé à l’encontre de cette lettre une requête à fin d’annulation ». Précisons, car le lien n’apparaît pas de manière explicite dans le texte de l’ordonnance, que cette demande de suspension visait une partie essentielle des instructions auxquelles fait allusion la motivation de la décision du Conseil d’Etat pour justifier l’absence d’urgence.

Mais, comme exposé dans ma première note du 26 octobre, j’avais introduit la veille de l’audience, par télécopie, des conclusions en annulation contre cette lettre dans le cadre du dossier au fond 318952. Copie de mes conclusions en annulation a été fournie avec mon mémoire de référé déposé avant l’audience. L’ordonnance ne fournit pas d’explication circonstanciée sur ce point.

Voir également ma note adressée le 28 octobre au matin à la Vice-Présidence du Conseil d’Etat et au Juge des Référés, concernant à la fois le projet de décret de retrait d"EDVIGE et mon recours en référé (mon article du 28 octobre).

De même, ma deuxième note du 26 octobre contient un extrait de mon mémoire déposé avant l’audience, concernant notamment la question de l’urgence. J’avais plaidé notamment :

« L’urgence de clarifier la situation paraît d’autant plus évidente que l’accès de la CNIL à des fichiers comme EDVIGE ou EDVIRSP est retreint, et que CRISTINA est protégé par le secret défense, de même que l’ensemble des activités relevant des missions de la DCRI. Les mêmes considérations s’appliquent à ma demande de suspension provisoire de la lettre de Madame la Ministre de l’Intérieur du 17 octobre ».

Dans le même mémoire, j’abordais à nouveau la question de CRISTINA et de la définition des missions de la DCRI. Voir mon article du 27 octobre, où je rapportais également qu’à l’audience de lundi matin « seules les conclusions dirigées contre EDVIGE (Décret 2008-632) ont été examinées. Pour des raisons non spécifiées, le juge unique n’a pas souhaité y aborder mes conclusions contre CRISTINA (Décret non publié), les missions de la Direction Centrale du Renseignement Intérieur (Décret 2008-609) et le décret connexe 2008-631 ». Le Juge des Référés n’a pas estimé utile de me demander des précisions sur cette partie de mon recours en suspension provisoire.

 
Autant de questions, et la relation n’est pas exhaustive, qui, avec tout le respect dû à la Haute Juridiction, me semblent mériter une analyse détaillée dans des articles ultérieurs en rapport avec l’ordonnance de référé du 29 octobre sur EDVIGE et CRISTINA.

 

Luis Gonzalez-Mestres
lgm_sci@yahoo.fr
http://scientia.blog.lemonde.fr
http://notresiecle.blogs.courrierinternational.com

 

Suit ma note du 29 octobre :

Après l’ordonnance du Conseil d’Etat sur les référés contre EDVIGE et CRISTINA (I)

http://notresiecle.blogs.courrierinternational.com/archive/2008/10/29/apres-l-ordonnance-du-conseil-d-etat-sur-les-referes-contre.html

 
Le Conseil d'Etat a donc opposé aujourd'hui un rejet total aux trois référés passés à l'audience du lundi 27 au matin. Je me propose de consacrer plusieurs notes à cette ordonnance, contre laquelle j'envisage éventuellement un recours en rectification d'erreur matérielle ou une saisine de la Cour Européenne des Droits de l'Homme.

Les considérants de l'ordonnance font valoir notamment que le gouvernement « a pris la décision de procéder au retrait du décret n° 2008-632 » portant création d'EDVIGE, que « le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales a précisé qu’il a saisi le Conseil d’Etat, le 17 octobre, d’un projet de décret en ce sens  », qu’il a « transmis pour avis à la Commission nationale de l’informatique et des libertés un nouveau projet de décret portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel intitulé EDVIRSP (exploitation documentaire et valorisation de l’information relative à la sécurité publique)  » ; ainsi que l'existence d'instructions « données aux services pour qu’il ne soit pas fait application des traitements nouveaux autorisés par le décret du 27 juin 2008  ».

