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Maisons closes : l’ignorance de la classe politique est effarante

Publie le mardi 24 novembre 2009 par Open-Publishing
5 commentaires

Réputée pour ses prises de position contre l’avortement et l’homosexualité, Christine Boutin poursuit dans cette veine conservatrice en proposant, la veille de la journée de lutte contre les violences à l’encontre des femmes, de réinstaurer les maisons closes en France.

C’était une « réponse un peu rapide », a convenu Christine Boutin au micro de France-Info mardi 24 novembre, expliquant s’être interrogée sur le sort des femmes prostituées. Mais pas n’importe lesquelles :

majoritairement venues des pays de l’Est, ces femmes sont laissées sans surveillance sanitaire.

D’un coup double, Christine Boutin brosse un tableau composé du racisme le plus sordide – femmes de l’Est présentées comme une marchandise frelatée, soulevant l’inquiétude “sanitaire” comme une cargaison de poulets de batterie suspects – au machisme et à l’ignorance.

Depuis une décennie, des maisons closes sont en place dans certains pays d’Europe, comme l’Allemagne ou les Pays-Bas et l’Espagne. Madame Boutin serait bien inspirée de les visiter.

En attendant, voici quelques éléments du bilan effroyable que l’on peut établir des politiques de légalisation du proxénétisme et des bordels.

D’un point de vue « sanitaire », aucun contrôle, aussi contraignant et répété qu’il soit, ne peut garantir que les personnes prostituées soient à l’abri d’une contamination par une IST. En effet, la moindre des exigences serait naturellement le contrôle sanitaire des « clients » prostitueurs, qu’aucun tenancier n’a bien sûr jamais évoquée. Ces contrôles sanitaires portant uniquement sur les personnes prostituées sont non seulement des mesures discriminatoires et régressives en matière de responsabilisation globale mais aussi une aberration du point de vue du sida et des autres IST.

Du point de vue des personnes prostituées elles-mêmes, la grande majorité d’entre elles fuient ces prisons où elles sont à la merci des tenanciers et encore davantage en proie à la violence et aux exigences des prostitueurs.

Aujourd’hui, les Pays-Bas démantèlent peu à peu les bordels dont ils ont encouragé le développement au tournant des années 2000

La criminalité organisée et particulièrement le trafic d’êtres humains y a en effet trouvé le meilleur terreau. Selon Karina Schaapman (Lire à ce propos : http://www.prostitutionetsociete.fr....), élue communale d’Amsterdam, au lieu d’assainir la filière, la politique de licences accordées depuis octobre 2000 aux maisons closes a abouti à une situation incontrôlable. Son collègue Lodewijk Asscher, jeune chef du Parti travailliste au Conseil municipal a réclamé ni plus ni moins la fermeture du "quartier rouge" : mieux vaut une attraction touristique en moins, avait-il déclaré, qu’une complicité avec les mauvais traitements infligés aux femmes.

On peut choisir, à l’image de Christine Boutin, de nier ces résultats et de colporter, par ignorance ou malignité, le cliché des « maisons closes » douillettes et aseptisées.

Ou, l’on peut au contraire se résoudre à affronter la réalité du système prostitutionnel, bastion de la domination et de la violence et réclamer une offensive politique cohérente et raisonnée, réellement soucieuse de l’égalité hommes-femmes et travaillant enfin à l’abolition de la prostitution... et non son aménagement.


Elles, ont expérimenté les "maisons closes" en pays réglementariste. Pourquoi n’ont-elles pas autant d’audience que madame Christine Boutin ? Vous pouvez lire sur ces pages leurs témoignages :

 Fiona et http://www.prostitutionetsociete.fr...
 Roselyne
 Mylène
 Monika

À lire également : Le Mouvement du Nid propose à Christine Boutin une visite guidée des "maisons closes".

