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ANTICAPITALISME ET DEMOCRATIE (suite)

Publie le mardi 13 décembre 2005 par Open-Publishing
12 commentaires

de Patrick Braibant

La mise en ligne du texte de présentation de mon livre a suscité trop de réactions (plus de vingt en deux jours) pour que je puisse répondre individuellement à chacun(e). Très vite d’ailleurs les commentaires se sont éloignés de la critique ou de l’approbation de mes thèses pour prendre la forme d’une interrogation autour de la notion même d’anticapitalisme, sur ce qu’elle recouvrait sur sa pertinence, ou au contraire ses insuffisances.

Avec l’accord de l’équipe de Bellaciao, je voudrais essayer de prolonger, et plus encore de relancer, ce débat en posant trois questions qui permettront peut-être d’y voir plus clair donnant l’occasion aux visiteurs du site étant déjà intervenus de préciser leur pensée et aux autres de se joindre au débat.

Auparavant, une petite mise au point concernant ma position personnelle : certains ont cru voir dans mon livre une condamnation de l’anticapitalisme, un "haro sur l’anticapitalisme". Il n’en est rien. Relisez bien la fin du texte de présentation où j’indique que le livre "invite à une "redéfinition / réinvention de l’anticapitalisme".

De même, en consultant la table des matières, voit-on que ma Lettre 8 s’intitule "changer (l’) d’anticapitalisme". Ce que je critique ce n’est pas l’anticapitalisme en général, mais une de ses expressions que j’appelle "orthodoxie anticapitaliste" parce qu’elle est dominante, et dont je m’efforce de mettre à jour les insuffisances notamment en ce qu’elle passe complètement à côté de la contradiction structurelle qu’oppose le fait (et la visée) démocratique moderne aux logiques et rapports sociaux du capitalisme. Je me range donc bien sous la bannière "anticapitaliste" mais pas à n’importe quelle condition, ni sous n’importe quelle forme. L’anticapitalisme peut recevoir de multiples définitions quant à son statut, son contenu, ses visées. La mienne en est une parmi d’autres.

J’en viens maintenant à mon propos d’aujourd’hui : quand nous nous déclarons "anticapitalistes" que disons nous et que faisons nous ? En d’autres termes je souhaiterais que nous nous interrogions sur les tenants et les aboutissants cette auto-dénomination.

1) Premier point qu’il ne faut jamais perdre de vue et que, pourtant, l’on oublie trop souvent : l’emploi du terme "anticapitalisme" est récent. Il y a trente ou trente cinq ans personne, parmi les partisans de la transformation sociale, ne s’auto-désignait par ce vocable Je vous donne un exemple. La LCR en est, aujourd’hui, un des plus gros utilisateurs. Or, dans son programme de 1972 (plus de 100 pages !) "anticapitaliste" n’apparaît que deux fois. Une fois comme adjectif servant à qualifier les luttes des paysans contre l’industrie agro-alimentaire et une deuxième fois pour désigner celles des "mouvements régionalistes ... essentiellement petits bourgeois" (je cite) contre l’Etat centralisateur. [Je pourrai donner les références à ceux qui le souhaitent]
A cette époque quand on voulait transformer le monde on ne se disait donc pas "anticapitaliste" mais, au choix, "communiste", "libertaire" (ou anarchiste), "autogestionnaire", trotskyste, maoïste etc... On se définissait donc par un positif, par un "pour" : "pour le communisme", "pour l’autogestion", "pour une société sans état", "pour la pensée-mao", etc. Et on peut remonter beaucoup plus loin : que je sache, en 1848, Marx et Engels n’ont pas intitulé leur écrit commun le plus célèbre "Manifeste anticapitaliste", ils l’ont eux aussi désigné par un "positif" : Manifeste communiste c’est-à-dire Manifeste pour le communisme. Ils ne se sont pas positionnés en référence au monde ancien dont ils faisaient la critique mais en référence au monde nouveau qu’ils appelaient à construire.
"Anticapitalisme" n’exprime donc pas la teneur de la transformation que, les uns et les autres, nous voulons. Il ne désigne que ce contre quoi elle se fera. Je dis qu’il y a là matière à interrogation. Le capitalisme serait-il devenu si puissant que même quand nous pensons à en autre monde nous faisons encore référence à lui ? A moins que "anticapitalisme" soit le signe que, pour ce qui concerne cet "autre monde", nous soyons en plein brouillard...
Voici ma première question : que révèle la percée du vocable "anticapitalisme" ? Que révèle-t-elle de l’époque ? Que révèle-t-elle des projets, des visées, des espérances de ceux qui s’en réclament ? C’est-à-dire de nous-mêmes.

