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Bernard Thibault et Canal moins

Publie le dimanche 18 novembre 2007 par Open-Publishing
5 commentaires

Jeudi 15 novembre, Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT, est l’"invité" du Grand Journal de Canal +, la télé des peoples qui nous chient sur la gueule et des jeunes qui aiment ça.

Le lendemain, à cette même émission, le majordome en chef Denisot (le majordome anticipe les désirs de son maître) et le larbin Apathie font gorges chaudes de la réponse de Bernard Thibault à la question de la veille à propos de l’injonction du gouvernement de suspendre la grève pour négocier : « C’est incompréhensible, on n’y comprend rien. » Il est certain que la position d’un représentant syndical renvoyant la décision à ceux qu’il représente est absolument inaudible pour les serviles baveux.

Il ne s’agit pas ici de s’indigner de la généralisation des pratiques ordurières des "animateurs - bateleurs de foire" de ce type d’émissions qu’on trouve sur toutes les chaînes de télé et les stations de radios de connivences. Se mettre à plusieurs pour agresser, en se moquant, en ironisant, en mimiquant, un individu mis en position de faiblesse n’est pas étonnant chez ces chiens qui ont le courage de leur maître : fanfaronner avec ses nervis et CRS derrière. L’oligarchie médéfienne a la puissance financière, le pouvoir politique, posséde les entreprises médiatiques et en fait usage à son profit (dans tous les sens du terme). Rien d’étonnant à cela. Il faut être un naïf pour croire à une liberté des moyens de communication qui n’a jamais existé et n’existera jamais pour le "peuple", pour la raison simple qu’une liberté et un droit n’existent que quand on les exerce, quand on les prend. Donnez le pouvoir au plus ardent révolutionnaire et attendez de lui qu’il vous donne la liberté...

Autant baisser tout de suite son pantalon, l’« enculé » (excuses de reprendre ce terme sexiste) ce n’est pas lui, c’est vous. Autant offrir des fleurs aux CRS, aux Gestapistes ou à la Stasi. « Les piou-piou, avec nous ! »...

Par contre les rapports qu’entretiennent avec ces médias ceux qui sont censés représenter ce peuple doit faire l’objet de nos analyses, ainsi que nous y invitent les amis de l’Observatoire des médias, d’Acrimed et du Plan B.

Dans sa réponse, Bernard Thibault semble certes manquer d’assurance. Mais soumis à une question aussi malveillante et perfide en ayant subit le traquenard du dispositif de l’émission, qui peut prétendre qu’il ne bafouillerait pas ? Et même si c’est un habitué, Bernard Thibault n’est pas Georges Marchais (« Taisez-vous Elkabach ! »).

Il reste que Bernard Thibault a choisi d’être dans cette situation à laquelle il sait devoir s’attendre à chaque participation médiatique. Ce choix est-il pertinent ? Question que nous avons le droit (sinon nous le prenons, mais pour celui-là y a pas grand risque) de poser ne serait-ce que parce la "représentation" des gens en lutte, de l’organisation ouvrière et de la classe ouvrière sont en cause dans les choix médiatiques de nos "représentants".

Par quoi se justifie le choix de participer ?

Pour faire connaître la version de la CGT sur les évènements en cours et faire valoir la position de l’organisation et des travailleurs en lutte. Cela inévitablement dans le cadre imposé par les possesseurs des médias de masse. De ce point de vue, se passer de la télévision si l’on veut "toucher le plus grand nombre" parait inconséquent. Certains vont jusqu’à reprendre l’antienne des dominants eux-mêmes en considérant que si l’on ne passe pas à la télé on n’"existe" même pas (dans ce cas, les réels possesseurs des pouvoirs n’existent pas puisqu’ils n’y passent pas ou peu ! Ce qui est certainement une des fonctions du spectacle médiatique que d’essayer de nous faire oublier qu’ils existent.)

La situation de ce jeudi est particulière parce qu’elle est produite par des tensions exceptionnelles. Ce qui a l’avantage d’accentuer les composantes de la manipulation et de les rendre plus perceptibles.

La direction de la confédération syndicale, personnifiée par Bernard Thibault, a accepté d’ouvrir les négociations alors que "la base" est majoritairement contre. Ce faisant elle ouvre la voie au chantage du gouvernement : arrêt des grèves pour négocier. Elle se retrouve donc en porte-à-faux.

Mais ce n’est pas le collectif « direction » qui se retrouve sur le plateau de télé, c’est une personne seule, Bernard Thibault, face à un collectif de larbins puants. C’est donc Bernard Thibault qui est en porte-à-faux.

Bernard Thibault auquel est identifié l’ensemble des travailleurs en lutte (la personnification des leaders condensant le pouvoir hiérarchique pyramidal de nos systèmes institutionnels actuels). Il y a beau jeu pour la clique larbinesque de refermer alors le piège en lui demandant sa position "personnelle". Ayant été à l’initiative d’une proposition de négociation sans le consentement de sa base comment le leader de la CGT pourrait-il avoir une position personnelle de justification de la poursuite de la grève ? Même en jouant des artifices rhétoriques dont son capables les hommes d’appareils, il n’en est pas moins en position de faiblesse.

