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A Wall Street, plus rien ne bouge. Plus personne ne vend ni n’achète

Publie le mardi 21 octobre 2008 par Open-Publishing
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CRISE financière

Wall Street a le blues
A Wall Street, plus rien ne bouge. Plus personne ne vend ni n’achète..

Patrick Vallélian / New York - le 20 octobre 2008, 22h24
Le Matin

Hamedi s’ennuie ferme derrière son stand de hot-dogs qui enfume le quartier de la Bourse de Wall Street, au sud de Manhattan. Cet Egyptien, la vingtaine, n’a aucun client ou presque. « Avant la crise, je vendais plus de 300 hot-dogs par jour. Aujourd’hui, c’est à peine 50. Mes affaires ont chuté au même rythme que les actions de ces satanés marchés. » Derrière le jeune homme, un énorme drapeau américain recouvre la façade du temple de la finance mondiale. Là où la crise du système financier a débuté durant l’été 2007. Là où des centaines de milliards de dollars sont partis en fumée ces dernières semaines.

L’enfer
« Quand j’ai quitté mon pays, ma famille et mes amis m’enviaient d’avoir reçu ma carte verte, poursuit Hamedi. Tout le monde disait que c’était mon billet pour le paradis. Mais le paradis s’est transformé en enfer. » Hamedi se tourne et tend le bras vers la Bourse. « Et Lucifer y règne en maître. »

Alors, Wall Street, enfer ou paradis de la finance ? « Plutôt enfer », lâche Peter, un coteur qui traite des transactions dans l’immense salle des comptoirs. « Il n’y a rien à faire. Plus rien ne bouge. » En clair : on ne vend pas. On n’achète pas. « Tout le monde attend. Les volumes sont très faibles. » Luis, courtier pour la Banque Morgan Stanley, sort de la Bourse. « J’ai besoin de fumer une cigarette », sourit-il, adossé à la solide barrière noire qui éloigne les flots de touristes de l’entrée. « Je peux prendre une photo ? » lui demande un Mexicain. « Pourquoi pas », lui répond le Latinos. Le jeune homme pose en souriant. « Je pourrai me reconvertir en modèle photo si je perds mon job. » Monnaie courante ces jours-ci à Wall Street. Plus de 40 000 emplois ont déjà été biffés dans la finance new-yorkaise.

« On a perdu des tas de collègues », constate Oleg, qui passe lui aussi plus de temps dehors que dedans. « Le visage de Wall Street a totalement changé. Et, aujourd’hui, nous avons tous peur de perdre notre boulot. Entre nous, on se dit qu’il faudrait qu’on aille travailler à Shanghai ou à Dubaï. Ou alors à Zurich. A propos, il y a des opportunités en Suisse ? » Peter, lui, est optimiste. Wall Street a connu des crises et la Bourse s’est toujours relevée. « Cette crise est aussi grave que celle de 1929. Mais jamais nous ne rendrons les armes. On en verra d’autres. Wall Street restera le centre du monde de l’argent. »

Tombés de leur piédestal
Dehors, le soleil réchauffe les centaines de touristes qui viennent se faire photographier devant le vénérable bâtiment. Soudain, les regards se tournent de l’autre côté de la rue. Une équipe de NBC, l’une des principales chaînes de TV américaine, tourne un clip. Un homme fixe la caméra pour y vanter les mérites d’un site de boursicotage en ligne.

« Wall Street est une place qui fait peur ces jours-ci », clame-t-il d’une voix forte. « Spécialement si votre argent est dans les mains de quelqu’un d’autre. C’est pourquoi www.readitrade.com vous propose de reprendre le contrôle de vos placements... » Rhys, qui tient une grosse caméra dans ses mains, pouffe de rire à quelques mètres de l’équipe de NBC. « On tourne « Saturday Night Live », le programme satirique du samedi soir », explique ce réalisateur gallois, qui vit depuis cinq ans aux Etats-Unis. « Pour nous, c’est une manière de se moquer de ces financiers qui se croyaient tout-puissants. C’était des demi-dieux. Tout le monde les vénérait. » Aujourd’hui, ils sont tombés de leur piédestal, constate le Britannique, qui va bientôt rentrer au pays. « Plus de boulot », coupe-t-il.

Hamedi, lui, ne rit pas. « Si ça continue, je devrai fermer boutique. Le gouvernement de Bush veut sauver les banques avec les 700 milliards de dollars du plan Paulson. Mais moi, qui va venir me sauver ? » demande le jeune Egyptien, qui connaît déjà la réponse : personne !

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