Accueil > Al Tuwaïtha, 7 juin 1981 : l’aviation israélienne détruit le réacteur (…)

Al Tuwaïtha, 7 juin 1981 : l’aviation israélienne détruit le réacteur nucléaire iraquien

Publie le mercredi 23 août 2006 par Open-Publishing

La « légitime défense préventive » : une contradiction apparente, mais qui sert à faire des affaires

de Paolo Busoni Traduit par Marcel Charbonnier

C’était le 7 juin 1981, la guerre entre l’Iran et l’Iraq faisait rage : elle allait durer huit ans. Vers 17 heures 30, seize avions israéliens, des chasseurs et des bombardiers, atteignirent et détruisirent les laboratoires et le réacteur nucléaire iraquiens situés à Al Tuwaïtha, à une vingtaine de kilomètres de Bagdad. Il s’agissait d’un réacteur expérimental acheté en France par Saddam Hussein, et géré grâce à la collaboration ouverte de la France et de l’Italie, et aussi grâce à la non-hostilité des USA. A l’époque, le raïs iraquien était considéré comme le seul barrage contre le danger représenté par l’Iran de Khomeiny et des « pasdaran » et en vertu du vieux principe « l’ennemi de mon ennemi est mon ami », nombreuses étaient les puissances à donner un coup de main et énormément d’armes au moins que recommandable chef d’État iraquien.

En France, la cession de technologies à la puissance émergente du Moyen-Orient donna lieu, à défaut d’autre chose, à un certain débat politique, mais en Italie - peut-être en raison de l’implication profonde des plus grandes entreprises privées et aussi de ce qu’on appelait alors les « participations étatiques » - ce fait reçut extrêmement peu d’attention de la part des médias. En réalité, la première attaque contre le réacteur « Osirak » - une contraction du nom de l’usine jumelle « Osiris » (divinité représentant la mort, chez les Egyptiens de l’Antiquité) construite en France et de celui du pays acquéreur - avait été tentée par les Iraniens : le 30 septembre 1980, soit à peine neuf jours après le déclenchement de la guerre, deux chasseurs bombardiers Phantom avaient lancé des missiles contre l’installation.

Les dégâts avaient été limités, mais c’est aux Iraniens que revient la primauté de la première attaque aérienne d’une structure nucléaire de l’ Histoire.

Durant les guerres de 1991 et de 2003, les USA sont retournés à Al-Tuwaïtha, en lui conférant ainsi la primauté d’installation nucléaire la plus bombardée de l’histoire.

Quand les attaques préventives contre l’Iraq étaient rejetées par la communauté internationale

Le raid israélien fut un exemple de prouesse technique et de mépris absolu pour les règles internationales. Le Premier ministre Menachem Begin, tout le gouvernement et l’état-major militaire étaient convaincus que la survie d’ Israël dépendait de la destruction du potentiel nucléaire des Iraquiens, et ils n’eurent aucun scrupule. L’opposition interne, incarnée par les travaillistes, au début favorables à une voie négociée, finit par se contenter de prendre acte des résultats de l’action militaire menée.

Au niveau international, l’ONU et la diplomatie élevèrent les plus hautes protestations ; le Conseil de sécurité approuva, avec le soutien ouvert des USA, la résolution 487, qui stigmatisait l’action israélienne. La Charte des Nations unies, ne comporte de fait en aucun cas l’acte de guerre comme première option et elle relègue la réaction armée à l’intérieur d’un processus convenu avec l’Onu elle-même ou comme légitime défense en présence d’une agression armée directe, réelle et en cours. A l’époque, personne ne pensait pouvoir considérer licite une quelconque « légitime défense préventive », telle que les diplomates israéliens l’avaient inventée et définie.

Un quart de siècle plus tard, la « légitime défense préventive » est devenue, tout au moins pour beaucoup de diplomaties, une option possible pour la réalisation de ses propres objectifs. Ainsi, aujourd’hui, l¹interruption par le recours à la force armée du programme iranien est considérée comme un acte légitime.

La responsabilité et l’engagement pour la paix sont-ils compatibles avec la possibilité de faire du business ?

L’escalade nucléaire dans l’ensemble du Moyen-Orient est due à la non-prise de position claire, au niveau international, sur la détention par Israël de la dissuasion nucléaire, ainsi que par la recherche épuisante et tout aussi souterraine, par l’Arabie saoudite, d’un arsenal qui lui soit propre, et comportant au minimum des missiles.

L’Occident est toujours disposé à faire des affaires sous l’égide du principe ami/ennemi. C’est ce qui s’est produit dans le cas des nouveaux sous-marins israéliens. Le gouvernement rouge/vert de Gerhard Schröder avait bloqué la vente des sous-marins à la marine israélienne, dans l’attente de l’éclaircissement de trois points fondamentaux : où les navires seraient-ils démantelés, qui les aurait payés et, surtout, pourquoi étaient exigées une série de modifications techniques au projet allemand originel, qui faisaient penser à la possibilité que, depuis ces sous-marins, auraient pu être lancés des missiles de croisière à tête nucléaire ?

Dans la pire des hypothèses, ces sous-marins auraient été déployés dans le Golfe persique - grâce à la collaboration de quelque marine « amie », parmi les nombreuses flottes qui grouillent actuellement dans ces parages -, leur paiement n’aurait été que partiellement à la charge de Tel Aviv, et les modifications auraient concerné précisément la possibilité d¹embarquement de missiles « Popeye » capables de transporter une tête nucléaire de puissance moyenne.

A Berlin, le gouvernement a changé ; la vente a eu lieu, les modifications « suspectes » seront apportées en Allemagne, et pour partie en Israël, le paiement s’effectuera au moyen d’une répartition en trois versements de chacun 400 millions d’Euro : un à la charge d’Israël, un payé par les USA et le troisième à la charge du gouvernement allemand lui-même.

Reste à voir si ces bâtiments n’iront pas eux aussi engorger le Golfe persique, à plus de mille kilomètres de leur mère patrie.

Quand on entend parler, non sans désinvolture, de « légitime défense préventive », non content de marquer son désaccord quant à la légitimité plus ou moins grande des actions engagées, on devrait méditer sur qui a « cultivé » l’escalade, en ramenant à la maison d’immenses commissions, des pots-de-vin conséquents et en contribuant à jeter dans le trou sans fond de la guerre des ressources qui seraient tellement utiles au monde...

L’auteur est un historien militaire. Il collabore à l’ONG Emergency.

Original : PeaceReporter

Traduit de l’italien par Marcel Charbonnier et révisé par Fausto Giudice, membres de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique (www.tlaxcala.es). Cette traduction est en Copyleft.