Accueil > ABOLHASSAN BANI SADR PARLE DE LA CRISE ACTUELLE EN IRAN : " le régime (…)
ABOLHASSAN BANI SADR PARLE DE LA CRISE ACTUELLE EN IRAN : " le régime va exploser".
Publie le mardi 23 juin 2009 par Open-Publishing3 commentaires
Propos recueillis par Marianne ENAULT
leJDD.fr

En Iran, le Conseil des gardiens de la révolution a rejeté mardi les demandes d’annulation de l’élection formulées par l’opposition. Le Corps des Gardiens, l’armée idéologique du pays, s’est dit prêt à "affronter les émeutiers". Malgré cela, les appels à manifester se multiplient. Pour leJDD.fr, l’ancien président iranien Abolhassan Bani Sadr* revient sur les événements des derniers jours.
Quelles sont les dernières informations en provenance d’Iran ?
Durant les dernières heures, le régime a fait venir de tout le pays des forces de répression. Sept avions ont transporté ces hommes de l’Est du pays vers Téhéran. Le face à face entre le peuple et le régime va se généraliser. Par ailleurs, 20% des employés des banques, du secteur privé et des magasins de Téhéran sont désormais en grève.
Après la répression de samedi, le mouvement de protestation semble toutefois s’essouffler...
Pour que le mouvement puisse continuer, il faut que les candidats contestataires - Mir Hossein Moussavi et Medhi Karoubi [deux des trois candidats malheureux face à Mahmoud Ahmadinejad lors de la présidentielle du 12 juillet, ndlr] - soient plus clairs. Pour l’instant, ils réclament l’annulation de l’élection mais ils se disent toujours fidèles au régime. Ils obéissent toujours au Guide suprême, Ali Khamenei. Or, dans la rue, le peuple crie : ’A la fin de la semaine, le Guide partira.’ Il y a une ambiguïté chez ces candidats qui fait que le peuple iranien se sent moins représenté. Cette situation pourrait en effet conduire à l’essoufflement du mouvement de protestation.
Comment peuvent-ils éviter cela ?
Mir Hossein Moussavi doit désormais clarifier sa position par rapport au régime. S’il le fait, alors le mouvement pourra continuer et réussir. Mais rien n’est moins sûr.
Pensez-vous qu’il y a eu une fraude généralisée ?
Le Conseil des gardiens de la révolution [organe législatif suprême en Iran, ndlr] a reconnu que trois millions de bulletins avaient été rajoutés dans les urnes. Aujourd’hui, il assure pourtant que cela ne change rien au résultat. Trois millions de bulletins ! Cela paraît suffisant pour annuler une élection, non ? Surtout qu’on estime à 15 millions le nombre total de bulletins rajoutés dans les urnes. Il faut par exemple savoir que 15 000 urnes étaient directement dans les mains des Gardiens de la révolution. Ils les ont remplies de bulletin Ahmadinejad.
"Le Guide suprême est affaibli"
Les Gardiens menacent de s’en prendre au peuple...
Les Gardiens de la révolution [l’armée idéologique du pays, composée de 125 000 hommes, ndlr] ont publié deux communiqués dans lesquels ils menacent Mir Hossein Moussavi et le peuple. Ils se disent prêts à défendre le régime. Cela démontre la faiblesse de l’ayatollah Ali Khamenei. Sa parole seule [lors d’un prêche prononcé vendredi, il a confirmé l’élection de Mahmoud Ahmadinejad, ndlr] ne suffit pas. Il a besoin de montrer ses hommes. Or, normalement, ce n’est pas à eux de commenter une situation politique. En Iran, la loi interdit aux militaires toute activité politique. Le Guide suprême est affaibli.
Pourquoi ?
Il n’y a pas d’homogénéité au sein des Gardiens de la révolution. Il y a d’autres tendances, qui ne sont pas d’accord avec la position d’Ali Khamenei.
On parle d’ailleurs de divisions au sommet de la République islamique...
