Allemagne : une réforme sociale chahutée

La réforme controversée du système d’aide aux chômeurs est entrée en vigueur.
Des milliers de personnes ont protesté lundi. La réforme « Hartz IV » est la pièce
maîtresse du programme de modernisation sociale du gouvernement.

de MARCEL LINDEN

Des milliers de chômeurs de longue durée ont protesté dans plus de vingt villes
allemandes devant les agences pour l’emploi le jour même où entrait en vigueur
la réforme du système d’aide aux sans-emploi, pièce maîtresse du programme de
modernisation sociale du gouvernement Schröder. En plusieurs endroits, des cordons
de police ont empêché les manifestants de prendre d’assaut les agences pour l’emploi.A
Berlin, dans le quartier ouvrier de Wedding, 400 personnes se sont livrées à des échauffourées
avec des policiers. Quinze d’entre elles ont été appréhendées. Des militants
d’Attac ont jeté des sachets remplis de couleur rouge contre les vitres de l’agence
locale. A Hambourg et Leipzig, une centaine de personnes ont réussi à occuper
des annexes d’agence sans toutefois faire de dégâts. Ailleurs il n’y a pas eu
d’incidents.

En fait, le nombre de personnes attendant d’être admises à l’agence avant l’ouverture des guichets était très supérieur au nombre des gens dans la rue. Depuis que les manifestations du lundi, lancées en été, surtout en ex-RDA, avaient cessé en automne, les espoirs de faire tomber la réforme-clé s’étaient volatilisés. A part les personnes directement concernées, une grande majorité d’Allemands approuvent les mesures incitant les chômeurs à chercher plus activement un poste de travail.

La réforme appelée « Hartz IV » (du nom de Peter Hartz, directeur du personnel de Volkswagen et conseiller du chancelier Schröder) abolit le double régime, beaucoup trop cher et inefficace, de l’aide aux chômeurs de plus de 12 mois, payée par l’Etat fédéral, et de l’assistance sociale, payée par la commune. Il fait place à une aide unique pour 3 millions de personnes, dont 2 millions de chômeurs et 1 million d’assistés. La plupart des chômeurs toucheront moins qu’auparavant, 345€ par mois, plus le prix du loyer. Ceux bénéficiant de l’assistance sociale et capables de travailler devront faire des efforts concrets pour trouver du travail. Des « job-centers » vont les aider. En particulier, tous les jeunes chômeurs de longue durée auront un entretien à l’agence au cours de ce mois et obtiendront jusqu’en mars un contrat de travail ou de formation. On pense faire pareil pour les chômeurs plus âgés d’ici à la fin de l’année. Des centaines de milliers de chômeurs devront accepter des « jobs à 1€ » par heure auprès d’hôpitaux, organisations de soins, administrations des eaux et forêts, etc. Façon de les récupérer successivement pour le marché du travail.

Faible croissance

Personne ne sait si la réforme aboutira. Comment offrir des postes de travail aux chômeurs en période de faible croissance économique ? Avec 1,5pc de croissance telle qu’elle est prévue pour 2005 on ne crée pratiquement pas de jobs, avertissent les instituts de la conjoncture. Le ministre social-démocrate de l’Economie et du Travail, Wolfgang Clement, pense que le chômage ne commencera qu’à descendre à partir de l’été. En février, il pourra pour la première fois crever le plafond de cinq millions de sans-emploi, il est vrai pour une raison statistique : 400000 personnes ayant bénéficié de l’assistance sociale passeront en janvier dans le camp des chômeurs. En novembre, on dénombrait 4,26 millions de demandeurs d’emploi en données brutes, la progression étant sensible jusqu’en février.

L’opération est politiquement risquée. Comme pour prendre les devants en cas d’échec, le chancelier a relevé il y a quelques jours que le responsable politique de la réforme était... Wolfgang Clement.

http://www.lalibre.be/article.phtml?id=10&subid=91&art_id=199822