Accueil > A Pau, la justice rectifie Sarkozy
Un commissariat avait été incendié en 2003, le ministre voulait une arrestation exemplaire. Les huits jeunes accusés ont été innocentés vendredi.
Par Gilbert LAVAL
Des sauvageons qui crient « Vive la France ». Les mêmes qui disent avoir désormais « confiance en la justice » en embrassant leurs avocats. Les huit jeunes de la cité de l’Ousse-des-Bois, à Pau, accusés d’avoir incendié au cocktail Molotov un commissariat de quartier le 27 septembre 2003, ont été acquittés vendredi soir par la cour d’assises des Pyrénées-Atlantiques. C’est là toute la contre-performance du ministre de l’Intérieur Sarkozy, qui avait juré au moment des faits que les coupables seraient vite identifiés, traduits en justice et condamnés.
Ton violent. « Ces jeunes se sont retrouvés sur le banc des accusés sur une manip des renseignements généraux sur la foi d’un rapport de police les décrivant, je cite, "comme des auteurs potentiels", s’emporte Me Gilbert Collard, un de leurs avocats, à sa sortie du palais de justice. Leur ministre avait promis des résultats à son électorat, les policiers se sont adonnés à de la fabrication de coupables. » Nicolas Sarkozy était sur les lieux tout de suite après l’attaque. « Il y en a marre de voir les ministres coller leurs affiches électorales avec le sang des victimes, lance Gilbert Collard. On intervient avec mesure quand un bateau est détourné, ou pas du tout quand une roquette est lancée contre une préfecture. L’Etat est à genoux, il est ignoble qu’il tente de se refaire une santé en accablant des jeunes des cités. » Le ton est violent. Les débats qui ont duré plus d’une semaine l’ont été aussi. La défense dénonçant l’instrumentalisation politique des faits, l’avocat général tentant de justifier la venue du ministre à Pau trois jours après. « Trouver des coupables était un enjeu politique pour lui », a développé l’avocat Laurent Gaudon. Selon Me Collard, « les jurés ne sont pas les larbins du ministre au service de sa propagande. Et ils nous ont entendus ».
Date. Le procès de Pau fera date. Où il est apparu qu’aucune preuve ne pouvait être faite de la présence des huit accusés sur les lieux du crime. Où le suspect qui avait d’abord été interpellé quelques jours après les faits a finalement comparu en qualité de témoin à charge. L’épisode fera date aussi pour la police dont le ministre a fait, selon la défense, tout ce qu’un ministre de l’Intérieur ne doit justement pas faire : « Il les inquiète, a résumé Gilbert Collard pendant sa plaidoirie, en parlant des enquêteurs, les fouette, les oblige au résultat, leur donne des délais. A partir de là, dans la tension, la pression, l’oppression d’une volonté politique, toutes les erreurs sont possibles. »
Le procès fera date également par les démonstrations d’enthousiasme des dizaines de jeunes de la cité de l’Ousse-des-Bois à l’énoncé du verdict. Ils ont craint jusqu’au bout, disent-ils, d’être une fois de plus affublés de l’image de casseurs impénitents, de sauvageons irrécupérables. Ils ont le sentiment depuis vendredi soir de pouvoir être entendus lorsqu’ils sont jugés. D’où ces « Vive la France » lancés comme des cris de joie. « C’est un verdict pédagogique », se réjouit Gilbert Collard.