2) Ma deuxième question : au nom de quoi sommes-nous anticapitalistes ? Attention, je ne dis pas : pourquoi sommes-nous anticapitalistes ? Cela afin d’éviter les réponses du type : "je suis anticapitaliste parce que le capitalisme est mauvais, exploiteur, ravageur etc". Répondre cela c’est dire quelque chose sur le capitalisme mais pas sur les anticapitalistes.. Quand je demande "Au nom de quoi sommes nous anticapitalistes ?", je demande ceci : quelles "ressources" mobilisons-nous pour nous déclarer anticapitalistes.? Où allons chercher les raisons et les arguments qui nous permettent de nous déclarer anticapitalistes, de le faire avec une assez d’assurance pour que nous le vivions comme une prise de position politique valide, légitime et donc défendable dans l’espace public ?

3) Ma troisième question prolonge directement la précédente : qu’est-ce qui rend possible notre d’anticapitalisme ? Dans le type de société qui est le nôtre quelle est la ou quelles sont les condition(s) de possibilité de l’anticapitalisme ?. L’anticapitalisme est un fait social et pour lui comme pour tout autre fait social, on peut (et doit) se poser la question du "pourquoi" : pourquoi y-a-t-il de l’anticapitalisme dans nos sociétés ? Et on doit se la poser surtout quand on est anticapitaliste...
Pour éclairer mon propos sur ce point je vous soumets quatre citations d’"intellos" qui, chacun à leur manière, peuvent se reconnaître dans le vocable "anticapitaliste". Toutes emportent avec elles une réponse à la question qui nous occupe mais celle que propose la quatrième n’est pas du tout la même que celle des trois premières.

Les trois premières citations :
  Georges Labica, philosophe, auteur de nombreux travaux sur Marx dont un Dictionnaire du Marxisme : "Le communisme n’est qu’une tendance du capitalisme, une parmi d’autres - sociale-démocrate, libérale ou fasciste" [Démocratie et révolution, Le Temps des Cerises, 2002, pp. 88]
  Daniel Bensaïd, philosophe, et figure intellectuelle de la LCR : "Un au-delà du capital [...] se laisse entrevoir dans les contradictions logiques du capital lui-même" [Un monde à changer, Textuel, 2003 p. 24].
  Toni Negri, philosophe, un des penseurs de la gauche italienne radicale, enseigne à Paris. Deux de ses plus récents ouvrages, "Empire" et "Multitude", écrits en collaboration avec M. Hardt, ont eu un grand retentissement et ont suscité bien des controverses parmi les anticapitalistes : "la multitude [...] reconnaît [...] le temps de la révolution à l’intérieur des métamorphoses du mode de production" [A. Negri, Ainsi commença la chute de l’Empire in revue Multitudes n° 7, nov. 2001].

Vous voyez sans peine la réponse commune qu’apportent ces trois auteurs à ma question sur la condition de possibilité de l’anticapitalisme : l’anticapitalisme est possible parce que... le capitalisme en fournit lui-même la possibilité. Nous sommes anticapitalistes parce que le capitalisme le permet. Ce serait dans la prise de conscience que le capitalisme porte en lui son dépassement que nous irions puiser notre anticapitalisme. Une telle position a pour complément que la société est "mono-capitaliste". Il n’y a pas besoin de postuler un extérieur au capitalisme pour fonder une position anticapitaliste puisque la solution au capitalisme est apportée par le capitalisme lui-même.
J’aimerais que chacun essaye de dire, à partir sa propre expérience, si les choses lui semblent se passer ainsi. Vous voyez comme l’incarnation vivante d’une "tendance" du capitalisme ? vous voyez vous comme un produit des "contradictions logiques du capital lui-même" ? Vous voyez vous comme expression et mise en acte "révolutionnaires" des "métamorphoses du mode de production" ?

