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AXIOM, rap militant

Publie le mercredi 1er novembre 2006 par Open-Publishing
2 commentaires

Axiom

Entretien réalisé par Jérôme-Alexandre Nielsberg

Entretien . Le rappeur a réagi en citoyen aux propos infamants de Nicolas Sarkozy et de certains parlementaires à l’encontre du rap et des jeunes des quartiers populaires.

Vous avez déjà publié deux albums et en préparez un troisième. Comment vous êtes-vous intéressé à ce genre musical ?

Axiom. Je suis arrivé au rap comme un énarque arrive à la présidence : naturellement. Dans la cité que j’habitais, j’écoutais de la funk et de la soul. Ce sont ces styles musicaux qui ont bercé mon enfance. Cela dit, j’ai souvenir d’avoir aussi entendu de la musique arabe et quelques morceaux de Brel et de Brassens, que mes parents écoutaient grâce au poste à cassettes. C’est clair, on écoutait rarement Mozart, mais il y a des génies dans tout genre de musique !

Après le smurf, j’ai commencé à écrire en rimes. Je devais avoir une douzaine d’années. Ensuite, j’ai composé à partir d’échantillons de musique divers que je collectais comme je pouvais puisque nous n’avions pas les moyens financiers d’acheter beaucoup de disques ni de cassettes. Mais attention, loin de moi toute idée de plainte : je garde un bon souvenir de cette époque.

Et puis mon rap en est, en quelque sorte, le produit.

Comment avez-vous réagi à l’interpellation récente du garde des Sceaux par 152 députés et 49 sénateurs qui réclament des poursuites contre sept groupes de rap au prétexte de la violence de leurs paroles ?

Axiom. À vrai dire, je n’ai pas été étonné plus que cela. De dérapages sémantiques en actes diffamatoires et antirépublicains, ce gouvernement avait depuis un certain temps fait preuve de sa manière d’agir et de parler. D’ailleurs, nous ne sommes certainement pas au bout de nos peines ! Les propos tenus par le ministre de l’Intérieur (ses fameux « coup de Karcher » et « racaille ») ne sont pas moins injurieux que ceux de notre président de la République, Jacques Chirac, il y a quelques années concernant le "bruit et l’odeur" de certains de nos concitoyens.

Que des députés et sénateurs proches de la sensibilité politique actuelle du gouvernement s’attaquent aux rappeurs et aux homosexuels ou aux chômeurs, ce n’est donc pour moi qu’une suite, abjecte certes, mais logique d’un processus politique à considérer dans le temps long de l’histoire française. Vous savez, le fascisme n’est pas une maladie qui crie son arrivée, elle s’installe insidieusement dans le décor, pour petit à petit ronger la tête...

Les parlementaires qui se sont inscrits dans cette démarche ont argué du fait que l’outrance des textes de rap incriminés était à l’origine de l’explosion de violence qu’ont connue beaucoup de quartiers populaires à la fin de l’automne. Le rap a-t-il une influence sur la façon dont son public perçoit la société, d’après vous ?

Axiom. Les déclencheurs des explosions de violence qu’ont connues les métropoles françaises en novembre sont dans l’ordre : la misère sociale, les violences policières et les propos de M. Sarkozy. L’argumentaire employé pour justifier la condamnation des rappeurs est totalement mensonger.

Les parlementaires qui s’en sont servis sont tout à la fois des rhéteurs qui jettent de la poudre aux yeux et des marchands de sommeil qui veulent nous endormir. Tantôt les responsables désignés des émeutes ont été les « islamistes », tantôt les dealers, tantôt encore des « méchants » qui « profitent » du RMI, enfin ce furent les rappeurs. Bientôt on nous annoncera que le problème est venu de tous les handicapés qui « pompent » le fric de la Sécurité sociale. Ce discours ne vous rappelle rien ? Nous avons affaire à de dangereux individus. Ils n’ont aucun scrupule à contribuer à la propagation des idées de l’extrême droite.

Je ne nierai pas la violence de certains écrits de rappeurs mais comment en juger sinon en la comparant à la violence qui s’exprime dans d’autres formes d’art : au cinéma, en littérature, voire même dans l’hymne de la République française. La liberté d’expression est un droit sacré, pour lequel des gens se sont battus au risque, et parfois au prix, de leur vie.

Et aujourd’hui, dans le pays des droits de l’homme, nous en sommes encore à devoir le défendre.

Suite aux événements de novembre et à l’offensive des parlementaires contre le rap, vous avez écrit et mis en musique une Lettre au président de la République. « Citoyens de seconde zone, de la naissance à l’école / [...] /

Mais moi aussi je crois en la démocratie de France / Je crois en la république, la vraie / Car c’est le rêve du peuple et des opprimés » : vous n’y allez pas par quatre chemins...

