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2005 : une année lourde en évènements pour les Palestiniens
Publie le mardi 3 janvier 2006 par Open-Publishingsource : -http://www.protection-palestine.org...
Khaled Amayreh
publié le samedi 31 décembre 2005.
2005 a sans aucun doute été une année lourde en évènements pour les Palestiniens et pour leur cause. Quelques semaines avant la nouvelle année, Yasser Arafat - l’homme qui pendant des décennies avait défini la lutte des Palestiniens pour leur libération et pour la justice - était mort dans des circonstances mystérieuses dans un hôpital de Paris.
Le président Mahmoud Abbas plante le drapeau de la Palestine sur l’emplacement d’une ex-colonie juive à Gaza
Un an après, la cause exacte de sa mort reste non élucidée. Le docteur personnel d’Arafat, Ashraf Al-Kurdi, comme les officiels de l’Autorité Palestinienne (AP), paraissent convaincus que leur ancien dirigeant était mort des suites d’un empoisonnement, et que le coupable était Israël.
Le choc de la mort d’Arafat n’a duré que quelques jours dans la mesure où l’AP et le Fatah, le parti qui de facto gouverne, ont agit rapidement de concert pour maintenir la loi et l’ordre, avec l’aide active d’organisations comme le Hamas, de façon à ce que la transition au pouvoir soit aussi lisse que possible. Suite à cela, Mahmoud Abbas - alias Abu Mazen - a été unanimement choisi par l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) devant qui formellement l’AP doit rendre des comptes, comme candidat à la présidence de l’AP lors des élections présidentielles qui ont suivi.
Les élections se sont tenues le 9 janvier 2005, mais selon les témoins la participation a été généralement modeste, et ces élections ont principalement été boycottées par le Hamas. Malgré tout, comme cela était attendu, Abbas a été élu Président, tandis que Farouk Qaddumi, un autre vétéran de l’OLP mais basé à Tunis, était élu comme responsable du Fatah.
L’élection d’Abbas a été bien accueillie par près de la totalité des organisations palestiniennes, dont le Hamas, qui voyait Abbas comme un dirigeant de consensus et comme un homme rationnel, du moins comparé à Arafat. Le Hamas a apprécié la volonté d’Abbas de résoudre les problèmes sans avoir recours à la violence, et particulièrement en refusant de façon constante d’utiliser la force contre les groupes de la Résistance palestinienne comme cela est demandé en permanence par Israël et les Etats-Unis.
En effet, Abbas a toujours refusé de démanteler les groupes de la Résistance ou même de les désarmer, disant que de telles mesures déclencheraient une guerre civile. Beaucoup de Palestiniens plaçaient alors de grands espoirs en Abbas, vu l’image positive qui est la sienne au niveau international comme réformateur ; Abbas avait été aussi laissé intact par le bobard de la « terreur » utilisé en permanence par l’administration Busch pour diaboliser Arafat.
Néanmoins, cette « acceptabilité » n’a pas amené de résultats tangibles pour les Palestiniens, malgré l’observation plus ou moins réelle de la Tahdiya, ou « accalmie » par les groupes de la Résistance palestinienne. Le de facto cessez-le-feu avait été négocié au Caire en mars, et impliquait tous les groupes de la Résistance, y compris le Fatah et le Hamas. Israël n’a cependant montré que très peu de respect — s’il en a jamais eu — pour le cessez-le-feu, le considérant comme une affaire interne palestinienne et ne l’engageant nullement.
En effet, les troupes israéliennes d’occupation n’ont jamais interrompu leurs agressions extrêmement provocatrices, leurs attaques aériennes et leurs assassinats touchant autant des combattants de la Résistance que de simples citoyens palestiniens. Par-dessus tout, la répression israélienne permanente sur la vie quotidienne des Palestiniens - restrictions de mouvements, bouclages, humiliations, couvre-feux et checkpoints - a persisté, affectant la crédibilité d’Abbas aux yeux des Palestiniens.