4ème citation :
Jacques Rancière, philosophe, d’abord disciple d’Althusser puis auteurs de nombreux travaux sur le mouvement ouvrier du 19ème siècle et sur la nature de démocratie et de la politique : "L’expérience militante ouvrière [...] apparaît comme une sorte de vérification de l’égalité. [...] L’égalité ne se fait jamais entendre qu’en traçant elle-même les lignes de son propre espace [...] l’égalité et la liberté sont des puissances qui s’engendrent et s’accroissent par leur espace propre" [Aux bords du politique, Gallimard folio-essais, 2004, p. 84 et 93].

La différence avec les auteurs précédents est évidente. Ici être "anticapitaliste" tire sa condition de possibilité d’un extérieur au capitalisme : l’égalité n’est pas donnée par ce dernier. Elle existe donc, en tant que fait social et en tant que visée, de manière autonome. Ce qui suppose que la société ne se réduit pas au seul capitalisme, qu’elle n’est pas "mono-capitaliste". Et plus en-core : selon cette interprétation la possibilité de remettre en cause le capitalisme réside précisément dans le fait que la société n’est pas mono-capitaliste.
Pensez-vous que votre anticapitalisme se nourrit plutôt de ce côté ? Qu’il puise à des sources qui ne peuvent en aucun manière être considérées comme des produits du capitalisme, mais comme des puissances indépendantes de lui, irréductibles à ses définitions de l’homme et du social ?

On voit très nettement se dessiner deux manières très différentes de fonder l’anticapitalisme, deux manières de définir ses conditions de possibilité. Je pense que là aussi il y a matière à débat. Soit que vous approuviez l’une des deux positions et contestiez l’autre, soit que vous pensiez que d’autres possibilités que ces deux-là existent.

Voilà, je laisse votre réflexion s’emparer de ces trois questions. Il est évidemment possible de ne répondre qu’à l’une d’entre elles. Mais répondre à chacune ne serait pas mal non plus dans la mesure où elles sont étroitement liées. Rien n’interdit, bien sûr, d’en poser d’autres. Et d’y répondre.

Messages

  • Claude d’Auvergne à P.B.
    j’avoue que voici un nouveau theme de reflexion, les liens (la il me manque un complément) entre le capitalisme et l’anti-capitamisme.

    Mais pour moi, il ressemble à celui qui relit le germe de blé au grain de blé (excuse mon simplisme) Le germe de blé fait part du grain mais si et quand les conditions seront favorable il germera et detruira le grain pour creer, a la finale d’autre grains a la fois semblables et différents de lui.
    Bon alors dans notre période historique il y a façe à façe deux ensembles de forces a la fois liées et contraire :
    a) l’humanité 6 liliard d’etre humains, qui désirent et s’epanouir.
    b) le capital dont la survie ne depend que de sa capacité a s’accumuler.
    alors l’humanité est façe a une alternetive
    a1) elle dans un délai court detruit le Capital et alors peut survivre quelques milenaires
    a2) elle ne détruit pas le Capital et alors celui-ci détruit toute possibilité de vivre pour elle-meme e alors le capital et l’humanité disparaisse ensemble.
    Le Capital est face a un dilemme :
    b1) il est détrit par l’humanité, il ne lui reste que qeulques temps à vivre.
    b2) l’humanité ne parvient pas a le détruire et c’est lui qui détruit l’humanité et il disparait en même temps.
    Il serait bon d’observer que pour la premiére fois de son histoire l’humanité à accumule assez d’armes pour s’autodétruire plusieures fois.

    Le grain de blé :
    le germe est le plus fort, la vie continue, le germe est le plus faible c’est la mort.
    Bien à toi Claude ?
    apres ecriture : bien sur le combat des idées est intégré dans le rapport de force.

  • Je m’excuse de demander pardon, même avec l’intervention ci-dessus mais... ça parle que d’anti...
    C’est quoi le capitalisme, pour vous tous ?

  • Ces échanges me font penser que le principal travers de l’anti-capitalisme est le verbiage hystérique. Si j’ai quelque chose à reprocher aux différents mouvements que je côtoie, et qui d’ailleurs ne se définissent pas eux-mêmes comme anti-capitalistes (ils ont une sorte de pudeur à franchir ce pas, de peur d’être taxés de "gauchistes" par DSK), c’est de continuellement faire du concept, et d’appeler à eux à tout bout de champ des auteurs dont les thèses leur servent de cache-col idéologique pour affronter les bourrasques libérales.