Axiom. Je pense, et tous les jours de plus en plus, que nous avons affaire, à droite comme à gauche, à des personnes qui ne savent plus ce que veut dire « république » ! Or l’idée républicaine est aux gens d’en bas ce que la ploutocratie est aux gens d’en haut : un idéal politique. Cela peut paraître caricatural mais l’enjeu est bien là. La république appartient au peuple. Et la démocratie en découle. Or, de nos jours, en France, la tentation d’abattre, par des lois sécuritaires dignes d’une dictature, tout l’édifice républicain et démocratique que le peuple a mis en place à la fin du XVIIIe et tout le long du XIXe siècle, est omniprésente. En tant qu’artiste dois-je répondre à ce que je considère comme un grave danger en écrivant et composant des pastorales ? Je ne crois pas. Si, comme vous dites, je n’y vais pas par « quatre chemins », c’est que la situation exige d’appeler un chat un chat.

Votre texte se situe plus au niveau de la critique politique que d’une critique sociale. Ce n’est pas courant chez les rappeurs.

Axiom. C’est vrai, même si la crique sociale est présente, je ne me suis pas focalisé sur ce point car, outre le constat d’échec, je considère que la Ve République n’est plus en mesure de représenter les attentes populaires ! Il y a une crise de régime, c’est un fait. Le mandat de cinq ans ne permet pas de mener à bien les projets politiques, le système électoral de la proportionnelle donne voix aux extrémistes de droite, le vote blanc n’est pas comptabilisé et les jeunes Français issus de l’immigration ou des milieux populaires ont l’impression de n’être pas écoutés : les élus de tout bord continuent de vouloir imposer leur direction comme s’ils étaient les bergers et nous les moutons !

Le contrat social n’est plus respecté. Autant dire que le pacte républicain scellé dans la Ve République est devenu caduc. C’est de cette crise de régime que découle la crise sociale !

Si vous avez rendu publique votre Lettre, vous l’avez tout de même envoyée à l’Élysée. Avez-vous eu des retours ?

Axiom. J’ai reçu une réponse de la présidence, mais de qui à la présidence, c’est difficile à dire. Elle est signée, mais la signature est scannée. J’attendais, même si le ton en est très respectueux, une réponse plus personnelle et surtout qui se serait saisie de l’opportunité de dialoguer avec une jeunesse en attente d’alternatives et de reconnaissance. Je l’ai tout de même mise en ligne sur mon site. Lisez-la vous-même et tirez-en vos propres conclusions. Parallèlement, j’ai reçu beaucoup de lettres de soutien via Internet. Des gens de partout, y compris de la communauté française et francophone de l’étranger, qui m’ont fait part de leurs inquiétudes, avis ou questions.

Un mouvement est en train de naître avec de nouvelles idées. J’en suis convaincu.

Les jeunes ont pris conscience de l’importance du vote mais aussi de la nécessité de nous organiser. Différentes villes en France ont vu naître des mouvements, des rassemblements dans les quartiers populaires, des policiers les ont rejoints car eux aussi sont exposés.

Mais pour l’heure, je suis préoccupé par la situation de ceux qui ont été condamnés suite aux émeutes. Il faut leur apporter du soutien ainsi qu’aux personnes dont les voitures ont brûlé. Parce que, finalement, ils sont tous victimes des mêmes maux.

Malgré les critiques qui lui ont été adressées, Nicolas Sarkozy persiste et signe...

Axiom. J’ai juste envie de lui rappeler ce que l’on dit chez nous, dans la France d’en bas : « À fricoter avec l’immonde, on finit par lui ressembler. »

Albums disponibles chez Kafard production. Site Internet :

www.axiomfirst.com

http://www.humanite.presse.fr/journ...

Messages

  • épatant ce petit gars qui IRA TRES TRES LOIN...........

    razibus zouzou

  • Bonjour, tombé sur Axiom par hazard, puis sur cet article je dois dire qu’il est très intéressant, d’autant que pour l’instant il n’y a pas eu dans le mouvement rap un ou des représentants de beurs de France, en effet shuriken akhenaton kool shen joey starr et chez les filles Diam’s et keny arkana pour les plus connus, je trouve d’ailleurs qu’il serait intéressant de savoir comment les beurs de France n’ont pas occupé une place importante dans les figures emblématiques du rap français. Etant donné que iam et ntm ont axé leur environnement textuel sur la cité et la zone entre autre (même s’ils ont parlé d’autre choses aussi), et on sait tous que en majorité en France les cités sont en pourcentage plus peuplées de maghrébins que d’antillais de portugais d’italiens... Alors voila, imaginez qu’aux états unis il n’y ait aucun black dans le haut du rap !!!! ce serait étrange, et bien en France c’est ce qu’il s’est passé, donc content qu’un rap réfléchi émane de Axiom, en espérant qu’il trouvera écho, moi aussi je suis un rappeur et slameur d’origine algérienne.

    Vous pouvez voir mes compos et mes propos sur www.amazic.fr ou www.myspace.com/amazic