Le lecteur ne pourra pas déduire, à la lecture de l'arrêt, que ces instructions évoquées dans un considérant sont les mêmes dont j'avais demandé la suspension provisoire juste avant l'audience et qui se trouvent contenues dans la lettre de la Ministre du 17 octobre. Je les avais encore rappelées dans ma transmission pendant le délibéré.

Comme exposé dans ma note du 28 octobre sur ce blog, le point litigieux était le point 3 des instructions ministérielles :

«  3. Les données restantes du FRG, qui représentent le plus grand nombre, doivent faire l'objet d'une analyse exhaustive et fine. Il convient de distinguer :

a) les catégories de données qui conservent leur pertinence opérationnelle et qui feront partie de celles autorisées par le futur décret EDVIRSP pourront être intégrées dans ce fichier. Il s'agit :

 des données qui auront vocation à intégrer ce futur fichier au titre de sa première finalité (sécurité publique) ;

 des données qui auront vocation à intégrer ce futur fichier au titre de sa seconde finalité (enquête).

b) les autres données, qui n'entrent pas dans le cadre des finalités futures d'EDVIRSP, ou qui ne feront pas partie de celles autorisées par le futur décret, seront destinées à l'archivage ou à la destruction. Une mission d'appui sera mise en place à cette fin, avec le concours des services spécialisés du Ministère de la Culture et de la Communication.  »

(fin de citation) 

 

Dans la note déposée avant l'audience, j'avais écrit à ce sujet :

« J’ai l’honneur de demander à la haute juridiction d’ordonner également la suspension provisoire de la lettre du 17 octobre de Madame la Ministre de l’Intérieur produite dans la mémoire en défense, en ce qu’elle évoque déjà, à titre opérationnel, le dispositif EDVIRSP qui à ce jour n’a fait l’objet d’aucun décret ni même d’un avis de la CNIL ou du Conseil d’Etat. En effet, une telle mesure ne comporte pas un véritable retrait effectif d’EDVIGE.

Le 26 octobre, j’ai ajouté au dossier au fond une note à ce sujet dont un extrait suit :

« De manière connexe avec mes précédentes conclusions, et par les mêmes moyens, j’ai l’honneur de demander à la Haute Juridiction de céans de bien vouloir prononcer l’annulation de la lettre du 17 octobre de Madame la Ministre de l’Intérieur (pièce jointe PA58), en ce qu’elle évoque déjà, à titre opérationnel, le dispositif EDVIRSP qui à ce jour n’a fait l’objet d’aucun décret ni même d’un avis de la CNIL ou du Conseil d’Etat. En effet, une telle mesure ne comporte pas un véritable retrait effectif d’EDVIGE.

Il y a violation des formes substantielles dans cette utilisation anticipée du dispositif ESVIRSP, abréviation pour « exploitation documentaire et valorisation de l’information relative à la sécurité publique », en dehors de toute procédure légale ou statutaire. Quant au contenu, EDVIRSP reprend l’essentiel d’EDVIGE et a été critiqué à ce titre par de nombreuses organisations (voir, pièce annexe PA59, le communiqué du Comité « Non à Edvige » du 10 octobre). Dans son mémoire en défense sur le référé 321705 introduit par le requérant, le Ministère a produit la lettre du 17 octobre mais pas le texte d’EDVIRSP. Cependant, ses services n’ont pas démenti les versions diffusées par le Collectif « Non à Edvige » (pièce annexe PA60) et par Marianne (pièce annexe PA61) aux adresses :

http://nonaedvige.ras.eu.org/spip.php?article610

http://www.marianne2.fr/Voici-a-quoi-ressemblera-le-nouvel-Edvige_a91555.html

 (…)  » (fin de citation)

(...)  » (fin de l'extrait de mon mémoire déposé avant l'audience)

 

Cette argumentation, confirmée oralement au cours de l'audience et qui concordait avec les plaidoiries des autres requérants, n'a fait l'objet d'aucune réponse circonstanciée dans l'ordonnance de référé.

