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Affaire des fadettes du "Monde" : Courroye a bien violé le secret des sources

par Paris

Publie le mardi 6 décembre 2011 par Paris - Open-Publishing

Philippe Courroye a bien enfreint la loi sur la protection des sources des journalistes, a estimé mardi 6 décembre la Cour de cassation. La juridiction suprême a ainsi confirmé l’annulation de la procédure ouverte par le procureur de Nanterre dans l’affaire Bettencourt afin d’identifier les auteurs de fuites.

"L’atteinte portée au secret des sources des journalistes n’était pas justifiée par l’existence d’un impératif prépondérant d’intérêt public et la mesure n’était pas strictement nécessaire et proportionnée au but légitime poursuivi", a considéré la Cour de cassation, dans un arrêt où elle a rejeté un pourvoi formé par Liliane Bettencourt.

Cet arrêt justifie selon le porte-parole du Parti socialiste, Benoît Hamon, que le président Nicolas Sarkozy "s’explique". "Il est démontré que ce pouvoir ne s’embarrasse pas de la loi ou du respect de la loi quand il s’agit de ses intérêts", a déclaré M. Hamon sur Public Sénat/AFP/La Preuve par trois. "M. Guéant peut jouer le rôle de fusible. Mais je ne crois pas qu’un directeur général de la police nationale agisse de sa propre initiative sur des affaires aussi graves que celle-là sans l’aval politique, surtout pas sous Nicolas Sarkozy", a assuré le porte-parole du PS.

"RÉQUISITIONS" POUR IDENTIFIER LES SOURCES

En pleine affaire Bettencourt, le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, avait adressé aux enquêteurs "des réquisitions" afin d’identifier les sources de certains journalistes, après des fuites dans Le Monde au sujet d’une perquisition ordonnée par la juge Isabelle Prévost-Desprez. Il avait notamment demandé en septembre 2010 l’examen des factures détaillées ("fadettes") correspondant aux téléphones de deux journalistes du Monde : Gérard Davet et Jacques Follorou.

Dans la foulée, le procureur de Versailles, sur demande de Philippe Courroye, avait ouvert une information pour "violation du secret professionnel", avec dans le viseur la juge Prévost-Desprez. En novembre 2010, l’enquête était dépaysée à Bordeaux avec tout le reste du dossier Bettencourt.

>> Lire l’Enquête sur les méthodes du procureur Courroye

>> Lire le décryptage "Comment la police a fait parler les "fadettes" du Monde"

PAS D’IMPÉRATIF D’INTÉRÊT PUBLIC

En janvier 2011, les juges bordelais ont saisi la chambre de l’instruction de Bordeaux sur la régularité des "réquisitions" adressées aux opérateurs téléphoniques pour qu’ils fournissent des factures détaillées. A leurs yeux, ces "réquisitions" étaient en effet contraires à la loi du 4 janvier 2010 qui prévoit qu’"il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources que si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi".

Le 5 mai 2011, la cour d’appel de Bordeaux avait jugé que les deux conditions posées par la loi n’étaient pas remplies et a annulé les procès-verbaux qui ont découlé des "réquisitions" de Philippe Courroye. Liliane Bettencourt s’était alors pourvue en cassation.

Lors de l’audience du 22 novembre, l’avocat général Yves Charpenel avait rappelé que la loi de janvier 2010 "a clairement voulu renforcer la protection des sources des journalistes". Les enquêtes, avait-il considéré, doivent "rester subordonnées aux principes supérieurs" du droit. A ce titre, "il est nécessaire que la jurisprudence définisse cet impératif prépondérant d’intérêt général", et ce d’autant que "l’émetteur de la réquisition n’a, lui, nullement cherché" à le faire. Il avait donc conclu au rejet du pourvoi. La Cour l’a entendu.

http://www.lemonde.fr/societe/article/2011/12/06/affaire-des-fadettes-courroye-a-bien-viole-le-secret-des-sources_1613976_3224.html