Que l’on prête ou non des finalités suspectes, du point de vue du mouvement ouvrier (et le manque de transparence total des stratégies de la direction et du secret des transactions, toujours justifié par la "raison d’Etat", va forcément dans le sens de la suspicion), aux dirigeants syndicaux, la réponse de Bernard Thibault, qui est la plus juste qui soit sur le plan du processus représentatif puisque la base ne s’était pas prononcée, apparaît comme une défausse, une hypocrisie et décrédibilise le mouvement (toujours de ce point de vue). Que Bernard Thibault bafouille parce qu’il n’est pas net ou parce qu’il est désarçonné par la mauvaise fois de ses piégeurs, le résultat est le même : les chacals qui sont encore à la même place le lendemain à la même heure le lapident jubilatoirement en se foutant de sa gueule.

Pour eux, déstabiliser le leader syndical, c’est déstabiliser le mouvement.
Heureusement, "la base", avec son intelligence et sa détermination habituelle, a su ne pas se faire piéger en déclarant immédiatement ne pas se reconnaitre dans la position arbitraire de son "sommet" et en affichant clairement et fermement ses exigences.

Ce faisant, en manifestant son existence réelle, elle renverse les représentations et remet le monde à l’endroit. Le seul pouvoir réel est celui que se donne les travailleurs eux-mêmes (c’est pourquoi, pour reprendre la formule de tout à l’heure, les ouvriers et employés sont "inexistants" dans les médias, voir les relevés sardons du Plan B). De leur seule cohésion déterminée dépend l’issue du combat. Ils n’ont pas besoin de la télévision. Pas plus pour "populariser" (peopelariser ?) leur lutte que pour augmenter leurs forces. Certes pour cela, il leur faut affronter une possible impression de solitude artificiellement créée par l’agitation médiatique (pour lever l’artifice, il suffit de reprendre le vœu pieu de ceux qui préconisent tout simplement d’éteindre l’écran pour faire cesser cette agitation comme par magie). L’élan de la lutte commune fait vite disparaitre cette impression.

Alors, est-il pertinent de participer au cirque médiatique ? Seuls les travailleurs en lutte peuvent déterminer si le rapport de force est suffisamment en leur faveur pour poser leurs conditions, non négociables, et les modalités d’une participation, et donc sa pertinence.
Une chose semble certaine : face aux moyens de manipulation et de répression de l’oligarchie, pour laquelle tous les coups sont permis ainsi que l’attestent l’histoire des luttes et leur présent (dont le choix de faire connaitre ou non une information qui est quasi total aujourd’hui, même avec internet ; le black out fait pendant deux jours sur l’état de santé du militant malmené lors des manifs du CPE pour empêcher l’information en cas de mort, en est un exemple), sans ces conditions, la participation se fait toujours au détriment des travailleurs. D’autant que la férocité des majordomes est exacerbée à la fois par la proximité qu’ils perçoivent d’atteindre leur but et d’accroître leurs privilèges en écrasant définitivement la combativité de la classe ouvrière, et par la grande trouille du "peuple" en chair et en os qu’ils partagent avec leurs ancêtres des Lumières qu’ils invoquent avec une feinte dévotion.
Vive l’autodétermination des travailleurs en lutte !

Cela étant dit et à confronter avec d’autres points de vue, comment se fait-il que l’on entende aucune voix de tous les technicos qui fabriquent ces émissions et sont objectivement complices (oui, je sais que certains vont rétorquer qu’il faut bouffer, mais bon...) de pratiques plus que limite dans l’abjection : une mise à mort symbolique reste une mise à mort, ils le savent mieux que personne ? L’écrémage syndical a-t-il été si efficace ?

Ont-ils des privilèges dont personne ne parle ? Par ailleurs, quelles informations a-t-on sur le public jeune, joyeux et bon enfant, qui, comme à la corrida, éructe à la mise à mort et exécute sur injonction du maître ?

AA

Messages

  • Je ne trouve aucun intérêt à cette accumulation de termes polémiques, orduriers, etc... j’espère que ça te fait du bien, et que ça t’évite d’aller tirer un coup rue Saint-Denis, mais à part ça, franchement....

  • Charabia intellectualiste et censeur qui ne propose rien.

    THIBAUT a été très bon, il n’a fait qu’établir clairement la situation à un moment "T", dans le respect de la démocratie syndicale (qui n’est pas simple à construire, c’est une réalité).

    J.N

    • Si tu le dis ! Je n’ai pas parlé de son intervention en tant que telle, et en général, je trouve ses prestations plutôt bonnes , compte tenu du cadre (bien que mon opinion en tant que telle n’a pas plus ou a autant d’importance que la tienne). Ce qui n’empêche pas d’aller plus loin. Au risque d’intellectualiser d’après certains. Après, je pense en effet que c’est pas sur Internet que l’on fait des propositions, mais dans les AG et dans les sections syndicales.
      Une question polémique quand même : y a-t-il une explication (si au-delà d’affirmations non argumentées il est possible d’en avoir) aux réticences d’une critique de Canal+ ?
      AA

    • Oui mais quand on a des bonnes idées, les laisser traîner sur internet permet à d’autres militant de les reprendre/reformuler/améliorer dans leurs propres AG

      Le net est "libre", profitons-en

      Cf l’article de Copas en Edito !!!

      Marcos94

    • Lisez-donc "la chute de Paris" roman prix STALINE en 1942 écrit par un important auteur Juif soviétique, Ilyan Ehrenbourg (il s’opposa aux purges Staliniennes et conserva sa liberté d’écrivain en URSS) et vous verrez entre autres comment se forment et travaillent les groupes de presse (du Front Populaire à la Débâcle de 1940) C’est frappant d’actualité. J’ai une vieille édition de 1945, et ça m’étonnerait que ce livre soit publié à nouveau. JdesP