Quant à la prétendue absence de « requête à fin d’annulation  » qui sert de justification au refus d'examiner ma demande de suspension de ces mesures, je dois dire, avec tout le respect dû au magistrat signataire de l'ordonnance, que telle n'est pas mon appréciation.

Non seulement j'écrivais explicitement dans mon mémoire de référé déposé avant l'audience : « Le 26 octobre, j’ai ajouté au dossier au fond  » des conclusions dans ce sens, mais je produisais dans le pli joint PJ9 copie complète de ma transmission du dimanche 26 à la Section du Contentieux avec, à la fin, les avis de réception (deux, car la télécopie avait été envoyée deux fois par précaution) tels qu'ils se sont imprimés dans mon appareil, ainsi que le courrier électronique simultanément adressé au secrétariat de la Section du Contentieux. En cas de doute, le reste était facilement vérifiable. La télécopie a été régularisée le lundi 27 par trois originaux déposés au Greffe, mais la date de la première transmission est censée faire foi, et j'ai pu vérifier aujourd'hui la bonne réception des télécopies, où la date du 26 octobre figure explicitement.

Il faudra revenir sur cette question, et sur bien d'autres, dans une note ultérieure. Mais le premier constat qui me semble s'imposer, c'est que l'ordonnance n'apporte aucune réponse explicite aux objections des requérants contre les mesures prises par le Ministère de l'Intérieur dans sa note du 17 octobre.

  

Luis Gonzalez-Mestres
lgm_sci@yahoo.fr
http://scientia.blog.lemonde.fr
http://notresiecle.blogs.courrierinternational.com

 

Suit l'ordonnance du 29 octobre 2008 sur les reférés contre EDVIGE et CRISTINA, telle qu'elle a été diffusée par le Conseil d'Etat sur son site, à l'adresse : 

http://www.conseil-etat.fr/ce/jurispd/index_ac_ld0828.shtml

Vu 1°/, sous le n° 321413, la requête enregistrée le 7 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l’ASSOCIATION CAP 21, ayant son siège 40, rue Monceau à Paris (75008), représentée par son président en exercice ; l’ASSOCIATION AUJOURD’HUI AUTREMENT, ayant son siège 5, place d’Alleray à Paris (75015), représentée par son président en exercice ; l’ASSOCIATION CENTR EGAUX, ayant son siège 131, rue du Faubourg Saint Denis à Paris (75010), représentée par son président en exercice ; Mme Corinne L. ; M. François P. ; Mme Marianne B. ; M. Jean-Luc R. ; l'ASSOCIATION CAP 21 et autres demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, d'ordonner la suspension de l’exécution du décret n° 2008-632 du 27 juin 2008 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Edvige » ;

ils soutiennent que la condition d’urgence est remplie dès lors que, malgré la préparation d’un nouveau décret, le décret contesté n’a pas été retiré ; que le projet de nouveau décret ne prévoit pas son abrogation ; qu’ainsi le décret contesté demeure applicable ; que son maintien en vigueur porte une atteinte aux intérêts collectifs qu’ils entendent défendre ; qu’il existe un doute sérieux quant à la légalité de ce décret ; qu’en effet, il est entaché d’une incompétence dans la mesure où l’exercice des libertés publiques relève du législateur ; que le décret litigieux n’entre pas dans la liste des exceptions prévues par la loi du 6 janvier 1978 ; qu’il porte atteinte aux droits d’information, de rectification et d’accès aux données, méconnaissant ainsi les dispositions de la convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel ; que la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) ne disposant d’aucun pouvoir d’investigation, d’intervention ou de saisie de l’autorité judiciaire, il méconnaît les dispositions du protocole additionnel à cette convention, concernant les autorités de contrôle et les flux transfrontières de données ; qu’il méconnaît les dispositions de la loi du 6 janvier 1978, notamment ses articles 6 et 8 ; qu’il porte atteinte au droit au respect de la vie privée, méconnaissant l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu le décret dont la suspension est demandée ;

Vu 2°/, sous le n° 321705, la requête enregistrée le 16 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Luis G. ; M. Luis G. demande au juge des référés du Conseil d'Etat d’ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) la suspension de l’exécution du décret n° 2008-632 du 27 juin 2008 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Edvige » ;