    C’est une attitude que je considère comme stérile, même si elle est très simulante sur un plan purement intellectuel. Sans compter que la mode ces derniers mois est de passer son temps à déboulonner les idoles qu’on a soi-même contribué à dresser, dans un tourbillon d’auto-flagellation tout à fait étonnant. Negri en a fait les frais récemment, ô combien (lynchage n’est pas un terme trop fort pour décrire le traitement auquel il a eu droit).

    Sur un plan purement pragmatique, je considère que les mouvements "anti" doivent cesser de se définir en réaction à chacune des outrances du capitalisme triomphant. Autrement dit, il est temps de développer des actions qui permettent de contourner l’obstacle, ou plutôt de l’ignorer (le commerce équitable me paraît être une voie à suivre).

    Se présenter comme anti-quelque chose présente à mon sens deux inconvénients majeurs :

     cela consiste à laisser l’adversaire choisir le "domaine de la lutte" ou le prochain sujet de débat. Lui laisser l’initiative pour se complaire dans une attitude défensive, et réagir constamment avec un métro de retard. Pas bon. Ne jamais se laisser définir par l’adversaire.

     corrolaire évident : comme on s’habitue à dire presque systématiquement le contraire de celui que l’on considère comme son adversaire, on "perd le fil" et le sens ultime. De plus, tactiquement, on ne pense pas assez à le "prendre au jeu" et à utiliser ses ressources pour le déstabiliser. Or il n’est plus nécessaire de faire l’apologie de l’effet haikido, ou comment il faut tenter d’utiliser la force de l’adversaire pour l’envoyer au tapis...

    Pour ma part, j’ai choisi de placer ma réflexion et mon action dans le cadre de la logique républicaine...

    Theoven

  • Et bien quel excercice...? Il y a tellement à dire sur ce sujet qu’il faudrait une bonne semaine de réflexion, bon, je me lance :

    1°QUE REVELE LA PERCEE DU VOCABLE ANTICAPITALISME : pour moi un non-sens car sa racine est capital et nous l’utilisons continuellement : nous donnons à la sécutité sociale, aux caisses de retraite, aux impots, aux associations, aux organismes divers.. .. ect qui capitalisent pour redistribution
    Nous pouvons aussi nous associer en amenant un capital pour ouvrir une entreprise en acceptant les risques.
    Donc, après réflexion, je ne peux pas etre anticapitaliste mais le mot non-accumulation me conviendrait.

    2° QUE REVELE-T- ELLE DE L’EPOQUE : le capitalisme pratiqué de nos jours est l’antithèse du communisme et après la chute du mur de Berlin et l’effondrement de l’idéologie communiste et en plus l’ouverture de la Chine au marché, je suis un peu paumée à trouver une idéologie alternative qui ne soit ni capitalisme d’état, ni capitalisme de Wall Street, et je crois que je ne suis pas la seule, de ce fait on met en remplacement de l’anti sur nos craintes et nos rejets à la recherche de cette fameuse alternative.

    3°QUE REVELE-T-ELLE DES PROJETS, VISEES ESPERANCES : en vrac :
    - durcir les lois anti-trust
    - revenir à une économie classique : offr et demande, loyauté des échanges
    - réactualiser que le capital est partage, redistribution des profits à la collectivité
    - remettre le capital à sa place dans les entreprises car bien utilisé, il peut etre progrès, socialisation et non vampirisme.

    N’étant pas anticapitaliste je me dispense des deux autre questions mais promis je vais y réfléchir à tete reposée

