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Aillagon : " Encourageons le travail artistique"

Publie le vendredi 8 août 2003 par Open-Publishing

http://www.liberation.fr/page.php?Article=129650

Plus habile que le pauvre papier raffarinesque publié en une du Monde pour
défendre un "pacte pour le spectacle" au sein duquel la culture aurait pour
fonction de rassembler (notre religieux XXIéme siècle communiera ou ne sera
pas) en faisant un détour par des animations socio-cul sur les parkings de
supermarché, Aillagon déclare : "Le chômage est bien là pour soutenir un
salarié travaillant de façon discontinue pour des employeurs divers." Que
cela soit faux et le devienne de plus en plus relève bien de sa tache trop
négligée : la communication. On vous le dit, il faut discuter de la
frontière entre art et divertissement, si , si ! Et ne nous emmerdez pas
avec des droits sociaux, indignes du génie créateur qui vous anime ! Trêve
de vulgarité chers artistes.

Il annonce ici, outre de nouvelles tractations avec les partenaires de
l’Unedic - mais alors ? y a encore des trucs qui coincent parmi les rouages
maffieux de la dépossession ? ou bien quoi ? On veut redonner de la
légitimité aux partenaires ? renforcer l’omerta par la diffusion d’une
"parole" publique ?-, une "loi d’orientation sur le spectacle vivant"
destinée à "restituer au spectacle vivant les bases du développement
équilibré".

Syndicats, entrepreneurs trouveront-ils là du grain à moudre ?

Aillagon personna non grata disait on lors de la coord de Caen...
Fillon joue pion des patrons pendant que Raffarin calcule la baisse de
l’impôt sur le revenu. Lorsqu’on s’apprête à instaurer le RMA pour imposer
encore davantage emplois précaires et sous payés, on ne peut se contenter de
verser des allocations aux employeurs, on se doit de flatter toutes ses
clientèles.

Alors d’accord, débusquons ministres et responsables UMP comme le proposent
et le font déjà bien des camarades ; mais n’oublions pas, nous sommes en
train de réinventer "la" grève, avec ses formes variés d’interruption et de
perturbation de la production des entreprises ; la perspective portée par le
mot d’ordre de

BLOCAGE DE LA SOCIÉTÉ ENTREPRISE

autorise un accroissement de cette forte liberté tactique (imprévisibilité)
dont use déjà le mouvement. Comme pour les Piqueteros argentins ou les
salariés des transports, nous expérimentons la nouvelle grève, une grève qui
au-delà de chaque entreprise particulière vise un fonctionnement d’ensemble.

La "question de l’interprofessionalité" est déjà précisément requalifiée,
pour qui veut bien le voir, par le centrement sur les droits sociaux des
salariés à l’emploi discontinu et précaire : à partir des annexes 8 et 10,
c’est l’articulation salaire direct/salaire social qui est en cause et pas
strictement le sort des I.S, contrairement à ce qu’occultent, tous ensemble,
les tenants de l’ordre social.

ciao
laurent


La réforme sur l’assurance chômage des intermittents, agréée par le
gouvernement, doit être accompagnée d’une réflexion sur la pérennité des
métiers du spectacle. Encourageons le travail artistique

Par Jean-Jacques AILLAGON, ministre de la Culture et de la Communication.

vendredi 08 août 2003

On a fini par promouvoir le chômage plutôt que le travail artistique, au
point que l’intermittence a été, de plus en plus, vécue comme un statut
professionnel. C’est bien cela aussi qu’il s’agit de renverser.

Le gouvernement vient de donner son agrément à l’accord signé par les
partenaires sociaux le 26 juin dernier et modifié le 8 juillet. Il entrera
en vigueur, progressivement, le 1er janvier prochain. Il assure la pérennité
du régime spécifique d’assurance chômage des professionnels du spectacle, du
cinéma et de l’audiovisuel dont l’existence avait été maintes fois remise en
cause tant du fait des dérives qui l’avaient fragilisé que du fait du
creusement de son déficit, qui a atteint plus de 800 millions d’euros en
2002.