2°) la suspension de l’exécution du décret n° 2008-631 portant modification du décret n° 91-1051 du 14 octobre 1991 relatif aux fichiers gérés par les services des renseignements généraux et du décret n° 2007-914 du 15 mai 2007 pris pour l’application du I de l’article 30 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

3°) la suspension de l’exécution du décret n° 2008-609 du 27 juin 2008 relatif aux missions et à l’organisation de la direction centrale du renseignement intérieur ;

4°) la suspension de l’exécution du décret non publié portant création au profit de la direction centrale du renseignement intérieur d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Cristina », évoqué dans la délibération n° 2008-177 de la CNIL et dans le décret n° 2008-631 ;

il invoque les mêmes moyens que ceux présentés dans la requête n° 321413 et produit en outre divers documents d’information ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 27 octobre 2008, présenté par M. G., qui reprend les conclusions de sa requête et demande en outre au juge des référés d’ordonner la suspension de l’exécution d’une lettre du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales qui mentionne un fichier à ce jour dépourvu d’existence légale ;

Vu les décrets et la lettre dont la suspension est demandée ;

Vu 3°/, sous le n° 321774, la requête enregistrée le 21 octobre 2008 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le COLLECTIF CONTRE L’HOMOPHOBIE ET POUR L’EGALITE DES DROITS, ayant son siège 9, rue Joachim Colbert à Montpellier (34000), la CONFEDERATION FRANÇAISE DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL ayant son siège 4, boulevard de la Villette à Paris Cedex 19 (75955) ; la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL, ayant son siège 263, rue de Paris à Montreuil Cedex (93516) ; la FEDERATION NATIONALE DE L’AUTRE CERCLE, ayant son siège 105, rue de l’Abbé Groult à Paris (75015) ; le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, ayant son siège 34, rue Saint Lazare à Paris (75009) ; le COLLECTIF CONTRE L'HOMOPHOBIE ET POUR L'EGALITE DES DROITS et autres demandent au juge des référés du Conseil d'Etat sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d'ordonner la suspension de l'exécution du décret n° 2008-632 du 27 juin 2008 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Edvige » ;

2°) d'allouer à chacune des organisations requérantes la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

ils soutiennent qu’il existe un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté ; qu’en effet, il est entaché d’incompétence dès lors qu’il n’est pas justifié être conforme à la fois aux dispositions du projet soumis au Conseil d’Etat et à celles qui résultent du texte définitivement adopté ; qu’il est entaché d’illégalité dès lors qu’il n’est pas assorti du contreseing des ministres concernés ; que ses dispositions excèdent le champ des exceptions autorisées par l’article 8 de la loi du 6 janvier 1978 ; que le fichier litigieux répond à des finalités de nature distinctes méconnaissant ainsi le principe de spécialité des finalités prévu à l’article 6 de cette loi ; que la première finalité du fichier n’est pas déterminée avec une précision suffisante ni assortie de garanties appropriées ; qu’en ne définissant pas de manière assez précise l’étendue et les conditions du fichage des personnes au regard des finalités poursuivies, le décret contesté n’apporte pas de garanties adéquates et suffisantes, méconnaissant ainsi l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que les données enregistrées ne satisfont pas aux exigences d’adéquation, de pertinence et de proportionnalité fixées par la loi du 6 janvier 1978 ; que le décret litigieux ne mentionne aucune durée de conservation des données en ce qui concerne les deux premières finalités du traitement ; que les dispositions du décret relatives aux destinataires des données ne permettent de garantir ni la confidentialité ni la sécurité des informations traitées ; que les restrictions aux droits d’accès, d’information et d’opposition méconnaissent les dispositions de la loi du 6 janvier 1978 ainsi que les stipulations de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; que le décret contesté ne prévoit pas de traçabilité de la collecte des données et des consultations ; que la condition d’urgence est remplie dès lors que le décret n’est pas abrogé et continue de s’appliquer ;
 
Vu le décret dont la suspension est demandée ;

