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"20 ans après", la censure de l’Huma

Publie le samedi 14 novembre 2009 par Open-Publishing
8 commentaires

"20 ans après", la censure de l’Huma
Article de Claude Marchand partiellement censuré par l’Huma


Claude Marchand, ancien correspondant permanent de l’Humanité en RDA, de janvier 1987 à juillet 1990, a été sollicité par l’Humanité pour donner son point de vue sur le 20e anniversaire de la chute du mur. Or son article a été censuré de plusieurs passages. Apparemment, réaffirmer son engagement communiste, contre le matraquage idéologique de la bourgeoisie, dérange désormais la rédaction de l’Humanité. Le texte non censuré a été envoyé à nos camarades parisiens animateurs du blog « Réveil communiste ». Et nous nous faisons un devoir de publier aussi l’intégralité de son point de vue, les passages censurés étant indiqués en gras.

20 ans après

20 ans après, ce sont d’abord des lieux, des visages qui refont surface, comme autant de fragiles repères dans le cours de l’Histoire qui s’emballe cette année-là, 1989. Des tranches de vies bouleversées, bouleversantes, semblables à nombre de celles charriées par le déluge médiatique actuel, mais moins univoques ; à l’évidence, la guerre idéologique n’a pas rendu les armes avec la fin de la guerre froide...

Des histoires jamais simples. Celle de Jürgen, jeune ouvrier ayant fui comme des milliers d’autres la RDA et ses désillusions - démocratie aux abonnés absents, anémie de l’offre de biens de consommation… Rencontré un lundi soir de manif’ monstre sur le Ring de Leipzig, cet élu communiste n’ayant pas, lui, abdiqué tout espoir dans un socialisme à visage humain. Heike et Jürgen, un couple d’amis, témoins horrifiés de la violence de la répression policière le 7 octobre au soir, et leur interrogation impuissante : « Est-ce cela le socialisme ? ».

Des histoires de rires et de larmes. Au soir du 4 novembre, l’optimisme de mon ami Thomas Neumann, graphiste et photographe d’art, l’un des organisateurs de l’immense manifestation berlinoise contre la violence et pour la démocratie. Heike, une autre Heike, une voisine, et son bonheur ivre de la liberté d’avoir pu danser toute la nuit du 9 au 10 novembre dans une discothèque "drüben", de l’autre côté.. Les sanglots de la romancière Helga Königsdorf, entrée un temps en désespérance quand le slogan "Nous sommes un peuple" chassait définitivement "Nous sommes le peuple" dans une Allemagne déjà en marche vers sa réunification…

Désillusion, espoirs, doutes, tensions, euphorie, bonheur, tristesse, inquiétudes, chaos… Je ne sais si ces événements m’ont laissé indemne. Journaliste communiste français, à l’Humanité qui plus est, j’étais en tout cas armé pour les affronter. Ce fut même ma chance, aussi anachronique que puisse aujourd’hui paraître cet attelage de mots – journaliste communiste - devenu politiquement incorrect au temps de « la mutation ». Alors j’ai choisi de quitter ce journal – professionnellement s’entend, car il reste profondément ancré dans mon quotidien –, notamment pour ne pas avoir à "jeter le bébé avec l’eau sale du bain", comme certains nous y invitaient.

Le journaliste ? Il a eu totalement carte blanche de sa direction pour "tout raconter", comme disait José Fort. J’en suis toujours fier, même s’il n’y avait pas à s’en étonner plus que cela, sauf peut-être du côté de ceux qui ne voyaient en l’Humanité qu’une vulgaire feuille de propagande.

Le communiste français que j’étais (et que je suis encore), biberonné avec le Manifeste de Champigny "Pour une démocratie avancée...", nourri aux idées du "Défi démocratique" de Georges Marchais, conforté par les ruptures du 22e Congrès du PCF, il avait des boussoles pour garder le cap dans ces rudes bourrasques de l’Histoire.

Ce qui s’écroulait, ce n’était pas son modèle, ce n’était pas son monde, même si, dans bien des domaines –santé, éducation, droit des femmes, logement, plein emploi…–, il donnait à voir en partie l’esquisse d’un autre monde possible, plus juste. Pour moi, le communisme, le communisme véritable synonyme de liberté, de démocratie, de justice, de paix, reste plus que jamais à l’ordre du jour de l’avenir de l’humanité. J’en suis persuadé, à plus forte raison 20 ans après.

Claude Marchand

note de manouche : cette affaire est quand même scandaleuse !
Quand on sollicite un article on respecte un minimum l’auteur en ne dénaturant pas pas son travail...franchement l’Huma n’a que de moins en moins à voir avec le journal redynamisé, sauvé par Cachin et Marty.

Messages

  • ben oui, fait pas partie des forces de progrèssistes", zim bam boum, de la société...

