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Allez c’est reparti ..

Publie le jeudi 23 juin 2005 par Open-Publishing

PARIS (AFP) - Le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy a estimé mercredi que le juge qui a remis en liberté un des meurtriers présumés de Nelly Crémel, devait "payer" pour sa "faute", précisant avoir saisi Jacques Chirac de cette question.

"Moi, je le sais, que la justice est humaine (...) mais c’est pas parce que c’est humain qu’on ne doit pas payer quand on a fait une faute", a déclaré le ministre de l’Intérieur qui recevait au ministère 39 généraux et commandants de gendarmerie.

"En Conseil des ministres ce matin (mercredi), j’ai demandé au président de la République de demander au garde des Sceaux ce qu’il allait advenir du magistrat qui avait osé remettre un monstre pareil en liberté conditionnelle", a encore déclaré M. Sarkozy.

Il faisait référence à Patrick Gateau, condamné à perpétuité en 1990 pour un assassinat dans des circonstances similaires, en libération conditionnelle depuis 2003.

Cette déclaration a aussitôt suscité l’indignation des syndicats de magistrats.

"Le ministre de l’Intérieur surfe comme d’habitude sur une légitime émotion pour tenter de trouver un bouc-émissaire en la personne d’un professionnel qui n’a fait qu’appliquer les lois de la République votées par l’Assemblée nationale à laquelle Nicolas Sarkozy appartenait", a réagi l’Union syndicale des magistrats (majoritaire).

"Le caractère très excessif de ces propos est inquiétant pour un responsable de ce niveau", a ajouté le syndicat.

"L’intervention de Sarkozy constitue une atteinte scandaleuse au principe de la séparation des pouvoirs exécutif et judiciaire, à l’indépendance de l’autorité judiciaire et aux fondements même de notre démocratie", a pour sa part estimé le Syndicat de la Magistrature (gauche).

M. Sarkozy a par ailleurs rendu hommage au "boulot remarquable" des gendarmes sur l’assassinat de Nelly Crémel", le 2 juin à la Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne).

Le 14 juin, après avoir reçu l’époux de la victime, M. Sarkozy avait annoncé à l’Assemblée nationale des propositions "avant le 14 juillet" pour lutter contre la multirécidive.

Afin de lutter contre la récidive, le ministre de la Justice Pascal Clément a ainsi préconisé mercredi un durcissement de la libération conditionnelle pour les condamnés à perpétuité, mesure aussitôt dénoncée comme de la "pure démagogie" par des magistrats et des criminologues.

"Pour les criminels les plus dangereux, violents, violeurs, même si vous êtes condamné à perpétuité, au bout de 15 ans la libération conditionnelle est possible. Je crois qu’il va falloir monter le plafond", a déclaré M. Clément sur Europe 1.

Cette mesure pourrait prendre la forme d’un amendement à la proposition de loi sur la récidive, dont le nouveau ministre de la Justice, ancien président de la commission des lois de l’assemblée, est l’initiateur.

Il a précisé que la commission allait examiner "de nouveaux amendements" à cette proposition avant le 14 juillet, "comme le souhaitait Nicolas Sarkozy".

Les condamnés à perpétuité peuvent actuellement demander à bénéficier d’une libération conditionnelle après 15 ans de prison, si leur condamnation n’est pas assortie d’une "période de sûreté" décidée par les jurés de la cour d’assises, qui peut aller jusqu’à 30 ans pour les crimes les plus graves.

Cette libération conditionnelle est obligatoirement assortie d’un suivi à l’extérieur.

Avec une trentaine de condamnations à perpétuité par an, ces condamnés au nombre de 528 représentent actuellement moins de 1 % des détenus.

Il n’existe pas de chiffres sur le nombre de libérations conditionnelles qui leur sont accordées mais elles sont très faibles de l’avis des experts comme des magistrats qui voient dans la proposition de M. Clément une annonce "démagogique" qui ne répond aucunement au problème de la récidive.

Pour le criminologue du CNRS Pierre Tournier, "cette proposition est de la pure démagogie".

"Si l’on veut faire quelque chose pour prévenir la récidive, ce n’est pas sur le plan juridique que ça se passe mais dans les moyens qui permettent le suivi" des condamnés qui bénéficient d’un aménagement de peine (libération conditionnelle, bracelet électronique...), souligne le chercheur.

Un constat que partage l’Union syndicale des Magistrats (USM, majoritaire et modérée) pour qui "il faudrait se donner les moyens d’appliquer les textes actuels sur le contrôle social et la réinsertion avec un nombre suffisant d’éducateurs, de psychologues et de policiers".