    Nicole

  • Je dissocie toujours le capitalisme du libéralisme. Je suis antilibéral, car le libéralisme est un discours une idéologie que l’on peut combattre à armes égales par la parole simplement. Le libéralisme est une espèce de fable au sercice du profit d’une minorité, son rôle étant de justifier.
    Je ne m’exprime pas en tant que anticapitaliste. Le capitalisme étant un fait, un système qui a été amené par une évolution dans différents domaines, il est très complexe à définir pour moi. Historiquement il est le produit de la révolution industrielle, des techniques de production etc, jusqu’à sa mutation actuelle en multinationales et financiarisation.
    Il est objet construit à la fois par la réalité et par l’analyse, dont celle de Marx.
    Le combat contre le capitalisme est celui contre l’injustice qu’il représente, qu’il génère, par sa logique même.
    Le capitalisme programme-t-il sa propre fin sans intervention extérieure ? ce que je pense c’est que chaque homme est doué de raison et participe au débat démocratique actuellement il est important de ne laisser aucune part de son pouvoir, de sa souveraineté à des cercles occultes puissants financièrement. Si on continue à se laisser faire on sera broyé, parceque contre nous je vois à l’oeuvre une volonté organisée et rationelle dans son délire, qui semble avoir pour but de tout contrôler, de tout plier à ses intérêts, au mépris de l’humanité, contre elle. Dire qu’en lui le capitalisme a sa propre fin inscrite, inéluctable, n’a pas de valeur pour moi.
    Ce qui compte c’est le combat permanent contre toutes les injustices et tous ses mensonges et fables qui servent à les justifier

  • Tu dis 2 choses
    1 / Ce serait dans la prise de conscience que le capitalisme porte en lui son dépassement
    2 / Nous sommes anticapitalistes parce que le capitalisme le permet
    D’accord pour la première idée, le féodalisme développa en son sein la classe bourgeoise qui
    le remplaça à la direction économique et sociale de la société. Vint le capitalisme.
    Le capitalisme ne permet pas que l’on soit anticapitaliste ( les guerres passées l’attestent
    L’antisyndicalisme actuel aussi, la politique de bush anticastriste antibolivariste l’atteste
    L’éviction du pcf des médias l’atteste etc )
    Actuellement le capitalisme développe en son sein quantitativement et qualitativement la classe
    des salariés et cette dernière est de plus en plus apte à s’émanciper de l’exploitation dont elle est l’objet, à se libérée de la domination qui s’exerce sur elle.
    Si sarkozy veut plus de flics, veut inscrire le libéralisme dans la constitution c’est bien pour criminaliser l’alternative que cherche et définissent peut à peu les altersmondialistes les antilibéraux de gauche les anticapitalistes de gauche. Alors comment la nommer cette alternative ?
    Et pourquoi la nommer d’ailleurs ? L’important n’est il pas dans la conscience de ce mouvement qui abolit l’ordre économique et social actuel, dans la conscience d’être de ce mouvement.
    redcook

  • Quand je vois des questions, j’y répond sans me contenter de vérifier si un philosophe est d’accord avec moi.
    La somme des textes concernant le sujet est tellement importante qu’on pourrait en déduire tout et son contraire.

    Le terme "ANTI" est actuellement considéré comme nocif.
    C’est peut-être justement un problème à considérer.
    La "Positive Attitude" est peut-être un signe de bonne santé mentale, mais elle ne permet pas d’avoir raison tout le temps.

    Donc je répond aux questions de manière peremptoire et négativement.

    Question 1 :
    Elle révèle un rejet massif du monde tel qu’il est montré.
    C’est mon point de vue. C’est aussi la raison pour laquelle j’aime bien les médias "alternatifs".
    Je me considère comme anti-capitaliste car il n’est pas possible de ne pas entendre le cours de la bourse, que cela soit à la radio ou à la télé, au cours d’une journée.
    C’est une réaction de rejet.
    Effectivement, il n’y a pas de terme positif. Je ne pense pas qu’on puisse être alter-capitaliste dans ce cas.

    Question 2 :
    Je suis anti-capitaliste au nom de mon expérience personnelle.
    Je n’ai pas fait de politique avant d’être confronté à une certaine réalité : la mutation des médias.
    Mon avis est que l’avantage des pro-capitalites est beaucoup trop important actuellement pour se contenter de dire "je voudrais autre chose" ou "c’est autre chose qu’il faudrait".
    Donc le terme "anti", c’est au nom du sentiment que la seule solution c’est de s’opposer, car les alternatives sont nulles d’un point de vue concret, et qu’à court terme on ne voit pas d’issue.
    Exemple concret : le livre "No Logo" , vendu à Carrefour. Cela imprime dans notre esprit que de toute façon tout se résume à un article à vendre, et donc à des dividendes pour les actionnaires.
    Je ne parle pas de réalité, de vérité, mais d’impressions, de sentiments.