Vu les requêtes à fin d’annulation du décret n° 2008-632 du 27 juin 2008 ;

Vu, enregistré le 23 octobre 2008, le mémoire en défense présenté pour le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ; le ministre demande que le juge des référés constate que les requêtes sont devenues sans objet ; il soutient que le gouvernement a décidé de retirer le décret n° 2008-632 du 27 juin 2008 ; qu’il a saisi le Conseil d’Etat d’un projet de décret retirant ce décret et la Commission nationale de l’informatique et des libertés d’un nouveau projet de décret ; que des instructions ont été données aux services pour qu’aucune application du décret contesté ne soit effectuée ;

Vu, enregistré le 24 octobre 2008, le mémoire en réplique présenté par l’ASSOCIATION CAP 21 et autres qui persistent dans leurs conclusions et demandent en outre que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l’Etat sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; ils soutiennent que le retrait du décret litigieux n’est pas encore intervenu ; qu’il continue donc de produire ses effets ; que sa suspension doit donc être prononcée dans l’attente de l’intervention du décret de retrait ;

Vu, enregistré le 24 octobre 2008, le mémoire en réplique présenté par M. Luis G. qui persiste dans ses conclusions et reprend les mêmes moyens ; il soutient en outre que le ministre ne répond pas à ses conclusions tendant à la suspension des décrets autres que le décret n° 2008-632 du 27 juin 2008 ;

Vu, enregistré le 24 octobre 2008, le mémoire en réplique présenté pour le collectif contre l’homophobie et pour l’égalité des droits, la CONFEDERATION FRANÇAISE DEMOCRATIQUE DU TRAVAIL, la CONFEDERATION GENERALE DU TRAVAIL, la FEDERATION NATIONALE DE L’AUTRE CERCLE et le SYNDICAT DES AVOCATS DE FRANCE, qui maintiennent les conclusions et les moyens de leur requête, dès lors que le décret litigieux n’a pas encore été retiré ;

Vu, enregistrées le 27 octobre 2008, les interventions présentées au soutien des requêtes par M. René-Georges H., ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention pour la protection des personnes à l'égard du traitement automatisé des données à caractère personnel du 28 janvier 1981 ainsi que son protocole additionnel ;

Vu le code de procédure pénale ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir convoqué à une audience publique, d’une part l’ASSOCIATION CAP 21 et autres, M. G. ainsi que le COLLECTIF CONTRE L'HOMOPHOBIE ET POUR L'EGALITE DES DROITS et autres et d’autre part, le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du 27 octobre 2008 à 9 heures 30 au cours de laquelle ont été entendus :
- Me Masse-Dessen, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat du COLLECTIF CONTRE L'HOMOPHOBIE ET POUR L'EGALITE DES DROITS et autres ;
- Mme Corinne L. ;
- M. Luis G. ;
- Me Briard, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 octobre 2008, présentée par l’association Cap 21, l’association Aujourd’hui autrement, l’association Centr egaux, Mme Corinne L., M. François P., Mme Marianne B. et M. Jean-Luc R. ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 octobre 2008, présentée par M. Luis G. ;

Considérant que les requêtes présentent à juger des questions semblables ; qu’il y a lieu de les joindre pour y statuer par une seule ordonnance ;

Considérant que M. H. justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour intervenir au soutien des requêtes ; que ses interventions sont donc recevables ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. » ;

Considérant que ces dispositions subordonnent l’usage par le juge des référés des pouvoirs qu’elles lui confèrent à la condition que l’urgence le justifie ; que cette condition d’urgence est remplie lorsque l’exécution de l’acte dont la suspension est demandée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre ; que le juge des référés apprécie l’urgence à la date à laquelle il statue ;

