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2 600 maisons ont été détruites à Rafah depuis quatre ans

Publie le mercredi 24 novembre 2004 par Open-Publishing
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La ville-frontière avec l’Egypte se rétrécit jour après jour.

de Dominique Le Guilledoux, Rafah (Gaza)

Salah, 40 ans, cherche l’emplacement de sa maison. "Ça doit être ici." Il hésite : "Peut-être plus à gauche." Il ne reste que de la poussière, un monticule de morceaux de béton, de ferraille, des ordures.

Les enfants courent sur les crêtes de déchets. Salah renonce à chercher. Il se souvient : "Les engins sont arrivés à 22 heures, c’était la nuit, on n’a pas eu le temps de prendre des affaires, on s’est enfui." Le camp de réfugiés où il habitait s’appelle Libna. A quelques centaines de mètres, c’est l’Egypte.

Les Israéliens ont encore fait une incursion hier. Maintenant, ils tirent des coups de feu depuis le mirador. Il y a quinze jours, des bulldozers, des chars et des hélicoptères ont rasé d’autres maisons. On estime que le quart de Libna est détruit. Les Palestiniens qui y vivaient sont des réfugiés de 1948. Salah, père de sept enfants, a loué une maison dans un quartier périphérique. Ancien maçon en Israël, il a encore quelques économies. Mais combien de temps va-t-il tenir ?

Plus loin, le quartier Brasil ressemble à un morceau de ville fantôme. Les maisons, les immeubles ont été désertés. Pas une silhouette humaine, des fenêtres et des portes ouvertes, le silence. La frontière est toute proche, matérialisée par un mur de tôle derrière lequel on aperçoit le dôme de la mosquée d’un village égyptien. Entre les deux territoires, il y a la frontière israélienne : une bande que l’armée cherche à élargir.

Selon une source officielle palestinienne, 2 600 maisons ont été détruites à Rafah depuis quatre ans. Les postes de police palestiniens ont été bombardés, les terres de maraîchage retournées, les serres détruites. Le bitume de certaines rues a disparu, laissant place au sable.

L’avenue principale, la rue de la Mer, est à portée des fusils israéliens. Il n’est pas question de sortir la nuit ou par temps de brouillard : les mitraillettes balaient large. Tarek, 37 ans, père de cinq enfants, est lui aussi parti au dernier moment, lorsque les chars se sont postés devant son appartement. Lui et sa famille ont vécu sous une tente, puis il a dépensé toutes ses économies pour construire une maison en parpaings sans plâtre. "Je le regrette, on n’a plus d’argent maintenant pour manger." Tarek se sent coupable de tout : il a voulu se suicider, a cru devenir fou. Il était tellement désespéré qu’il est allé plusieurs jours narguer les chars israéliens en leur lançant des pierres. Ils n’ont pas tiré.

Pour Tahir, 14 ans, la fête de l’Aïd a été un mauvais moment à passer. La fête de famille a eu une absente : Samar, 7 ans, atteinte à la tête alors qu’elle jouait dehors. Elle est décédée après douze jours de coma. Tahir aussi a reçu une balle dans la jambe, mais elle s’en est sortie. Elle ne peut pas regarder les informations télévisées sans penser à sa sœur. Dans une autre maison, une famille ne se remet pas de la mort d’Asma et Ahmed, deux enfants qui se trouvaient sur la terrasse, l’une à ramasser le linge, l’autre à donner à manger aux pigeons, quand un sniper israélien les a touchés en pleine tête l’été dernier. "Le Prophète est mort et il est resté vivant. Non, mes enfants sont encore en vie", se persuade leur mère, de retour d’un pèlerinage à La Mecque. Alors que le petit frère, Ahmed, 12 ans, a sombré dans une crise d’apathie et que le grand frère, Ali, 20 ans, a voulu mourir en se cognant contre un mur, la mère tient le coup, se retranchant dans la foi. "Tant qu’il y aura Sharon, il n’y aura jamais la paix", tempête- t-elle. Elle ne peut rien dire sur l’avenir : "C’est possible qu’on vive comme ça tout le temps."

SANS ILLUSIONS

Deux tunnels reliant Rafah à l’Egypte ont été découverts sous des maisons. Très vite le soupçon d’une circulation d’armes a mis l’armée israélienne en état d’alerte. "S’ils sont avérés, nous condamnons ces actes, dit l’adjoint au maire, Emad Sha’at, qui admet qu’il y a quelques trafics à Rafah. "Comme dans toutes les villes- frontières du monde, précise-t-il. Mais fallait-il pour autant détruire 2 600 maisons ?" Il a chiffré le coût des destructions des immeubles, maisons et infrastructures à 45 millions de dollars depuis quatre ans. En mai, on a dénombré 62 morts et 4 000 blessés. 70 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté (moins de 2 dollars par jour), selon la Banque mondiale. "On nous considère comme la ville la plus pauvre de Palestine. On espère que le plan de retrait israélien de la bande de Gaza est sérieux."

Mais l’élu ne se fait pas d’illusions : "Quoi qu’il arrive, les Israéliens chercheront à élargir leur bande entre l’Egypte et notre territoire. Ils continueront à détruire des immeubles et des maisons." Rafah se rétrécit jour après jour.

http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3218,36-387932,0.html

Messages

  • MANIFESTATION TOUS LES SOIRS A 18H DEVANT LE THEATRE DU GYMNASE
    contre la tenue d’un gala au profit de armée israëlienne prévu Lundi 29 novembre prochain.

    Théâtre du Gymnase, 38 Bd Bonne Nouvelle, Paris 10è.
    Tel / 01 48 01 02 84 ( Directeur Mr BERTIN ) / Réservations : 01 42 46 79 79 / Fax:01 45 23 19 24

    mail : theatredegymnase@wanadoo.fr

    L’an dernier sous la pression des manifestations, le Palais des Congrès avait annulé le gala prévu au profit de l’armée israëlienne.

    Leïla de Paris.