A long terme, le régime est condamné à être remplacé par une démocratie. La guerre à l’intérieur du régime entre le clan Khamenei et le clan Rafsandjani [le président de l’Assemblée des experts, seule capable de nominer et de destituer le Guide suprême, ndlr] ne peut que conduire à sa chute. Ils ne peuvent pas continuer à coexister, l’un va supprimer l’autre.
L’ancien président iranien, Ali Rafsandjani, est-il l’homme de la situation ?
Il y a beaucoup de rumeurs en Iran qui disent qu’il aurait le soutien de 40 des 86 membres de l’Assemblée des experts. Mais ces informations sont difficiles à vérifier. Et puis, il est aussi possible qu’Ali Rafsandjani prenne la parole pour se dire fidèle au Guide suprême. Tout est possible.
Est-il populaire ?
Il n’a jamais été populaire en Iran. Il doit être la deuxième personne la plus détestée, après le prêche du Guide suprême vendredi. Le peuple le considère comme le symbole de la corruption, de la trahison et du crime politique. C’est le problème : au sein du régime, personne ne peut vraiment mobiliser le peuple.
"Rien ne sera plus jamais comme avant"
Les événements des dix derniers jours marquent-ils une rupture en Iran ?
Une chose est sûre, rien ne sera plus jamais comme avant en Iran. La rupture est totale et les signes de la mort du régime se multiplient. Il ne reste rien du régime, rien de l’islam du régime. Dans le prêche de l’ayatollah Khamenei, il n’y avait que de la violence. D’un côté, il félicite le peuple d’être allé voter, de l’autre il le condamne parce qu’il manifeste. Il est en guerre contre son peuple. Il a mené un coup d’Etat. L’islam de ce régime est mort. On ne peut pas continuer avec cette société qui n’a aucun horizon. On va avoir une explosion volcanique.
Que pensez-vous de la réaction de la communauté internationale ?
Il y a d’abord l’opinion publique mondiale et la presse. Leur soutien est le bienvenu. Il s’avère déterminant, avec un effet direct sur le régime. Cela l’empêche d’aller plus loin dans la répression. Il y a aussi les Etats. Le fait qu’ils s’abstiennent d’intervenir est la meilleure politique. L’Iran vient de vivre un siècle d’intervention extérieure dans ses affaires intérieures. Prenez un jeune homme qui va manifester aujourd’hui. Il sait qu’il y a un danger de mort. Il veut être sûr qu’il va lutter pour ses droits et non pas pour l’intérêt des autres. Il ne faut pas qu’il y ait cette hésitation du peuple iranien.
*Abolhassan Bani Sadr a été le premier président de la République islamique d’Iran, élu en janvier 1980, juste après la révolution. Il a, à ce titre, participé à la rédaction de la Constitution iranienne. Opposé à la poursuite de la guerre Iran-Irak, il est destitué par l’ayatollah Khomeini le 21 juin 1981. Il vit depuis en exil en France.
http://www.lejdd.fr/cmc/international/200926/iran-le-regime-est-condamne_221544.html
Messages
1. ABOLHASSAN BANI SADR PARLE DE LA CRISE ACTUELLE EN IRAN : " le régime va exploser"., 23 juin 2009, 17:16
Que pèseront-ils ces 125 000 miliciens à la botte des ayatollahs, face aux citoyens iraniens déterminés façon "contestataires chinois" comme vu dans une vidéo sur BC ?
1. ABOLHASSAN BANI SADR PARLE DE LA CRISE ACTUELLE EN IRAN : " le régime va exploser"., 23 juin 2009, 17:35
Bonne question.
Ils ne pèseront rien ou presque. Comme dans toute révolte ou révolution réellement de masse ,réellement populaire et déterminée par les bons motifs.
2. ABOLHASSAN BANI SADR PARLE DE LA CRISE ACTUELLE EN IRAN : " le régime va exploser"., 23 juin 2009, 18:05, par Pier
Ils peseront le poids des munitions et l’autorisation qu’ils auront de tirer sur les insurgés.