Considérant qu’il résulte des pièces du dossier soumis au juge des référés, et qu’il a été confirmé au cours des débats tenus lors de l’audience publique, que le gouvernement a pris la décision de procéder au retrait du décret n° 2008-632 du 27 juin 2008 portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « EDVIGE » ; que le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales a précisé qu’il a saisi le Conseil d’Etat, le 17 octobre, d’un projet de décret en ce sens et qu’il a transmis pour avis à la Commission nationale de l’informatique et des libertés un nouveau projet de décret portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel intitulé EDVIRSP (exploitation documentaire et valorisation de l’information relative à la sécurité publique) ; qu’ont enfin été versées au dossier les instructions données aux services pour qu’il ne soit pas fait application des traitements nouveaux autorisés par le décret du 27 juin 2008 ;

Considérant que si, en l’absence de publication, à la date de la présente ordonnance, du décret en préparation retirant le décret dont la suspension est demandée, la requête ne peut être regardée comme ayant perdu son objet, il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la demande tendant à la suspension de ce décret ne répond pas à la condition d’urgence prévue par l’article L. 521-1 du code de justice administrative ;

Considérant que les conclusions de M. G. qui tendent à la suspension d’autres décrets ne sont pas assorties de précisions permettant d’en apprécier la portée et ne font au surplus apparaître aucune situation d’urgence ; que, si l’intéressé demande en outre la suspension d’une lettre du ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales versée au dossier, il ne justifie pas avoir formé à l’encontre de cette lettre une requête à fin d’annulation ;

 
Considérant qu’il résulte de ce qui précède que les requêtes, y compris leurs conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées ;

O R D O N N E :

Article 1er : Les interventions de M. René-Georges H. sont admises.

Article 2 : Les requêtes de l’ASSOCIATION CAP 21 et autres, de M. Luis G. et du COLLECTIF CONTRE L’HOMOPHOBIE ET POUR L’EGALITE DES DROITS ET AUTRES sont rejetées.

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme Corinne L., mandataire commun de l’ASSOCIATION CAP 21 et des autres requérants qui ont présenté la requête n° 321413, à M. Luis G., au COLLECTIF CONTRE L’HOMOPHOBIE ET POUR L’EGALITE DES DROITS ET AUTRES et à la SCP Masse-Dessen Thouvenin, avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation, avocat de cette association et des autres requérants qui ont présenté la requête n° 321 774 et chargée à ce titre de leur donner connaissance de cette ordonnance, à M. René Georges H. et au ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales.

 

Messages

  • A propos de l’osmose entre le Conseil d’Etat et le pouvoir exécutif, voir pour l’actuelle ministre Valérie Pécresse :

    http://www.legifrance.gouv.fr/affic...

    JORF n°140 du 19 juin 2007 page

    texte n° 82

    ARRETE

    Arrêté du 15 juin 2007 portant réintégration et détachement (Conseil d’Etat)

    NOR : JUSA0756144A

    Par arrêté du Premier ministre et de la garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 15 juin 2007 :

    Mme Valérie Pécresse, maître des requêtes au Conseil d’Etat, placée dans la position de détachement, est, à compter du 18 mai 2007, réintégrée dans ses fonctions et à son rang au Conseil d’Etat.

    Mme Valérie Pécresse est placée dans la position de détachement, pour une durée de cinq ans à compter de la même date, afin d’exercer les fonctions de ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

    • Ou encore :

      http://www.legifrance.gouv.fr/affic...

      ARRETE

      Arrêté du 6 juillet 2007 portant détachement (Conseil d’Etat) - M. Dutreil (Renaud)

      NOR : JUSA0758204A

      Par arrêté du Premier ministre et de la garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 6 juillet 2007, M. Renaud Dutreil, maître des requêtes au Conseil d’Etat, placé dans la position de détachement, est réintégré au Conseil d’Etat, à compter du 20 juin 2007.

      M. Renaud Dutreil est, à compter de la même date, placé dans la position de détachement, afin d’exercer son mandat de député à l’Assemblée nationale.

      http://www.legifrance.gouv.fr/affic...