    Ce qui s’écroulait, ce n’était pas son modèle, ce n’était pas son monde, même si, dans bien des domaines –santé, éducation, droit des femmes, logement, plein emploi…–, il donnait à voir en partie l’esquisse d’un autre monde possible, plus juste. Pour moi, le communisme, le communisme véritable synonyme de liberté, de démocratie, de justice, de paix, reste plus que jamais à l’ordre du jour de l’avenir de l’humanité. J’en suis persuadé, à plus forte raison 20 ans après. Claude Marchand

    et de pouvoir des travailleurs sur leur propre sort, sur les entreprises...

    le sexe du communisme c’est le pouvoir des travailleurs (celui né de l’amour qui enfante la vie). Sans celui-ci qui se nourrit et s’épanouit de liberté, niet, pas de communisme

    Un piège idéologique c’est de parler de communisme sans traiter la question du pouvoir, d’égalité sans parler de qui commande, de parler de liberté sans parler de ce qui la sous-tends, l’indispensable bataille pour que les travailleurs se libèrent, aient le pouvoir.

    liberté égalité fraternité, nous sommes lourdement dominés par une conception du socialisme qui s’arrête à l’égalité, alors que l’accomplissement d’une égalité raisonnable passe par le pouvoir des travailleurs.

    Les avancées sociales sont indispensables, sont des batailles les plus honorables possibles , mais il reste quelque chose d’inachevé quand elles n’ont pas été en relation dialectique avec le développement de ce qu’on appela à une époque l’autogestion, pour faire contrefeu au "socialisme" par en haut, celui des oligarchies grises.

    La question des libertés est du même tonneau et il est drôle de voir que ceux qui étaient pour le socialisme sans liberté deviennent pour la liberté sans socialisme.

    Bien sur qu’il n’y a pas de langue de bois à avoir, quand on est pour les libertés des travailleurs, individuelles et collectives, il y a lieu de l’être sans tortiller dans tous les sens.

    Mais si on est communistes, comme le rappelle le camarade, il n’y a pas photo, nous sommes pour ces libertés sans contestation mais comme conditions du socialisme. Pas au nom du manifeste de Champigny mais tout simplement au nom du combat du prolétariat pour les libertés et de sa liberté , une très vieille bataille.

    Cette très vieille bataille pris bien des détours au XXeme siècle au point que le capitalisme se saisit, par moments, pour en faire ses choses, de bien des conquêtes de libertés de la part du mouvement ouvrier.

    L’histoire dans l’histoire du camarade qui passa là, avec l’huma, illustre bien que ce qui a été vendu là dans la question de la relation de la gauche à la chûte du mur.
    Cette conception qui courra dans une partie du PCF ne fut pas une relation à la liberté, mais à sa conception particulière, bien en laisse, qui est de la liberté limitée, enrégimentée, asexuée.

    Le communisme est affaire de pouvoir des travailleurs et de libertés.

    • Salut à tous/tes,
      Tout d’abord il est clair que la RDA était encore loin du communisme et qu’il y avait bcp de défauts (1) au socialisme tel qu’il était mit en pratique en RDA. Cela reste pour moi malgré tout l’expérience la plus intéressante de tout les pays socialistes existants ou ayant existé.
      D’abord il faut évidemment s’entendre sur le terme de démocratie participative. Quand j’employais ce terme je voulais dire que les citoyens de RDA pouvaient par ex décider de la rénovation de leur rue, de savoir ou investir l’argent de leur commune : dans une crèche ou dans un terrain de foot ?? etc etc. Cad des décisions qui concernaient avant tout leur quartier et leur vie de tout les jours. Ils ne pouvaient bien sur pas décider du nombre d’avions que l’armée allait acheter. Le corps d’armée doit devenir écologique. Il doit avoir pour but de protéger toutes les personnes. Même dans un pays socialiste le gouvernement garde une indépendance et un pouvoir de décision par rapport a la population même si il est moindre que dans un pays capitaliste.
      Concernant Honecker je n’en parlait pas lol et placer d’un côté H. et de l’autre le peuple est allemand c’est personnifier selon moi le débat un peu comme le font certains progressistes concernant Cuba. Mettant d’un côté le dirigeant et le Parti au pouvoir, responsables de TOUT les aspect négatifs. Et de l’autre le peuple incrédule qui est responsable de TOUT les aspects positifs du régime. Et je crois que c’est faux. A Cuba comme en RDA, sans avoir une volonté politique forte de construire le socialisme de la part des dirigeants et du Parti aucun résultat n’est possible. MAIS le peuple doit être le principal artisan de cette construction. Par exemple dans des pays comme la Hongrie ou la Bulgarie je pense effectivement que l’adhésion du peuple au socialisme était plus faible ( pas nulle non plus ) qu’en RDA.
      Et aujourd’hui je ne sais pas si il y a un regret du dirigeant mais ce dont je suis sûr c’est qu’il y a un regret d’une majorité d’allemands de l’est du socialisme et de ses aspects positifs. Il suffit de voir le succès du PDS (2) à l’est et du fait que ce Parti est encore obligé ( malgré une direction qui est au fond d’elle même anticommuniste ) de vanter les aspects positifs de la RDA et de protéger les vestiges (notamment les monuments) de la RDA et de l’Armée Rouge ( j’ai été à Berlin il y a 2 semaines ) pour des raisons principalement électoralistes-mais pas uniquement.
      Le mouvement de jeunes de la RDA existe toujours ( la FDJ ) et chaque année une des commémoration les plus importante de la RDA est encore célébrée par 10000 personnes (en 2006 : http://www.rotbild.de/lll/demo.php) : l’hommage à l’assassinat des leaders communistes Rosa Luxembourg et Karl Liebnecht.
      (1) : la stasi et le mur de Berlin ( soi dit en passant frontière internationale reconnue par l’ONU et la République Fédérale Allemande, ce n’est qu’après 1989 que la RFA a fait des procès contre cette frontière d’un Etat souverain reconnu par l’ONU ; ce qui ne veut pas encore dire que je soutient son existence attention lol ) ne sont pas pour moi liés intrinsèquement au socialisme de la RDA. Il fallait dénazifier et stabiliser le système. Le socialisme et le communisme ont beaucoup de problèmes avec le capitalisme.
      La RDA aurait pu exister sans cela, ça fait partie des erreurs qui sont selon moi compréhensibles en les remettant dans leur contexte historique. Compréhensibles mais pas justifiables, nuance. La RDA ne pouvait pas fonctionner avec les capitalistes et les ex fascistes. Beaucoup de monde avait gardé les idées fascistes.