Les partenaires sociaux en charge de l’Unedic ont pris les responsabilités
qui leur incombent de façon éminente. Pour ma part, je n’ai cessé, tout au
long de l’année écoulée, d’accompagner, d’éclairer, d’encadrer leur
concertation. Le 22 mai dernier, à l’issue d’une journée de travail avec
l’ensemble des organisations qui siègent à l’Unedic, j’indiquai que le
gouvernement n’admettrait ni la dénonciation des annexes VIII et X de
l’assurance chômage, ni la mise en oeuvre d’aménagements qui en
compromettraient structurellement l’équilibre. L’accord du 26 juin donne à
cet égard d’autant plus satisfaction qu’à ma requête, les partenaires
sociaux ont accepté, dès le 8 juillet, de délibérer une nouvelle fois sur un
certain nombre de points visant à améliorer le dispositif. L’Unedic, de son
côté, a apporté plusieurs précisions positives aux questions légitimes que
pouvait poser aux uns et aux autres l’interprétation des nouveaux textes.

C’est avec la même détermination à sauver l’intermittence que je me suis
engagé le printemps dernier, dans une lutte résolue et inédite, contre les
abus qui ont miné le régime. Cette lutte est bien devenue une priorité pour
le ministère de la Culture et de la Communication et le ministère des
Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité. L’inspection du travail
effectuera, dès cet été, de nombreux contrôles dans les secteurs d’activité
recourant à l’intermittence. J’ai lancé une mission visant à rétablir, au
sein de ce service public, une situation exemplaire. A la rentrée, des
mesures législatives adaptées seront prises par voie d’ordonnance. Elles
visent à rendre l’usage abusif de l’intermittence plus difficile et la
détection des abus plus aisée.

J’ai enfin veillé à ce qu’un dispositif d’accompagnement de la réforme soit
mis en place. Tout d’abord en invitant l’Unedic à amplifier son dispositif
d’information, de conseil, d’orientation des salariés concernés par la
réforme, de façon à ce que chacun sache faire l’usage le plus juste de ces
nouvelles dispositions. Ensuite, en mobilisant les services de l’Etat et le
service public de l’emploi. Dès l’automne, à la demande expresse du Premier
ministre, sera mis en place, dans chaque région, un dispositif de suivi de
toutes les questions relatives à la formation, à l’emploi, à la protection
sociale dans les secteurs du spectacle vivant et de l’audiovisuel. Je
souhaite que toute situation personnelle y trouve écoute et conseil.

S’agissant, de façon générale, de l’avenir du régime, je compte, au cours
des prochains mois, et après avoir entendu les avis du plus grand nombre
possible de professionnels, prendre l’initiative d’une invitation à ceux qui
ont la responsabilité paritaire de la gestion de l’Unedic, d’engager une
réflexion radicale sur les moyens de conserver, pour les prochaines
décennies, à l’intermittence à la fois sa logique et son éthique.
L’intermittence a été voulue pour rendre possible des aventures artistiques
fragiles, tendues, précaires parfois. Peut-elle servir, dans les mêmes
conditions, à des productions lourdes, coûteuses, parfois lucratives ? Cette
question nous renvoie à celle, d’actualité, de la définition de ce qu’est
une oeuvre audiovisuelle. N’y a-t-il pas lieu de mieux repenser à cet égard
la frontière entre la création et le divertissement ? Il en va, à mes yeux,
de l’avenir même des systèmes par lesquels s’expriment la solidarité
nationale et la solidarité sociale en faveur d’activités dont la mise en
oeuvre est reconnue comme relevant de l’intérêt général. Il conviendra, le
moment venu, quand les partenaires sociaux en auront pris la mûre
résolution, de repenser ainsi la question du champ d’application, de mieux
distinguer également dans des régimes adaptés ce qui relève d’une part du
domaine du spectacle vivant et de la création audiovisuelle, et ce qui
d’autre part relève de celui d’autres secteurs de la production.

