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« Ahmadinejad est plus populaire qu’on ne le croit »

Publie le vendredi 12 juin 2009 par Open-Publishing
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INTERVIEW - Directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l’Iran, Bernard Hourcade n’exclut pas une surprise vendredi, lors de l’élection présidentielle iranienne.

LEFIGARO.FR - Quel bilan peut-on tirer de la présidence de Mahmoud Ahmadinejad ?

BERNARD HOURCADE - Sa politique d’amélioration du niveau de vie des classes populaires n’a pas été totalement remplie mais Ahmadinejad a quand même réussi à conserver un lien privilégié avec sa base populaire. Malgré la chute du prix du pétrole, il a assuré les minima sociaux. Même si l’économie va mal et que la politique de subventions d’Ahmadinejad a ruiné l’économie du pays, les classes défavorisées n’ont pas subi la crise de plein fouet. Les déçus du président iranien sont moins nombreux qu’on ne le croit malgré l’échec économique et le fort taux de chômage de l’Iran.

Sur le plan scientifique, il a valorisé les succès techniques de l’Iran : le nucléaire, le lancement de satellite et de missiles. Même si les gens sont opposés à lui, ils se souviennent que c’est l’homme qui a mis un satellite sur orbite.

Sur le plan extérieur,l’Iran est de plus en plus isolé à cause des sanctions de l’ONU. Son vocabulaire et son attitude provocatrice ont engendré une opposition unanime à l’étranger, que l’Iran paye durement. Ce n’est pas sa politique qui est critiquée en Iran mais la façon dont il l’a menée. Il aurait pu aboutir au même résultat sans se mettre l’ensemble du monde à dos.

Quelles sont les chances de réélection de Mahmoud Ahmadinejad ?

Ce sont de vraies élections, ce qui est rare dans la région, et elles sont donc totalement imprévisibles. Mahmoud Ahmadinejad comme Mir Hossein Moussavi ont des chances mais les autres candidats ne sont pas éliminés. On ne peut exclure une surprise : Karoubi pourrait être numéro deux derrière Mahmoud Ahmadinejad. La vague verte en faveur du réformateur Moussavi s’est produite à Téhéran et dans quelques grandes villes. Cependant le mouvement a été tardif. Il a commencé il y a huit jours, ce n’est peut être pas suffisant pour s’étendre à tout le pays.

Le plus important à prendre en commpte, c’est le vote des populations sunnites, qui représentent près de 5 millions de votants sur 46 millions d’électeurs. Lors des élections précédentes de 2005, ils avaient boycotté le scrutin. Résultat, Ahmadinejad a été élu. S’ils votent vendredi, ils ne choisiront pas Ahmadinejad, très pro-chiite. Pour l’instant on ne connaît pas leurs intentions, les candidats opposés à Ahmadinejad ont fait une politique pro-sunnite et républicaine disant que tous les Iraniens quelle que soit leur religion étaient des citoyens à part entière.

Est-ce que la politique de rapprochement initiée par Barack Obama peut influencer le vote ?

C’est un élément qui pourrait encourager les électeurs à se déplacer.Pour la première fois, les Etats-Unis prennent sérieusement les choses en main, considèrent l’Iran comme un pays important et ont reconnu la République islamique. Une certaine partie de l’électorat peut se dire qu’il ne faut pas rater ce rendez-vous avec l’Histoire et décideront de voter pour les opposants d’Ahmadinejad. La main tendue d’Obama et le discours du Caire sont autant de bombardements politiques. Quelque soit le président élu, il devra répondre au défi américain. Moussavi est peut-être capable d’initier un dialogue de manière plus construite d’Ahmadinejad, sans insulter régulièrement les Etats-Unis et Israël.

Si Hossein Moussavi remporte le scrutin, disposera-t-il d’une marge de manœuvre suffisante pour rompre avec la politique de son prédécesseur ?

Moussavi est un personnage honnête, dit-on, même s’il n’a jamais été un leader. Mais il a les données en main, un bon réseau et c’est quelqu’un qui écoute. Par ailleurs, il connaît très bien le système de la République islamiste. Il en a été l’un des pères fondateurs.

Sur le dossier du nucléaire, la position de Moussavi est claire. Le nucléaire constitue un succès de la science et de la technologie iraniennes et il n’est pas question de revenir sur ces avancées dans le nucléaire civil. Il a réaffirmé que l’Iran ne voulait pas de l’arme atomique et qu’il était d’accord pour que le contrôle des activités nucléaires iraniennes soit le même que dans les autres pays qui ont signé le protocole additionnel. Le problème c’est que l’Iran n’est pas prêt à détruire les capacités actuelles d’enrichissement comme le demande la France. Mais un compromis peut faire son chemin.

Sur le plan intérieur, le tchador ne tombera pas le lendemain de son élection mais Moussavi devrait être plus enclin à laisser évoluer les choses du point de vue des relations sociales, des femmes. Son épouse est une figure du féminisme iranien. Elle a été recteur d’une grande université, elle a étudié les sciences politiques, elle a été artiste.

http://www.lefigaro.fr/international/2009/06/11/01003-20090611ARTFIG00635-ahmadinejad-est-plus-populaire-qu-on-ne-le-croit-.php

Messages

  • Bah ça vaut ce que ça vaut (Minoui + Figaro :-( ) mais bon y’a pas des masses d’articles sur cette élection pourtant extrêmement importante, donc...à prendre avec des pincettes (et ttes critiques utiles)


    "De notre envoyée spéciale à Téhéran, Delphine Minoui
    09/06/2009

    Même si la liste des doléances est longue, le président iranien garde de solides soutiens auprès des oubliés des réformes des années Khatami.

