Accueil > AIDONS LE VENEZUELA A BRISER L’APARTHEID SOCIAL
par Paul-Emile Dupret
au nom du Collectif Venezuela 13 Avril (1)
La victoire du président Chavez, lors du référendum du 15 Août visant à le
révoquer, marque la reconnaissance de ses politiques économiques et
sociales, -les programmes de santé, l’alphabétisation, la réforme agraire,
les droits des pêcheurs artisanaux, la protection des minorités indiennes
et noires-, qui exigeaient la maîtrise des ressources pétrolières
nationales. Elle confirme aussi l’ appui de la population à sa politique
extérieure qui donne la priorité à une intégration autonome de l’Amérique
latine par rapport aux grands centres de pouvoir, et surtout par rapport
aux Etats-Unis.
C’est aussi une victoire sans précédent de la démocraties vénézuélienne,
et un pas vers la démocratie participative, puisque le dispositif de
référendum révocatoire, introduit dans la nouvelle Constitution, a permis
qu’un mandataire élu soit évalué à la mi-mandat par ses concitoyens. C’est
une première mondiale et un véritable exemple, notamment pour nous. Quel
dirigeant européen voudrait bien se soumettre à une telle épreuve ?
Lequel pourrait espérer voir sa popularité augmenter de 3% cent après
cinq ans au pouvoir ? Car 1,8 million de V énézuéliens de plus ont voté
pour lui par rapport aux élections présidentielles de 1998.
Mais, pour nous qui avons assisté à cette journée électorale très
mémorable (2) , il est clair que le mérite principal de ce gouvernement
est surtout d’avoir permis à des millions de personnes traditionnellement
marginalisées, de participer enfin à la vie politique du pays.
La réforme de la Constitution et les programmes de santé et
d’alphabétisation ont permis d’intégrer peu à peu les quartiers
populaires à la vie politique du pays. Au cours de la dernière année, 2
millions d’électeurs supplémentaires se sont inscrits au registre
électoral. Nous avons longuement parcouru les quartiers populaires de
Caracas, ce dimanche 15 Août au crépuscule : il y avait encore devant
chacun des bureaux de vote de gigantesques files d’attente, car
l’opposition dont la base est concentrée dans les quartiers aisés de la
capitale, a tout simplement refusé que l’autorité électorale ouvre de
nouveaux bureaux de vote dans ces zones qui constituent les deux tiers de
la ville. Par conséquent ces gens des quartiers pauvres, massivement
pro-Chavez, n’ont pas pu tous voter, ce qui n’a cependant pas empêché le
gouvernement d’obtenir 60 % des suffrages, réfutant ainsi le discours
asséné par la plupart des médias locaux et internationaux, selon lequel ce
gouvernement "populiste" représente moins de 30 % des vénézuéliens.
L’enjeu c’est la démocratie. Il ne s’agit pas d’une simple dispute sur un
programme de gouvernement. Nous avons affaire avec un secteur majoritaire
de l’opposition qui pratique l’apartheid social et politique, et qui est
prêt pour ce faire à répudier toute règle démocratique, notamment en
appelant à la violence, en dénonçant une fraude massive sans présenter le
moindre argument valide pour étayer cette grave accusation. Ce refus de
reconna ître le résultat du scrutin constitue simplement un refus de cet
autre Venezuela, celui, largement majoritaire, des habitants de quartiers
marginaux, des métis, des Indiens, des Noirs...
Il ne faut avoir aucune complaisance à l’égard de ces dirigeants
politiques, des médias commerciaux et de la hiérarchie de l’Eglise
catholique nationale. Il faut au contraire saluer le fait qu’une partie de
l’opposition, et notamment la centrale patronale FEDECAMARAS qui, avec
la centrale syndicale bureaucratique CTV, avait été un des moteurs du
coup d’Etat-, a reconnu les résultats des élections. Il faut aussi saluer
les appels au dialogue lancés par le chef du gouvernement dès sa première
apparition après le vote.
Lorsqu’on a vu les images du coup d’état d’Avril 2002, les morts
programmés pour justifier le putsch et la chasse à l’homme de 24 heures
qui a suivi (70 morts ), -avant que le peuple ne restaure la démocratie- ;
lorsqu’on sait que l’opposition a eu recours à un sabotage pétrolier de
trois mois qui a fait plonger l’économie du pays dans le rouge ; lorsqu’on
a entendu des dirigeants déclarer à la télévision avant le vote que si
l’opposition gagnait, ils fermeraient les frontières et feraient "payer"
les chavistes ; quand on a lu les déclarations récentes de l’ex-président
social-démocrate Carlos Andrés Perez, pour qui le président Chavez doit
être renversé par la violence et qui prône l’instauration d’une dictature
de transition ; lorsqu’on sait que l’ opposition a importé des
paramilitaires colombiens (dont une centaine à peine ont été capturés le 8
Mai dernier ), qui avaient pour mission de prendre d’assaut diverses
casernes et d’égorger le chef de l’état ; lorsqu’on a vu l’opposition
refuser le dialogue proposé par le chef de l’état au lendemain du
référendum, on comprend ce que l’on a heureusement évité, grâce au
résultat clair du scrutin du 15 Août.
Ce n’est pas Chavez qui a divisé le Venezuela. Ce sont ceux qui ont
contraint à la pauvreté 70% des habitants d’un pays immensément riche,
puisqu’il est le cinquième producteur de pétrole du monde. Une situation
tellement intenable qu’elle a éclaté de façon spontanée le 29 février 1989
– donc bien avant l’ère Chavez- lorsque ce peuple s’est soulevé contre les
mesures d’austérité recommandées par le FMI et appliquées aveuglément par
le président Carlos Andrés Perez. Celui-ci avait réprimé cette première
révolte d’un peuple contre les institutions financières internationales,
en décrétant l’état de siège, et en faisant assassiner entre 3.000 et
5.000 personnes. Ce n’est que plusieurs années plus tard que Hugo Chavez
est entré dans l’arène politique, et son principal mérite est d’avoir su
canaliser l’énergie de cette révolte en lui donner la forme d’un projet
politique.
Comme le disait le vice-président José-Vicente Rangel, « cette bourgeoisie
là est si irrationnelle qu’elle ne comprend pas qu’elle doit au président
Chavez que ces réformes là, qui sont inéluctables, se déroulent de façon
ordonnée et non violente ». Ce n’est que quand l’opposition acceptera que
" cet autre pays " - ces habitants des bidonvilles, ces métis, ces
Indiens, ces Noirs, ces paysans sans terre, ces pêcheurs artisanaux - ,
ont aussi le droit d’exister, que ce pays sera réconcilié.
Tout comme l’a fait l’Espagne qui s’est empressée de féliciter le
président Chavez pour sa victoire, la Belgique et l’Union européenne
devraient changer d’attitude vis-à-vis du Venezuela. Abandonner les
injonctions autoritaires et l’attitude faussement équilibrée entre une
opposition qui répudie la démocratie et un gouvernement qui l’approfondit
dans le plein respect des droits de l’homme et de la liberté d’expression.
Si nous voulons être cohérents avec les textes de base de notre politique
extérieure et de notre coopération au développement, il faut aider ce
gouvernement, ne fut-ce que politiquement.
(1) Le Collectif Venezuela 13 Avril a été fondé après le coup d’Etat de
2002 et s’efforce de diffuser des informations sur la situation au
Venezuela (courriel : venezuela13avril@collectifs.net)
(2) L’auteur de cette Carte blanche a organisé la visite d’une délégation
parlementaire pluraliste européenne à l’occasion du scrutin du 15 août.