      (2) : Le PDS est le successeur du SED ( Parti Communiste qui dirigeait la RDA ). Le PDS n’est pas un Parti Communiste, il est composé de différents courants dont le plus actif et le plus combatif ( sans blague !! :-) ) est "La plate forme communiste " ( http://www.pds-demokraten.net/ ) qui lutte au sein du PDS pour remettre ce Parti sur les rails du marxisme. La figure de proue ( et très très populaire en ex RDA ) est sahra wagenknecht ( elle a vraiment la classe rien a redire dans ses analyses : http://www.sahrawagenknecht.de ), députée au Parlement Européen qui lutte elle aussi contre les dérives sociales démocrates récurrentes de son Parti.
      http://www.chengetheworld.org/fr/index.php?op=articles&task=vercom&comid=160
      Elle a donné plein de liens intéressant, je vais donner le meilleur.

    • Putain... ils nous auront VRAIMENT tout pris. Jusque L’Humma.

      il serait bien que cet article figure en tête des articles proposé.

    • Certainement pas !! - ça fait assez longtemps qu’on se fait taper sur la gueule pour dénoncer non plus "la dérive" mais le hold up sur l’Humanité . Chacun votre tour - allez y , ouvrez un site, et réglez son compte à cette bande de dangereux individus.Nous on a donné, et on a un peu ras le cul de se faire traiter d’anticommunistes et de salauds par les mêmes qui aujourd’hui, ouvrant les yeux , se rendent compte que finalement... et nous demandent de mettre ce genre d’article en Une. Ça fait qques temps que nous n’avons plus aucune illusion sur l"Humanité.Dommage pour ceux qui en avaient encore. C’est une leçon parmi d’autres.

    • Le socialisme sans pouvoir des travailleurs ça n’existe pas !

      On a affaire à autre chose, à définir, dans l’ensemble de ces contradictions mais pas au socialisme.

  • C’est excessif de parler de censure dans un cas comme celui là. Vous ne trouverez que peu d’articles qui sont publiés sans être modifiés, le plus souvent avec l’accord de l’auteur.

    Il ne s’agit pas, apparemment de lui faire dire quelque qu’il ne voudrait pas assumer ou de contraire à ses idées. Ce qui est gommé c’est ce qui exprime la subjectivité du journaliste.

    C’est une règle assez commune et parfaitement compréhensible que celle qui veut qu’on évite d’affaiblir l’objectivité revendiquée d’un article en y laissant trop apparaitre la subjectivité de celui qui l’a rédigé. C’est une contrainte de l’écriture journalistique que de devoir s’effacer derrière son sujet, même lorsqu’on signe. Un journaliste se fait le rapporteur des faits. Il se présente comme un témoin. Il informe son lecteur et lui donne les moyens de porter un jugement.

    Ce n’est qu’à la télévision que vous trouverez des journalistes pour vous dire "ce qu’on doit penser de" de telle ou telle chose. Que ce genre de maladresse soit évité ailleurs, c’est peut-être parfois hypocrite, mais c’est assez normal.

    Je précise pour qu’on ne m’accuse pas de partialité que je ne suis même ni communiste ni lecteur habituel de l’Humanité.

  • Honnêtement, difficile ici de parler de censure à stricto sensu. Les parties amputées ne dénaturent pas totalement le fond du propos de Claude Marchand, un des grands de l’Huma qui n’aurait probablement pas accepté que l’article paraisse en cas de coupes insensées. Je pense qu’il s’agit davantage de coupes liées à une quantité de texte trop importante pour le volume de l’encadré. Ce genre de pratiques est universel et motivé par des desseins plus ou moins avouables… Mais il est sûr qu’à force de manquer parfois cruellement de radicalité et de faire montre d’une complaisance parfois indécente avec la social-démocratie et les courants les plus droitiers du PCF, l’Huma s’expose à toutes les suspicions.