Au-delà, cependant, du débat sur l’aménagement d’un régime spécifique
d’assurance chômage, la crise que nous avons traversée a soulevé beaucoup
d’autres questions dont, celle, fondamentale, de la juste prise en compte de
la réalité du travail artistique. Durant des décennies, chacun s’est, dans
le fond, accommodé d’un compromis, pas très honorable, qui consistait à
reporter sur l’Unedic la charge du financement d’une partie de la vie
artistique de notre pays. Chacun y trouvait peu ou prou son compte, y
compris les collectivités publiques qui subventionnent la vie culturelle,
dont, bien sûr, le ministère de la Culture et de la Communication. Par un
paradoxe surprenant, on a fini par promouvoir le chômage plutôt que le
travail artistique, au point que l’intermittence a été, de plus en plus,
vécue comme un statut professionnel. C’est bien cela aussi qu’il s’agit de
renverser. C’est là que l’Etat doit agir en promouvant une nouvelle manière
de considérer la réalité du travail artistique, en imposant, par exemple, le
paiement systématique des services de répétition ou encore l’obligation de
ne vendre un spectacle qu’à un prix au moins égal au prix du plateau,
c’est-à-dire incluant la rémunération réelle du travail artistique et
technique qu’il nécessite.

Comme l’a justement souligné le président de la République, le 14 juillet
dernier, le temps de la confusion entre ce qui est de la responsabilité de
l’Unedic et de celle des producteurs publics et privés de l’activité
culturelle est bien clos. Chacun doit prendre sa vraie part de
responsabilité. Le chômage est bien là pour soutenir un salarié travaillant
de façon discontinue pour des employeurs divers. Le travail ne doit plus
être un prétexte permettant de trouver dans le chômage le frêle substitut
d’un statut professionnel. C’est donc bien désormais le combat pour le juste
développement du travail artistique, dans le respect équitable des droits de
ceux qui travaillent, qui doit nous mobiliser, qui doit nous rassembler.

De façon générale, j’estime qu’il y a lieu aujourd’hui d’engager une vaste
réflexion, d’engager des initiatives en faveur des métiers du spectacle, de
la musique, de l’audiovisuel et de toutes les questions relatives à la
formation, à l’entrée dans les professions, à leur exercice, à leur
rémunération, à la couverture sociale qu’elles garantissent, à la sortie des
métiers, à la reconversion, à la retraite. C’est à ce travail que je
convierai le Conseil national des professions du spectacle que je réunirai
le 4 septembre prochain. Je lui demanderai aussi de réfléchir de façon plus
spécifique à la situation des jeunes compagnies et formations de façon à ce
que l’Etat et les collectivités locales puissent favoriser leur progressive
professionnalisation. Le vaste mouvement de la création appelle un perpétuel
renouvellement. L’espace de l’action publique doit, par tous les moyens,
rester ouvert, disponible à la création, à l’arrivée de nouvelles
générations. Il doit, travers qui trop souvent le menace, refuser
l’enfermement générationnel, l’impossibilité de partager les outils de
création et de diffusion avec les nouveaux venus.

Ce sont ces questions et toutes les autres relatives à la mise en oeuvre de
l’action publique dans ces secteurs qui alimenteront les débats dans le
cadre des Assises nationales du spectacle vivant que j’organiserai dès la
rentrée, en région d’abord, à Paris en conclusion. Je souhaite y rassembler,
très largement tous ceux, artistes, professionnels, élus, administrateurs
animés par le désir de travailler à la redéfinition de l’ambition même de
l’Etat et de ses réseaux, des modalités de sa prise de responsabilité
conjointe avec les collectivités locales et de la recherche plus assurée du
service public.

Le Premier ministre m’a chargé, à l’issue de ce débat national, de jeter les
bases d’une loi d’orientation sur le spectacle vivant. Cette loi permettra
de restituer au spectacle vivant les bases du développement équilibré et
heureux dont la crise que nous avons connue a mis en évidence le défaut.
C’est bien une page de l’histoire culturelle de la France contemporaine qui
a été tournée. Il nous appartient désormais d’écrire la suivante, et de
travailler ensemble à cette véritable refondation.