    Question 3 :
    La je suis moins sûr de moi. Mais pour diminuer la certitude que seul ce qui est rentable est réaliste, on peut éventuellement produire gratuitement du travail pour contredire cette assertion.
    C’est je pense l’idée majeure : on commence par prouver que le travail n’est pas équivalent à un gain boursier, et ensuite on peut convaincre qu’il peut être une source de satisfaction personnelle. Mais cela n’est vrai que si ce qui est produit n’est pas récupérable pas une société anonyme.

    Je pense que ces réponses seront considérées comme trop "ANTI", mais c’est justement à cela que j’aimerais que vous réflechissiez.

    Mais cela dit , votre article est positif.

    jyd.

    • Patrick Braibant.

      Merci à tou(te)s celles et ceux qui ont déjà répondu à mon "questionnaire" et qui l’on fait par des textes copieux et argumentés. Vous trouverz ci-dessous un petit mot pour chacun(e).

      Vos réponses m’amènent à vous demander de préciser votre pensée quant au 2ème et 3ème points de mon "questionnnaire" :
      - Au nom de quoi sommes nous anticapitalistes ? Quels arguments et quelles raisons mobilisons nous quand nous critiquons le capitalisme ?
      - Qu’est-ce qui rend possible cette critique ? Y -at-il dans l’architecture de nos sociétés des éléments qui non seulement ne relèvent pas du capitalisme mais encore en sont la négation même. Eléments à partir desquels peut se développer une critique en pensée et en actes du capitalisme.

      A Claude d’Auvergne

      Dans la première partie de ta réponse tu sembles te rallier à la position des trois auteurs (Labica, Hardt-Negri, BensaÏd) pour qui le capitalisme produit lui-même les conditions de sa propre disparition. Le "grain" capitaliste, dis-tu, engendre le "germe" anticapitaliste qui, à son tour, va nécessairement détruire le "grain" capitaliste. Il y aurait donc une certitude de la disparition du capitalisme.

      Mais il me semble que la deuxième partie de ta réponse dit autre chose puisque, cette fois, tu te places dans le schéma de l’alternative (ou bien.... ou bien). Tu envisages que le "germe" anticapitaliste puisse ne pas détruire le capitalisme. Dans ce cas l’image du grain et du germe ne fontionne plus. Il n’y a plus de certitude. Le capitalisme ne produit pas lui-même la force qui va le renverser.

      Si c’est bien cette deuxième version qui exprime ton opinion, il faudrait que tu reprennes le deuxième point du questionnaire : à partir de quoi se nourrit la posibilité d’une alternative ? Et j’ajouterai : Y-a-t-il dans la société telle qu’elle est aujourd’hui des "points d’appui" à partir desquels on peut remettre en cause le capitalisme ?

      A 194.***41*

      "Qu’est-ce que le capitalisme ?". Immense et passionnante question mais... qui n’est pas le sujet de cette de discussion. Rien ne t’empêche de créer une rubrique sur le site pour nous proposer ta définition. Chacun pourra ensuite donner son avis.

      A Theoven

      Pour toi les choses sont claires "l’anti-" ne peut pas constituer à lui seul une politique et il est nécessaire de proposer une alternative. Se limiter à l’anti-, c’est risquer de rester prisonnier du terrain de l’adversaire. En une formule frappante tu proclames un mot d’ordre qui, à tes yeux, devrait guider tout projet de transformation conséquent : "Ne jamais se laisser définir par l’adversaire". Tu revendiques l’autonomie absolue de la critique du capitalisme par rapport à ce dernier. Elle ne peut naître qu’en dehors de son espace et il ne peut pas en créer lui-même les conditions. Dès lors, tu sous-entends implicitement l’existence d’éléments non capitalisltes dans l’architecture sociale. Je te poses donc la même question qu’ à Claude d’Auvergne : Dans la société actuelle quels sont ces "point d’appui" ("non-capitalistes") à partir desquels on peut critiquer le capitalisme ? Tu esquisses un début de réponse en te référant à une "logique républicaine". Peux-tu préciser ce que tu entends par là et nous dire en quoi cette "logique républicaine" contredit la "logique capitaliste" ?

      A Nicole,

      Tu ne te définis pas comme anti-capitaliste. Ton mérite est d’autant plus grand d’avoir fait l’effort de répondre à un "questionnaire" qui s’adresse surtout aux anticapitalistes.
      Si je comprends bien ton 2°), le succès récent du terme "anticapitalisme" serait lié au brouillard dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui quant aux perspectives de transfomation sociale. Mais le brouillard n’est jamais absolu. On dispose toujours plus ou moins d’une "boussole" pour se diriger. Pourrais-tu nous dire qu’elle est ta "bousole" personnelle, celle qui soutient les propositions que tu fais dans le 3°) ?

