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une analyse du projet de loi sur le logement discuté en urgence et applicable dès mars 2009...

Publie le lundi 3 novembre 2008 par Open-Publishing

UNE FRANCE DE PROPRIÉTAIRES : LA GRANDE MYSTIFICATION

LE PROJET DE LOI DE MOBILISATION EN FAVEUR DU LOGEMENT ET DE LA LUTTE CONTRE L’EXCLUSION STIGMATISE LES HLM ET PROFITE ESSENTIELLEMENT AU SECTEUR PRIVÉ.

La baisse des ventes de logements neufs frappe de plein fouet les promoteurs immobiliers. Volant à leur secours, Nicolas Sarkozy a annoncé, le 1er octobre, que 30 000 logements seraient rachetés. La plupart d’entre eux sont à l’état de projet, le coût de cette mesure n’est pas évalué. Jean-François Gabilla, président de la fédération des promoteurs constructeurs (Fpc), Alain Dinin, Pdg de Nexity, et un porte-parole de Bouyghes Immobilier, se sont immédiatement félicités de cette décision. Ce soutien sans précédent aux majors de l’immobilier a tout de même fait réagir, dès le lendemain, les petits aménageurs. Réunis au sein du Snal (syndicat national des aménageurs de lotissement), ils ont regretté l’oubli de la maison individuelle et des parcelles de lotissements dans ce mur anti-crise.

DÉMOLITION METHODIQUE DU LOGEMENT SOCIAL

La mobilisation de fonds publics au profit des promoteurs privés servirait à soutenir l’emploi dans le bâtiment. Pourquoi ne pas commencer avec les Hlm, à l’heure où plus de trois millions de sans logis, ou de mal logés, attendent désespérément un logement social ?

Or, le projet de loi de « mobilisation pour le logement et contre l’exclusion », dit « Molle », prévoit au contraire une forte baisse du budget du logement en 2009 (-6,7%) et une chute vertigineuse des crédits réservés au logement social de plus de 30%. Pour justifier cet assèchement budgétaire, le projet de loi stigmatise la gestion des offices Hlm, suspectés de cacher 11 milliards d’euros. Pour la construction, « l’État donne actuellement 2 500 euros par logement Hlm » affirme le sénateur socialiste Thierry Repentin (Savoie), une misère qui ne permet pas de construire de logements sociaux sans disposer d’un minimum de trésorerie. Et faute de crédits suffisants, le désengagement financier de l’État bloque des projets de construction.

Peu importe : ce mythe du bas de laine permet au gouvernement d’ouvrir la chasse aux « trésors », en obligeant les offices Hlm à signer une convention d’utilité sociale avec l’État (deux premiers articles du projet de loi), afin de ponctionner leur trésorerie.

LES LOCATAIRES EN LIGNE DE MIRE

Tout en réduisant l’offre de logements Hlm, le gouvernement ouvre la chasse aux locataires. La saturation du parc de logements sociaux découlerait « en partie, du droit au maintien dans les lieux qui sert de justification à des situations anormales », selon la sénatrice Ump du Pas-de-Calais, membre de la commission des affaires sociales, Brigitte Bout. « Les grands logements doivent être réservés aux familles nombreuses et le départ du dernier enfant du foyer familial doit entraîner, dans un délai raisonnable et sans que le loyer augmente, le déménagement des parents vers un logement plus petit », poursuit-elle. Passé le troisième refus de relogement, le locataire de moins de 70 ans serait expulsé dans un délai de six mois.

Autre principe : « les personnes bénéficiant de revenus élevés ne doivent plus avoir accès aux Hlm » affirme Brigitte Bout qui se demande « quel sens peuvent avoir les termes de logement social quand 70% des ménages disposent des ressources qui sont en dessous des plafonds des Hlm standards ? ». Alors que la crise ne fait que commencer, que le pouvoir d’achat régresse, le gouvernement veut faire passer ce taux à 60%. Comment ? En baissant de 10% le plafond de ressources exigé pour entrer dans un logement Hlm et ce, dès 2009.