Messages

  • Et pourquoi on apprendrait pas aux garçons à contrôler leurs pulsions, à gérer leurs envies, leurs désirs,par exemple ; ça a bien marché pour les filles ! et pourquoi on leur apprendrait pas à respecter la gente féminine ? dès le plus jeune âge ... C’est quoi ce délire de dire (chose tellement ancrée dans pas mal d’esprits) que les mecs "ont des BESOINS" !!!!!.... ben moi, je suis pour l’éducation, et il serait grand temps d’y penser...et que plus personne n’est besoin de la prostitution, ni pour le fric, ni pour se "soulager"...

    • La prostitution est liée à la sexuation, au fait d’être doté-e d’un deux sexes. Elle est liée à la sexualité : ce qui est fait du fait d’être sexué. Qui se soucie de la sexuation, de la sexualité ? Wilhelm Reich est mort en prison !

      Ces "besoins" dont tu parles, sont liés à ce qu’on ressent en soi de l’amour : lorsqu’il est marchandise, cet "amour", que ce soit du côté féminin qui est achetée ou du côté masculin qui exige un comportement de "sa" marchandise, c’est l’affection qui est séparée de la sexualité ; et cette séparation, comme pour tout le reste de nos relations sociales, c’est l’argent.

      On en est toujours à séparer "l’amour" de la sexuation et de la forme sociale que cette sexuation adopte dans la sexualité. Et le mot même de "sexualité" ne fait généralement penser qu’au seul sexe, c’est-à-dire séparé de l’amour.

      Résoudre ce problème de séparation, résoudra le problème de la prostitution et celui de ces "besoins" tout aussi bien. Mais on n’est pas sorti de l’auberge, je suis d’accord.

  • Je suis extrêmement heureux de lire cet article qui, pour une fois, explique la réalité des bordels. Souvent, lorsqu’il y a des articles sur le réel problème que pose la prostitution dans les villes françaises, on ne trouve dans les commentaires des lecteurs quasiment que des discours du type "il faut ré-ouvrir les maisons closes"... Accompagné d’argument du type que celui avancé par Mme Boutin. Alors, aujourd’hui je suis très heureux de lire cet article et j’aimerais qu’il y en ai beaucoup d’autre, pour que plus aucun français ne puisse en toute morale écrire qu’il faut ré-ouvrir les maisons closes ! Et si je peux me permettre, je pense que Nicolas Sarkozy serait bien avisé d’accompagner Mme Boutin lors de sa future visite diplomatique des bordels européens.
    Bravo le mouvement du nid !

  • Dommage que le mouvement du nid ne soit pas plus écouté par le gouvernement...

    (k)G.B.

  • Lila : la prostitution masculine existe et les personnes aisées qui se paient un petit jeune c’est monnaie courante. Dire que les femmes sont cleans de ce point de vu c’est faux. Tout comme dire que les hommes doivent contenir leurs pulsions, je pense que la plupart des hommes de ce pays ne sont jamais allés voir une fille de joie.

    Pour le débat sur les maisons closes je pense que ce n’est pas quelque chose de si simple que ça.
    La prostitution existera toujours, espérer qu’elle disparaisse c’est une erreur (verbaliser les clients n’a rien changé).
    Que faire pour rendre ça plus humain ? Les filles dans la rue sont à la merci de personnes dangereuses. Dans ma ville les prostituées sont de plus en plus des personnes de couleur, je pense que des réseaux les placent et les exploitent ensuite, c’est des situations où les mafias se frottent les mains et les prostituées sont en sursis (qu’arrive-t-il quand elles ne rapportent plus assez ?).
    Je ne sais pas si les maisons closes sont un moyen plus humain. Ce n’est pas parce que ça marche/ne marche pas ailleurs que ça sera identique en France. L’encadrement peut être différent, le pays est différent, la mentalité est différente.
    Dans tous les cas laisser la situation tel quel n’est pas une bonne solution à mon avis.

    PS : je ne suis jamais allé voir une prostituée, je ne suis pas sexiste, je me pose juste des questions sur la situation de ces femmes (et hommes) et de comment améliorer leurs conditions de "travail".