    Impossible de rater ses posters. Accroupi, partageant un bol de soupe avec le petit peuple. En survêtement de sport, au milieu d’un stade de football. En costume noir, un nuage d’atomes au-dessus de la tête. En quatre ans de pouvoir, Mahmoud Ahmadinejad a complètement relooké l’image du président de la République islamique - au pouvoir relativement limité. Un peu trop, justement, au goût de ses détracteurs qui lui reprochent d’avoir été piqué par le virus du populisme et de la mégalomanie. « Le problème d’Ahmadinejad, c’est qu’il se prend pour un spécialiste dans tous les domaines, y compris en matière de sécurité nationale. Il pense être le seul à tout comprendre », osait lui reprocher, lundi, Mohsen Rezaï, l’ancien chef des gardiens de la révolution, à l’occasion du dernier des sept tête-à-tête télévisés répartis entre les quatre candidats.

    Signe d’un bilan très controversé, ces différents débats diffusés en direct, et regardés chaque soir par 45 millions d’Iraniens, ont systématiquement tourné autour des « dégâts » causés par l’actuel président. La liste des doléances est longue. À commencer par ses diatribes enflammées contre Israël, ses déclarations jusqu’au-boutistes sur le nucléaire et ses annonces fracassantes à chaque inauguration de nouveaux missiles. « L’Iran, ce n’est pas la Corée du Nord. Une bande de guerriers n’a pas le droit de se permettre d’enfermer la civilisation millénaire de notre pays dans une boîte de conserve. Il est erroné d’essayer de compenser la faiblesse économique de notre pays en développant l’énergie nucléaire et en usant d’un pouvoir de nuisance au Liban ou en Palestine », s’insurge l’analyste iranien Saeed Leylaz, qui reproche à Ahmadinejad d’avoir isolé le pays sur la scène internationale.

    En ces derniers jours de campagne électorale, qui s’annoncent décisifs pour l’avenir du pays, les jeux sont pourtant loin d’être faits. Le président trouble-fête agace. Mais aux yeux des déshérités et des membres des milices islamiques, il reste le favori des urnes. « C’est un homme du peuple. Je peux m’identifier à lui », observe Reza Sherkat, un ouvrier de Téhéran, fier de porter le même « jogging » que son héros. Comme lui, les Iraniens issus des classes modestes disent apprécier les mots simples de cet « enfant modèle de la révolution », originaire de la campagne, et vétéran de la guerre Iran-Irak. « Il a su tenir tête à l’Occident. Avec lui, nous sommes fiers d’être Iraniens », renchérit Amir Farshad, un jeune fonctionnaire, qui n’a raté aucun débat télévisé. Son meilleur souvenir ? « Le jour où Ahmadinejad a décidé de relancer le programme nucléaire », répond-il, en référence à la reprise de l’enrichissement d’uranium, peu après son élection, en juin 2005.

    Khamenei sort de son silence

    À Téhéran comme en province, c’est l’économie qui reste la principale préoccupation des Iraniens. Et sur ce terrain aussi, Ahmadinejad gagne des points, après avoir augmenté les retraites, les salaires des enseignants et des infirmières. La distribution d’« actions en justice » et l’octroi de prêts à taux avantageux ont profité à une partie de la société, oubliée des réformes des années Khatami. En revanche, du côté du bazar et des entreprises privées, le ton est tout autre. « Il a gaspillé l’argent du pétrole. Il a provoqué une inflation incontrôlable. Faute de soutien aux investissements industriels, de nombreuses usines ont dû mettre la clé sous la porte, provoquant une augmentation du taux de chômage », déplore Massoud Ebrahimi, un chef d’entreprise. Dans les ministères comme au Parlement, on lui reproche, aussi, de n’en avoir fait qu’à sa tête. « C’est un homme dangereux, incapable de consulter son entourage. À peine élu, il a viré sans raison de nombreux fonctionnaires, il a imposé ses décisions aux députés », poursuit l’entrepreneur, en accusant Ahmadinejad d’avoir outrepassé son mandat présidentiel.

    En Iran, c’est, en effet, au guide suprême, l’ayatollah Khamenei, que reviennent les rênes du pouvoir. Les décisions sur les grandes orientations du pays - notamment les questions diplomatiques et le nucléaire - ne se prennent pas sans son aval. En 2005, ce dernier n’avait pas caché son soutien à l’actuel président. Le regrette-t-il ? Il y a quelques jours, il a brisé son silence en appelant les candidats à cesser leurs querelles, après qu’Ahmadinejad s’en est pris à l’épouse de son principal rival, Mir Hossein Moussavi. Difficile d’en conclure à un lâchage de son poulain. Mais il pourrait bien s’agir, en revanche, d’un moyen de lui rappeler qu’en cas de réélection, sa marge de manœuvre sera, cette fois-ci, plus limitée."

    http://www.lefigaro.fr/international/2009/06/10/01003-20090610ARTFIG00030-ahmadinejad-reste-le-favori-des-desherites-et-des-milices-.php