Pour une famille francilienne avec deux enfants, le plafond de ressources passerait ainsi de 50 683 euros à 45 615 euros par an. Les locataires qui ont deux fois plus de ressources (100% du nouveau plafond), seraient expulsés. Ceux, dont les ressources dépassent de 20% à 59% ces fameux plafonds, paieraient un surloyer dont le montant serait directement décidé par le gouvernement, en application de la convention d’utilité sociale. Si le dépassement atteint 60% du plafond, le loyer atteindrait celui du secteur libre, en le mettant à 25% des ressources. Bref, comme l’explique Madame Bout, « si les locataires en place disposent de revenus plus élevés, ils devront payer le prix du marché ou déménager ».

Au lieu de répondre aux demandes en construisant des logements sociaux, le projet de loi généralise l’insécurité pour les locataires, met fin à la mixité sociale, crée des îlots de pauvreté. Grâce à cette hausse des loyers masquée, le gouvernement espère engranger 300 millions d’euros par an des « loyers de solidarité ». Selon Christine Boutin, ces deux mesures combinées libèreraient 9 000 logements sociaux sur… 4 millions. Tant pis pour les classes moyennes parisiennes, coincées entre les loyers du secteur privé et un prix de l’immobilier inaccessibles.

UNE FRANCE DE PROPRIÉTAIRES

Si le gouvernement n’aime pas les locataires, en particulier ceux qui vivent dans un logement social, il adore les propriétaires rivés à leurs crédits. Ainsi, selon la sénatrice Brigitte Bout, « le projet de loi porte un message politique clair : la propriété ne doit pas rester le privilège des classes moyennes et des hauts revenus ». Et de poursuivre : « l’accroissement de personnes propriétaires », « parmi les ménages disposant de faibles revenus, constitue un progrès social ».

En 2000, Georges W. Bush annonçait exactement le même programme – « je veux une Amérique de propriétaires » - (I want a home of your own ). Dans son discours de Vandoeuvre-lès-Nancy du 11 octobre 2007, et celui de l’Élysée du 8 février 2008, Nicolas Sarkozy lui a emboîté le pas, proposant même aux banques d’hypothéquer les biens achetés à crédit. Alors que le monde n’a pas fini de subir les effets d’une telle politique, persister dans cette voie laisse pantois.

PRIORITE AUX PLUS VALUES IMMOBILIÈRES

Le projet de loi donne de multiples gages aux propriétaires. ll réduit le délai d’expulsion de deux ans et demi, actuellement, à un an après le jugement. En outre, l’État met la main sur le pactole du 1% logement financé par les entreprises et géré paritairement avec les syndicats pour loger les salariés. Il oriente arbitrairement ces fonds vers la réhabilitation des centres villes d’une centaine de communes. Les crédits du 1% remplaceront ceux de l’État pour financer l’Anah (agence nationale pour l’amélioration de l’habitat) utilisés pour la réhabilitation du patrimoine.

Autrement dit, les crédits du 1% collectés pour offrir aux salariés des logements sociaux, serviront aux propriétaires qui rénoveront leur logement ou leur immeuble dégradé… « Rénover les quartiers anciens dégradés, situés le plus souvent en centre ville, est un moyen de permettre la mixité sociale par le retour des classes moyennes » explique Brigitte Bout. C’est surtout le meilleur moyen d’augmenter le prix du mètre carré, de faire de la plus value immobilière.

Sous couvert de mobilisation en faveur du logement, le gouvernement mobilise surtout des moyens en faveur des propriétaires, pour maintenir à tout prix des loyers élevés. Il stigmatise les locataires de logements sociaux et ignore ceux du secteur privé qu’il se garde bien de protéger en plafonnant les loyers et en garantissant leur maintien dans les lieux.

La seule solution pour sortir de la crise, c’est de construire les logements sociaux et de protéger de la spéculation immobilière tous les locataires par une loi réglementant les loyers, des logements sociaux comme ceux du secteur privé.

COLLECTIF DE LOCATAIRES PARISIENS. Contact : collectif.locataires@gmail.com