      A redcook

      Tu m’attribues l’affirmation suivante : "Nous sommes anticapitalistes parce que le capitalisme le permet." Attention ! Ce n’est pas du tout moi qui dit cela. Relis bien mon texte. Cette affirmation je la présente comme la conséquence nécessaire de la thèse des trois auteurs que je cite et selon qui les conditions du renversement du capitalisme sont produites par le capitalisme lui même. Autrement dit, pour ces auteurs, l’anticapitalisme n’est pensable et possible qu’à partir de cette auto-négation de lui-même que porterait en lui le capitalisme. Pour G. Labica l’anticapitalisme est possible uniquelment parce que le communisme est une des "tendances" du capitalisme. Pour D. Bensaîd, uniquement pace que "les contradictions logiques du capital" conduiront nécessairement ce dernier à sa perte. Pour A. Negri, uniquement parce que les "métamorphoses du mode de production" portent nécessairement en elles "le temps de la révolution". Pour ces trois-là c’est bien le capitalisme qui "permet" ( = qui produit la possibilité de) l’anticapitalisme.

      Je suis entièrement d’accord avec toi : le capitalisme n’autorise rien du tout ! Et c’est pourquoi, à mon sens la possibilité de le critiquer ne peut se situer que de son espace. Cette critique doit trouver sa possibilité dans des rapports sociaux, des significations qui échappent à l’emprise du capitalisme. Il faudrait que tu nous dise, d’où selon toi, vient la possibilité de ce "mouvement qui abolit l’ordre économique et social actuel" dont tu parles à la fin de ta réponse. D’où ce mouvement tire-t-il ses arguments et ses raisons pour critiquer le capitalisme en vue de "l’abolir" ?

      A jyd

      "Le terme "ANTI" est actuellement considéré comme nocif.", dis-tu au début de ta réponse.
      En ce qui me concerne je ne le considère pas du tout "anticapitalisme" comme "nocif" mais comme insuffisant car ce vocable ne dit jamais au nom de quoi et en vue de quoi l’on critique et combat le capitalisme.
      La suite de ta réponse montre, me semble t-il, que pour toi, le terme "anticapitalisme " est vraiment un enfant de notre époque. D’une part, il désigne une attitude défensive/résistante face à l’offensive dite "néo-libérale" : dans ce contexte, se dire "anticapitaliste" c’est montrer sa volonté de s’opposer à ce que le monde devienne encore plus capitaliste ou "néolibéral".
      D’autre part, il exprime le fait qu’aujourd’hui on n’a pas (ou plus) d’alternative fiable et "qu’à court terme on ne voit pas d’issue" (je te cite).
      Je suis tout à fait d’accord avec toi : je pense qu’une des raison du succès du terme "anticapitalisme" est bien lié à la situation de recul et de brouillard dans laquelle nous vivons depuis au moins 20 ans.
      Mais j’en reviens à mon questionnaire : quelles sont, dans la société telle qu’elle est devenue, les éléments qui rendent encore possible une attitude et une pratique de résistance, même si, pour toi, l’espoir d’une alternative est pour l’instant absent ?

      Merci à tou(te)s et bien cordialement,
      P. B.

    • Je m’aperçois que la réponse à l’un de mes interlocuteurs (83.***.168.*** message du 13/12 à 18 h 39) ne figure pas dans mon texte de cet après midi (ci-dessus). J’ai du faire une erreur de manipulation). Voici cette réponse :