      JORF n°157 du 8 juillet 2007 page
      t
      exte n° 29

      ARRETE

      Arrêté du 6 juillet 2007 portant réintégration et détachement (Conseil d’Etat) - M. Wauquiez-Motte (Laurent)

      NOR : JUSA0758208A

      Par arrêté du Premier ministre et de la garde des sceaux, ministre de la justice, en date du 6 juillet 2007, M. Laurent Wauquiez-Motte, maître des requêtes au Conseil d’Etat, placé dans la position de détachement, est, à compter du 19 juin 2007, réintégré dans ses fonctions et à son rang au Conseil d’Etat.

      M. Laurent Wauquiez-Motte est placé dans la position de détachement, pour une durée de cinq ans à compter de la même date, afin d’exercer les fonctions de secrétaire d’Etat, porte-parole du Gouvernement.

      http://www.legifrance.gouv.fr/affic...

      JORF n°149 du 29 juin 2007 page
      texte n° 48

      DECRET

      Décret du 28 juin 2007 portant réintégration et détachement (Conseil d’Etat) - M. Barnier (Michel)

      NOR : JUSA0757846D

      Par décret du Président de la République en date du 28 juin 2007, le conseil des ministres entendu :

      M. Michel Barnier, conseiller d’Etat, placé dans la position de disponibilité pour convenances personnelles, est réintégré au Conseil d’Etat à compter du 19 juin 2007.

      M. Michel Barnier est placé dans la position de détachement, pour une durée de cinq ans à compter de la même date, afin d’exercer les fonctions de ministre de l’agriculture et de la pêche.

      http://www.legifrance.gouv.fr/affic...

      JORF n°134 du 12 juin 2007 page

      texte n° 11

      DECRET

      Décret du 11 juin 2007 portant réintégration et détachement (Conseil d’Etat) - Mme Albanel (Christine)

      NOR : JUSA0755602D

      Par décret du Président de la République en date du 11 juin 2007, le conseil des ministres entendu, Mme Christine Albanel, conseiller d’Etat, placée dans la position de détachement, est, à compter du 18 mai 2007, réintégrée dans ses fonctions et à son rang au Conseil d’Etat.

      Mme Christine Albanel est placée dans la position de détachement, pour une durée de cinq ans à compter de la même date, afin d’exercer les fonctions de ministre de la culture et de la communication, porte-parole du Gouvernement.

      http://www.legifrance.gouv.fr/affic...

      JORF n°134 du 12 juin 2007 page

      texte n° 12

      DECRET

      Décret du 11 juin 2007 portant réintégration et détachement (Conseil d’Etat) - M. Hirsch (Martin)

      NOR : JUSA0755600D

      Par décret du Président de la République en date du 11 juin 2007, le conseil des ministres entendu, M. Martin Hirsch, conseiller d’Etat, placé dans la position de détachement, est, à compter du 18 mai 2007, réintégré dans ses fonctions et à son rang au Conseil d’Etat.

      M. Martin Hirsch est placé dans la position de détachement, pour une durée de cinq ans à compter de la même date, afin d’exercer les fonctions de haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté.

  • Il paraît évident que les intérêts de carrière des membres du Conseil d’Etat ne vont pas dans le sens d’une censure intransigeante des gouvernements ou du fonctionnement des administrations. Est-ce compatible avec la nécessaire impartialité de la juridiction administrative ?

  • Le Conseil d’Etat aurait pu ordonner la suspension provisoire dès lundi. A la place, il a rejeté les référés mercredi. A ce jour, pas de nouvelles du décret de retrait annoncé.

    MAM aura donc déjà gagné une semaine sur EDVIGE, qui reste en vigueur et que les mesures "conservatoires" du Ministère ne mettent pas trop en cause.

    Quant à CRISTINA, aucune réponse aux critiques formulées par les citoyens.

    Mais le référé de Luis, même rejeté, lui permettra peut-être de saisir des instances internationales.

  • Quelque chose n’est vraiment pas clair.

    Si, comme le montre l’article de blog de Luis, les "instructions" de MAM du 17 octobre reviennent dans la pratique à faire comme si EDVIRSP existait déjà, pourquoi les autres requérants n’ont-ils pas attaqué cette lettre entre la fin de la semaine dernière et lundi matin, comme Luis l’a fait ?

    Le résultat aurait pu être très différent.