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Aillagon : "refuser le naufrage général"

Publie le lundi 11 août 2003 par Open-Publishing

Aillagon : "refuser le naufrage général"
interw Virginie le Gay

L’arrété du protocole d’accord, signé le 26 juin entre le MEDEF, La CGPME,
L’UPA, La CFDT, la CGC, et la CFTC a été publié jeudi au journal officiel. Avec
le recul, quel regard portez vous sur la crise qui secoue le monde de
l’intermittence et conduit à l’annulation de festivals ?

J’en conserve un immense regrêt. Les festivals sont un vrai moment de grâce,
une formidable occasion de rencontre entre le public et la culture. La France
en a durement ressenti la privation. J’ai été frappé par la quasi
impossibilité, à un certain degré d’exaspération, de faire comprendre les choses. Les
intermittents ont eu le sentiment qu’on remettait en cause leur régime spécifique
d’assurance chômage. Il n’en est rien. Il m’a fallu un an de travail à
l’égard de l’ensemble des gestionnaires de l’UNEDIC pour que, au contraire, ce
régime soit préservé. Sur ce point l’accord du 26 juin est bien une victoire : il
sort l’intermittence de l’incertitude où ce régime était plongé depuis des
années.

Est-ce bien à l’UNEDIC que doit revenir la charge d’une partie du financement
de la vie artistique en France ?

L’engagement de l’Etat mobilise plus de 5 milliards d’euros par an auquels
s’ajoutent les concours financiers des collectivités locales. L’existence d’un
régime specifique d’assurance chômage au sein de l’UNEDIC manifeste la
solidarité sociale à l’egard des specificités du secteur du spectacle, du cinéma et de
l’audio-visuel. L’accord confirme ce principe de solidarité.

Le gouvernement a annoncé un plan de lutte contre les nombreux abus qui
existent y compris dans le service public.

Il convient, avec respect pour l’effort consenti par les quelques 16 millions
de travailleurs du privé qui cotisent à l’UNEDIC, de lutter vigoureusement
contre les abus qui menacent financièrement et ethiquement l’avenir de
l’intermittence. Une remise en ordre s’impose. Nous devons combattre les usages de
pure commodité et promouvoir des formes plus adaptées de contractualisation entre
les employeurs et les salariés. Je compte m’attaquer à la pratique de la
délocalisation des tournages, détestable source de dissipation de travail régulier
pour nos techniciens.

Comment va fonctionner le plan d’accompagnement de la réforme ?

Le gouvernement s’est fixé quatre priorités : Amplifier l’information sur les
nouvelles conditions de l’intermittence ; mobiliser dans les régions les
services de l’état pour permettre à chacun de bénéficier d’un conseil "sur
mesure" ; développer l’emploi ; moraliser la rémunération du travail artistique en
réglant, par exemple, la question du paiement légitime du service de répétitions.

Quelles initiatives allez-vous prendre en direction de ceux qui risquent de
sortir du système (30% selon FO et la CGT) ?

Les mêmes parlaient d’abord de 70% puis de 50%. La mise en oeuvre de la
réforme sera progressive, ce n’est qu’en 2005 que la période de référence passera à
10 mois et demie pour les artistes et à 10 mois pour les techniciens. Le
chiffre de 30% me semble relever plus de la volonté d’inquiéter que de la
prévision réaliste.

Comment allez-vous organiser le grand débat national annoncé par Jean-Pierre
Raffarin ?

Pour les questions relatives à l’emploi je réunirai le 4 septembre le conseil
national des professionnels du spectacle. je me rendrai également dans une
dizaine de villes pour y préparer avec les professionnels les assises nationales
du spectacle vivant qui se tiendront à Paris à L’automne. On y travaillera à
la redéfinition des objectifs de l’action publique. La question des moyens
sera évidemment abordée.

On annonce une loi d’orientation pour le spectacle vivant. Mais avec quels
moyens financiers précis ?

La loi d’orientation conclura ce double processus. Elle traitera de tout ce
qui peut à l’avenir assurer aux professionnels un traitement plus digne. Depuis
des décénies, on s’accomode de trop d’arrangements pas toujours très
glorieux. Le temps d’une refondation est venu. Les moyens que l’état engage dans ce
secteur sont considérables : plus de 800 millions d’euros.

CGT et FO vont contester le texte en justice : les grévistes se remobilisent.
Une manifestation est annoncée pour mardi. Redoutez-vous une rentrée chaude ?

Il appartient à chacun de prendre ses responsabilités. Nous sommes là les uns
et les autres pour construire et non pas pour détruire. Nous avons en France
de magnifiques outils : festivals, théatres, orchestres, compagnies
chorégraphiques... Veillons à ne pas tout entrainer dans un naufrage général. Pour ma
part, connaissant bien ceux qui par leur talent et leur passion font vivre le
spectacle, j’ai confiance.

Journal du dimanche 10 août 2003