      A 83.***.168.***

      La deuxième partie de ton texte réfute avec force la thèse d’un capitalisme produisant lui-même les conditions de son propre renversement et celles d’une société émancipée. Et tu esquisses très clairement l’idée de formes démocratiques portant la contradiction au fait capitaliste, constituant notamment un môle de résistance à son offensive actuelle. En élargissant le propos, l’idée d’un couple antagonique démocratie / capitalisme structurant la société présente te paraît-elle plausible ? Sachant, d’une part, que le fait démocratique y possède une puissance infiniment "restreinte" en regard de celle, hégémonique, du fait capitaliste. Mais sachant aussi, d’autre part, que les combats des deux derniers siècles lui ont conquis un "territoire" social non négligeable dont les principales composantes sont le principe de souveraineté du peuple, le suffrage universel, les libertés publiques et encore le principe d’universalité (en partie réalisé mais toujours menacé) de la protection sociale et de l’instruction, les logiques de service public etc.
      Dans une perspective de transformation sociale ne pourrait-on pas envisager un projet / combat politique visant à intégrer un nombre toujours plus grand d’espaces sociaux à ce "territoire de la démocratie" ? Combat dont la finalité démocratique exigerait des moyens anticapitalistes. Chaque avancée du fait démocratique supposant un recul de l’emprise du fait capitaliste sur le complexe social. Par là même se trouverait redéfinis la signification et le statut de l’anticapitalisme : non plus simple posture défensive, non plus fin en soi, mais dimension interne d’un projet de transformation démocratique de la société.

      Cordialement,
      P. Braibant

    • Salut.
      je réponds à çà :
      ""Qu’est-ce que le capitalisme ?". Immense et passionnante question mais... qui n’est pas le sujet de cette discussion."

      Ben c’est le problème... Ca confirme le livre "invite à une "redéfinition / réinvention de l’anticapitalisme"" ?
      Alors passer le plus clair de son argumentaire à dire que les anti sont définis négativement et revendiquer éluder l’objet positif, c’est fortement non-constructif aussi, voire même un peu... vain ?

      Pardon, mais ton bouquin m’attire pas folichon. Dans le genre (très différent mais avec un point commun) le gros pavé de Fabra, l’anti-capitalisme patati..., croyait peut-être réinventer la roue, ça a du convaincre 2,6 personnes dont l’auteur, mais ça ne passe pas la rampe du temps.

      Contrairement à Marx dont les écrits pour l’heure reprennent une valeur enthousiasmante et constituent une grille de lecture de ce qui se passe propre à éveiller bien des consciences.
      Voyez les attaques HP et Bosch contre les 35 heures, c’est l’occasion de reparler avec force de l’extorsion de la plus-value (absolue)...

      Raymond Aron, en 63 le disait déjà : "il est incontestable que l’analyse, à partir de la théorie de la plus-value, permet d’éclairer de nombreux aspects de l’histoire économique moderne".

      Plus que jamais vrai Raymond !

      Courage à tous !
      Jean-Michel

  • Je réponds pour ce qui me concerne
    J’ai travaillé cette question des rapports sociaux de leurs caractéristiques
    et d’autres choses encore dans les écoles du pcf, mais aussi en réunion de cellule et surtout
    en lisant K.marx, gramci, L.Seve, le plus important dans tout cele le militantisme
    merci à toi de nous faire réfléchir
    redcook réponse à patrick braibant

  • Il me semble que le problème actuel est plutôt de compter les forces de gauche que de les diviser. Je crains vraiment qu’il soit stérile de s’opposer sur des termes ("anticapitalisme" en est le meilleur exemple) qui n’ont au contraire pour but que de trouver le terrain commun de toutes les aspirations au dépassement d’un système que nous ressentons dans notre chair comme injuste, violent et qui plus est hypocrite : le capitalisme actuel. Si on parle d’anticapitalisme et non plus de communisme, de trotskisme ou d’anarchisme c’est que ces modèles sont rattachés à des expériences historiques qui ont plus ou moins échouées ou qui en tous les cas n’ont plus aucune réalité concrète . L’avenir reste à inventer. Nul ne sait au juste (à part des militants professionels, des philosophes ou autres visionnaires) quelle forme d’organisation sociale peut réellement advenir , nul ne sait quelle tolérance peut avoir par exemple le capitalisme à de nouvelles exigences en terme de répartition de la richesse et du pouvoir. Ce que l’on sait c’est que le système sous sa forme actuelle et tel qu’il est légitimé par les classes dirigeantes est injuste et dépassable. Il est si simple de voir ce qui nous réunit par millions : l’exigence d’égalité et de coopération dans la production et la vie sociale, le refus de la concentration des richesses et du pouvoir et aujourd’hui plus que jamais l’idéal démocratique. C’est ça qu’il faut mettre dans la balance et affirmer avec détermination, colère et s’il le faut violence.Tout le reste est prématuré.

    Jean