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vive l’europe !!! Premier pas vers la fin des jachères (libre belgique)
Publie le vendredi 28 septembre 2007 par Open-PublishingGilles Toussaint
Pour faire face aux tensions sur le marché des céréales, la levée des jachères est confirmée pour une année.
Le principe même du gel des terres va être remis en cause.
AP - Les ministres européens de l’Agriculture ont décidé mercredi à Bruxelles de lever pour une année les jachères obligatoires pour les cultures de céréales.
Avancée en juillet dernier par la commissaire à l’Agriculture, Mariann Fischer Boel, la mesure doit permettre aux agriculteurs d’étendre leurs semis de l’automne 2007 et du printemps 2008 afin de donner un peu d’air au marché des céréales confronté à une hausse importante des prix. Cette augmentation est due à la demande accrue de pays en plein boom économique comme la Chine et l’Inde, mais également aux politiques poussant au développement des carburants "verts". Parallèlement, l’offre est en diminution en raison des mauvaises récoltes enregistrées dans de gros pays producteurs comme l’Australie.
En levant l’obligation de jachères qui pèse sur 10 pc des terres cultivables, l’Europe espère un gain de dix millions de tonnes supplémentaires de céréales qui devrait soulager son marché interne. Et dans les prochains mois, c’est le principe général même du gel des terres qui va être remis en cause à l’occasion des débats sur le "bilan de santé de la Pac".
Dans la foulée, Mariann Fischer-Boel a annoncé qu’elle allait proposer de suspendre jusqu’à l’été prochain les droits de douanes dans l’Union européenne pour les importations de céréales en raison de ces difficultés d’approvisionnement.
Marche arrière
Curieux retournement de situation, quand on sait qu’il y a une quinzaine d’années à peine, les jachères étaient instaurées pour répondre à une surproduction devenue structurelle.
Mis en place en 1958, les fondements de la politique agricole commune avaient pour objectif de garantir l’autosuffisance alimentaire de l’Europe. L’objectif fut atteint et même largement dépassé... Pour encourager la production agricole et assurer la stabilité du marché, une série de mécanismes avaient été instaurés : un système de prix minimums garantis sans plafond de production, des droits de douane sur les importations des pays tiers ainsi qu’un système de subsides soutenant les exportations européennes. Et pour gérer d’éventuelles fluctuations, une partie des excédents était stockée dans de vastes entrepôts.
"Mais un autre élément important a joué", explique Jean-François Sneessens, professeur d’économie rurale à l’UCL. "A l’époque où l’Europe a mis en place le sys tème de prélèvements variables sur les importations, elle a dû faire des concessions. Il a donc été convenu qu’il n’y aurait aucun droit de douane sur une série de produits servant à l’alimentation du bétail, comme le soja. Cela a eu un effet énorme car pour les agriculteurs, il devenait plus rentable d’acheter ces aliments à l’étranger que de les produire eux-mêmes. Ils se sont donc naturellement orientés vers ce qui rapportait le plus, les céréales, et il y a eu un basculement du mode de culture dans les fermes. Cela a poussé certains à la spécialisation dans l’élevage et à la concentration, aux labours des prairies et à des rotations plus courtes en culture."
Face à l’afflux des excédents européens de céréales sur le marché mondial, les reproches ont commencé à pleuvoir du côté des Etats-Unis qui accusent l’Europe de fausser la concurrence en raison de son système de subventions à l’exportation. "Pour répondre à cette situation, poursuit M. Sneessens, la Commission a d’abord essayé de limiter la production avec un système de quantités maximales garanties en fixant des seuils de production au-delà lesquels les prix payés étaient réduits. Au même moment, vers 1988, elle a introduit un système de jachères volontaires avec des primes. Puis en 1992, elle a fait volte-face au moment de la réforme de la Pac. Il fut décidé de réviser sensiblement les prix garantis à la baisse, d’accorder des aides compensatoires à l’hectare et non plus en fonction de la production. Ces aides étaient conditionnées à la mise en jachère d’un certain pourcentage de terres cultivables qui, au départ, était fixé annuellement et pour lequel les agriculteurs percevaient aussi des compensations."
Plusieurs à la table
Aujourd’hui, après plus de cinquante ans de tendance générale à la baisse des prix des produits agricoles, on semble donc reparti dans un cycle à la hausse.
"Les ressources naturelles réapparaissent pour ce qu’elles sont : quelque chose de rare. Le marché mondial a toujours donné l’impression d’une surabondance de ces ressources, d’être une table débordante. Mais, en réalité, il n’y avait que 20 pc de la population, celle des pays riches, qui savaient y accéder facilement. Aujourd’hui, il y a tout d’un coup une réduction des inégalités avec le développement du pouvoir d’achat en Asie. Ils viennent donc à la table et commencent aussi à acheter les produits. Et donc cette abondance artificielle va disparaître. Je pense que l’on est reparti vers des choses intéressantes et plus saines au niveau agricole, ce qui ne supprimera cependant pas la volatilité des prix mondiaux", conclut notre interlocuteur