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Aciérie de Gênes. Mohamed, nettoyeur marocain, tombe d’une passerelle
Publie le vendredi 1er octobre 2004 par Open-Publishing
A l’Ilva la mort en sous-traitance
De MANUELA CARTOSIO
Né à Casablanca, 48 ans, marié avec quatre enfants à charge, « en règle » depuis
2000, Mohamed Machou est mort hier à l’Ilva de Cornigliano. Il est tombé d’une
passerelle sur laquelle il était en train de faire des travaux de nettoyage.
Un vol de 7 mètres, dans l’atelier d’aciérie à coulée continue. L’enquête va établir
si et comment la passerelle était protégée. Il est certain que l’ouvrier, tandis
qu’il laissait glisser jusqu’à terre le bidon contenant la poussière ramassée,
n’était pas « harnaché ».
La ceinture de sécurité aurait arrêté la chute. Ceux qui travaillent sur des échafaudages et des passerelles devraient toujours la porter. Il faudra que quelqu’un explique pourquoi Mohamed ne la portait pas. L’accident d’hier à l’Ilva fait monter jusqu’à 12 le nombre d’accidents de travail mortels à Gênes depuis le début de l’année. Et il confirme les statistiques de ces dernières années : les victimes d’accidents du travail sont beaucoup plus nombreuses chez les immigrés que chez les travailleurs italiens.
L’année dernière 157 travailleurs extracommunautaires sont morts à l’occasion d’accidents du travail. Le pourcentage sur le total des décès a dépassé 11%, en nette augmentation par rapport aux 8%, déjà élevés, de 2002. Toujours en 2003, il y a eu 107 000 accidents du travail concernant les immigrés . Si parmi les Italiens l’incidence des accidents a été de 44 sur mille, parmi les étrangers elle a été de 57 sur mille. Pour expliquer ces chiffres il n’est pas nécessaire d’avoir un esprit particulièrement aigu.
Les travailleurs extracommunautaires font les métiers les plus dangereux (bâtiment, transports, agriculture, sidérurgie), il changent d’emploi plus fréquemment, il font des roulements plus longs, ils sont surtout recrutés par de petites entreprises ou par des coopératives qui, pour remporter les contrats de sous-traitance avec un rabais maximum, lésinent sur tout.
Avant tout, sur la sécurité. Dans des entreprises qui ne donnent même pas le casque ou les chaussures renforcées à leurs employés, le mot « formation » n’est pas de mise. Que l’on ajoute les difficultés linguistiques, l’obligation d’accepter n’importe quelles conditions de travail pour ne pas perdre le permis de séjour et l’ on comprendra pourquoi les immigrés « se font plus mal » que les Italiens.
Mohamed était employé par la Sepi, une entreprise artisanale chargée de nettoyage industriel à l’Ilva de Cornigliano. Il faisait ce travail depuis 2000. En règle, parce que - dit Antonio Caminito de la Fiom génoise - « aux moins sur les documents, l’Ilva les fait, les contrôles ». Mais sur tout le reste, sur comment oeuvrent vraiment les environ 300 travailleurs des entreprises de sous-traitance, il n’y a pas de contrôles.
Il y a plutôt des co-responsabilités, parce que « si moi, entreprise, j’exploite au maximum les entreprises sous traitantes, il est évident que celles-ci se récupèrent sur le dos de leurs employés ». Après la mort de Mohamed, l’aciérie s’est arrêtée. Les 2 800 salariés de l’Ilva ont fait 24 heures de grève. Aujourd’hui, encore deux heures de grève, avec une manifestation, de tous les métallurgistes génois.
A l’Ilva de Cornigliano (qui fut récemment au centre d’une confrontation dramatique entre environnement et travail, entre riverains et ouvriers) le dernier accident grave remonte à février dernier : 4 ouvriers brûlés pour la panne d’une trémie d’un haut fourneau.
Non loin de Cornigliano, à l’Alenia Marconi Systems de Sestri Ponente, a eu lieu hier un autre accident, non mortel mais toutefois grave. Deux entreprises « de première importance », souligne le secrétaire national de la Fiom Gianni Rinaldini. Des dynamiques différentes, mais en amont la même cause : « La recherche d’une plus grande productivité par une politique insensée de réduction des coûts ».
Dans la sidérurgie il faut ouvrir « une négociation immédiate sur la sécurité concernant l’ensemble des activités qui se déroulent autour des établissements ». Au moins sur le thème de la sécurité, les syndicats des métallurgistes parlent la même langue. Le secrétaire de la Fim Giorgio Caprioli pointe du doigt les entreprises de sous-traitance, le lien « inacceptable » entre précarité et accidents : « Il faut stopper la tendance des entreprises à décharger sur les plus faibles les coûts de la compétition ».
Le gouvernement, de son côté, a déjà transformé les inspecteurs du travail, si peu nombreux, de contrôleurs en consultants des entreprises. Et il veut bouleverser la loi 626.
Il Manifesto
Traduit de l’italien par Karl et Rosa - Bellaciao