Les provocations continues se sont poursuivies malgré le sommet - sponsorisé par l’Egypte — de Sharm El-Sheikh entre Abbas et le Premier ministre israélien, Ariel Sharon, en février, durant lequel les deux côtés avaient convenu de limiter les attaques. Israël a tenté à de nombreuses occasions de « délégitimer » Abbas, usant des mêmes tactiques diffamatoires que celles utilisées si efficacement contre Arafat. Cette fois-ci, cependant, Israël n’a pas réussi à atteindre les buts fixés, dans la mesure où les Etats-Unis et l’Union européenne (UE) continuent de traiter avec Abbas en tant que responsable palestinien élu, obligeant les Israéliens à abandonner leur campagne de dénigrement contre lui.
2005 a réellement été une année d’élections en Palestine, l’AP organisant quatre tours d’élections municipales à travers les Territoires Occupés, avec l’exception de Jérusalem. Ces élections ont vu une compétition aigue entre le Fatah et le Hamas, ce dernier prenant le contrôle des plus importantes localités telles Naplouse, Jénine, Al-Bireh, ainsi que d’importantes localités dans la Bande de Gaza. Le Fatah a réalisé des gains substantiels dans la campagne palestinienne et dans quelques camps de réfugiés, mais il a été tout à fait clair que le Hamas représentait une menace sérieuse vis-à-vis de la domination initiale du Fatah dans les conseils municipaux.
L’AP n’a pas encore autorisé que des élections soient organisées dans les deux plus grandes villes, Hébron et Gaza, ostensiblement pour éviter une victoire retentissante du Hamas. Les deux villes sont considérées comme des places fortes du Hamas. En effet, ce sont les craintes d’un succès massif du Hamas qui avait amené la direction de l’AP à repousser les élections législatives initialement prévues à la mi-juillet. L’AP a affirmé alors que ce délai était rendu nécessaire par des problèmes procéduraux et par un manque de préparation. Cette décision était cependant avant tout clairement motivée par de sérieuses craintes à l’intérieur du Fatah que les élections puissent être perdues au profit du Hamas si les élections se tenaient en juillet.
Une autre cause pour le report était la lutte chronique qui s’est manifestée à l’intérieur du Fatah cette année entre la « vieille garde » (les responsables revenus de Tunis avec Arafat à la suite des accords d’Oslo et la mise en place de l’AP en 1994) et une génération montante plus jeune et « grandie en Palestine ».
La lutte pour le pouvoir s’est par la suite transformée en véritable cassure à l’intérieur du Fatah, amenant chaque faction à soumettre une liste de candidats pour les élections fixées à présent au 25 janvier 2006. La cassure s’est produite à la suite d’élections internes au Fatah, ou « primaires », dans plusieurs régions en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, d’où les représentants de la « nouvelle garde », conduits par le dirigeant emprisonné Marwan Barghouti, sont sortis victorieux au dépend de l’ancienne garde.
Le Fatah est en train de réaliser de gros efforts pour se réunifier et concourir aux élections du mois prochain avec une liste unique de candidats. Les élections palestiniennes font aussi face à des menaces de la part des Israéliens, des Etats-Unis et même de l’Union Européenne. Les dirigeants israéliens, dont Sharon, ont à plusieurs reprises menacé de perturber ou même d’interdire que les votes aient lieu, à moins que le Hamas ne soit exclu de la compétition.
En effet, Israël a agi sans attendre, menant toute une série d’arrestations massives parmi les militants ou sympathisants du Hamas à travers la Cisjordanie. Plus de 1 000 militants politiques ont été arrêtés entre octobre et décembre, la majorité d’entre eux étant détenus sans accusation ou sans jugement dans le cadre connu des « détentions administratives ».
Le Hamas a supporté le choc des arrestations et a poursuivi sa préparation pour participer aux élections, surtout après sa victoire retentissante à la mi-décembre aux élections municipales de Cisjordanie. La fermeté du Hamas quant à sa décision de participer aux élections a ensuite provoqué la colère des Etats-Unis et a amené la désapprobation européenne.
La Maison des Représentants a averti à la mi-décembre que l’aide des Etats-Unis à l’Autorité palestinienne serait diminuée si le Hamas prenait part aux élections, et plus spécialement si le Hamas participait au prochain gouvernement palestinien. Le chef des relations extérieures de l’UE, Javier Solana, a émis un avis similaire en parlant de restreindre l’aide économique et financière destinée aux Palestiniens si le Hamas prenait part au gouvernement.
