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Les "spams" menacent désormais les téléphones mobiles

Publie le dimanche 18 juillet 2004 par Open-Publishing

de Nathalie Brafman

En France, les opérateurs ont déjà pris des mesures. L’arrivée de la téléphonie de troisième génération pourrait accélérer ce fléau.

Après internet , le "spam" (message non sollicité) va-t-il devenir le prochain fléau des abonnés aux téléphones mobiles ? Le problème est déjà d’actualité en Italie, comme peuvent l’attester les abonnés de l’opérateur TIM. 

La première société de mobiles italiens vient en effet de décider de bloquer jusqu’à la fin du mois de juin tous les SMS envoyés depuis des portables de son concurrent Vodafone à la suite d’un différend concernant des spams. "Nous avons bloqué les téléphones pour procéder à des vérifications techniques après avoir reçu plusieurs faux messages provenant de son réseau", a expliqué le groupe italien, qui a cependant précisé que "le réseau reviendra à la normale le 1er juillet".

Rien de tel encore en France. Les opérateurs de téléphonie mobile soulignent que les numéros de téléphone portable sont plus difficiles à reconstituer que les adresses de courrier électronique. Ils se félicitent également de s’être opposés au projet d’annuaire de téléphonie mobile que Nicole Fontaine, l’ancienne ministre déléguée à l’industrie, voulait voir créer. Finalement, seuls les abonnés qui le souhaitent peuvent y figurer.

Toutefois, les opérateurs restent vigilants. SFR, la filiale de téléphonie mobile de Vivendi Universal, a pris des mesures pour limiter les spams. L’opérateur a notamment intégré des clauses dans ses contrats avec des sociétés gérant l’envoi de SMS commerciaux. "En cas (...) de plaintes de clients et s’il s’avère que les bonnes pratiques de marketing électronique n’ont pas été respectées, SFR peut intervenir auprès des sociétés gérant l’envoi de SMS commerciaux sur son réseau", peut-on lire sur le site Internet de SFR. Par ailleurs, SFR et Orange affirment ne jamais communiquer les numéros de téléphone de leurs clients à l’extérieur. "Nos abonnés à des services baptisés "SMS+" reçoivent bien des informations concernant, par exemple, la météo, ou des résultats sportifs, grâce à des éditeurs de contenus, mais ils ne sont jamais directement en contact avec ces prestataires d’information", affirme-t-on chez Orange.

Pour éviter toute dérive, les opérateurs ont imaginé une barrière : les clients expriment leur désir d’être abonnés à ces services par un SMS envoyé à Orange ou SFR, qui le transfère, via un numéro à 5 chiffres, à l’éditeur de contenu. Celui-ci utilise le même chemin en retour pour envoyer ses informations.

"Les opérateurs de télécommunications sont très sourcilleux sur ce qui se passe sur leurs réseaux. Quand ils s’aperçoivent qu’il y a des flux très importants, ils les surveillent", indique Thomas Dautieu, attaché à la direction des affaires économiques à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

Pour l’instant, la plus grosse opération de spam par SMS a eu lieu en juin 2002, et la CNIL avait fait une dénonciation au parquet de Paris.

Même si la situation semble pour l’instant contrôlée en France, les opérateurs reconnaissent que les téléphones portables sont plus vulnérables aux attaques depuis qu’ils sont devenus de véritables ordinateurs de poche permettant à la fois de téléphoner, consulter son agenda et de se connecter sur Internet. L’arrivée de la téléphonie mobile de troisième génération (UMTS) devrait encore aggraver cette vulnérabilité. "Les spams sur SMS et MMS - message multimédia - sont déjà un problème dans les pays technologiquement les plus développés", note Thomas Dautieu.

C’est le cas du Japon, où la téléphonie mobile de troisième génération est déjà très implantée. Un abonné y reçoit en moyenne une trentaine de spams, notamment pornographiques, par jour. Des opérateurs comme NTT DoCoMo ou KDDI ont pris des mesures strictes pour tenter d’endiguer ce flux.

Aux Etats-Unis, la Commission fédérale du commerce (FCC) a promis qu’elle présenterait son plan anti-spam dans le domaine de l’Internet mobile en septembre 2004.

Nathalie Brafman

Jusqu’à 75 % des courriers électroniques

Qu’est-ce qu’un spam ? C’est l’envoi massif, et parfois répété, de courriels ou de Texto (minimessages) non sollicités, à des personnes avec lesquelles l’expéditeur n’a jamais eu de contact et dont il a capté les coordonnées de façon irrégulière.

Combien les entreprises reçoivent-elles de spams ? Pour la première fois, au mois de mai 2004, la proportion de messages indésirables dans les courriers électroniques reçus dans les entreprises aux Etats-Unis a dépassé les 75 %. Selon la société de sécurité Messages Labs, sur un total de 909 millions de courriels reçus par 8 500 entreprises américaines, 691,5 millions étaient non sollicités.

Quel coût pour les entreprises ? Selon une étude réalisée aux Etats-Unis par Nucleus Research, spécialiste de la recherche en technologie, le coût moyen associé à la lutte anti-spam atteint 1 934 dollars par employé et par an. Un salarié reçoit en moyenne 7 500 messages non sollicités par an.

Que risque un "spammeur" ? Aux Etats-Unis, la nouvelle loi anti-spam, qui a pris effet en janvier 2004, prévoit une peine de cinq ans de prison maximum. Deux personnes ont déjà été arrêtées et des mandats d’arrêt lancés contre deux autres.

Première condamnation en France

Pour la première fois, le tribunal de commerce de Paris a condamné, le 5 mai, un expéditeur de courriers électroniques non sollicités (spams) à payer 22 000 euros de dommages et intérêts au fournisseur d’accès à Internet AOL et à l’éditeur de logiciels Microsoft. L’auteur de ces spams est une entreprise de vente à distance d’articles de sport. Dans un premier temps, AOL avait pris la décision de fermer le compte Internet (une adresse prise chez Hotmail, le service de messagerie gratuite de Microsoft) de cet abonné, mais celui-ci avait récidivé sous une autre identité. AOL et Microsoft avaient alors décidé de porter plainte.

"Par ce verdict, le tribunal montre qu’il a entendu les millions d’internautes qui crient leur exaspération contre le spam sur Internet", a déclaré Giuseppe De Martino, directeur juridique d’AOL France, dans un communiqué. Si la France ne s’est pas encore dotée d’une législation anti-spam, cette condamnation devrait créer un précédent permettant à l’ensemble des fournisseurs d’accès de poursuivre les auteurs de spams.

http://www.lemonde.fr/web/imprimer_article/0,1-0@2-3234,36-370739,0.html