Les menaces américaines et européennes ont été unanimement repoussées par l’AP et les groupes palestiniens comme « une ingérence répugnante dans nos affaires internes ». Le Hamas a avancé l’argument selon lequel « notre liberté de choisir nos dirigeants et nos députés est largement au-dessus de tous les dollars américains ».
Un autre développement notable dans les annales de la lutte des Palestiniens en 2005 est le retrait des colons et militaires israéliens de la Bande de Gaza. Le retrait a débuté en août et a duré deux semaines, provoquant le démantèlement d’une douzaine de colonies juives. Présenté par le gouvernement israélien comme une sorte de « bon débarras », le retrait a été perçu par la majorité des Palestiniens comme un tournant : pour la première fois le sionisme rétrocédait une terre palestinienne. Le Hamas qualifia ce retrait de « grande victoire » obtenue par la résistance et les sacrifices du peuple Palestinien.
Cependant, il a été rapidement évident que le retrait - si cela peut être appelé un retrait - n’a été ni une sorte de « bon débarras », pas plus qu’il ne signifie une vraie liberté ou la libération pour les Palestiniens. L’armée israélienne continue d’imposer un siège terrestre, aérien et maritime sur la Bande de Gaza, laquelle s’est transformée en une gigantesque prison peuplée de centaines de milliers de personnes vivant pauvrement.
Ce baril de poudre, couplé avec la politique israélienne ininterrompue d’assassinats de dirigeants politiques palestiniens et de militants de la Résistance, a réanimé « l’état de guerre » entre la Bande de Gaza et Israël, et qui n’avait en fait jamais cessé. Israël est en train de mettre en place « une zone de sécurité » à l’intérieur de Gaza tout en menaçant de frapper les centres de population palestinienne en réponse aux tirs de fusées « Qassam » depuis Gaza vers le territoire israélien.
Le retrait de Gaza a donné de l’oxygène aux habitants et une légère amélioration de leur sécurité personnelle. Pour la première fois depuis 1967, les Palestiniens peuvent voyager « un peu plus librement » par le passage frontalier de Rafah sans que des officiers israéliens aient le dernier mot à ce sujet. Cette liberté n’est de loin pas complète. Selon l’accord régissant le passage sous le parrainage européen, des caméras spéciales installées au passage frontalier transmettent en temps réel aux Israéliens tout ce qui s’y passe.
Les Israéliens ont menacé à plusieurs reprises de reconsidérer l’accord si l’AP autorisait des « indésirables » à rentrer à Gaza, par exemple des Palestiniens déportés par Israël ou en relation avec des groupes de la Résistance.
Enfin, et au mépris total de l’avis prononcé par la Cour Internationale de Justice en juillet 2004, Israël a poursuivi sans interruption la construction du gigantesque « mur de séparation » qui pénètre profondément en Cisjordanie. Le mur boucle déjà beaucoup de villes palestiniennes, comme Qalqilya, les transformant en ghettos coupés les uns des autres. Dans le secteur de Jérusalem, par exemple, le mur sépare maintenant l’est de la ville occupé par les Israéliens en 1967 du reste de la Cisjordanie.
Le mur, couplé avec une expansion colonialiste sans faiblesse, est en train de tuer avec efficacité (ou a déjà tué) toute possibilité d’un Etat palestinien viable en Cisjordanie. En effet, il est largement estimé que si cette évolution persiste, tel que cela parait être le cas, la ainsi nommée « solution à deux Etats » (Israël et la Palestine vivant côte à côte en paix, comme Busch l’avait évoquée), sera impossible à réaliser.
Pour ces raisons, l’appel - et spécialement parmi les Palestiniens - pour la création d’un Etat unitaire et démocratique dans toute la Palestine mandataire, entre le Jourdain et la Méditerranée, est en train de prendre de l’ampleur. L’alternative serait la poursuite de la colonisation israélienne, avec sa violence et son sang versé qui pourrait déborder sur les pays avoisinants.
Khaled Amayreh
29 décembre 2005 - Al Ahram Weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/2005/775
Traduction : Claude Zurbach