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Après 50 ans de nucléaire, "Le retour de la bougie"
Publie le lundi 16 novembre 2009 par Open-Publishing1 commentaire
de Hervé Kempf
Veuillez vérifier qu’il y a des bougies dans le tiroir de la cuisine. Pourquoi ? Pour passer l’hiver, tiens. Pourquoi ? Ben, il y a plein de nucléaire en France, donc il faut revenir à la bougie. Quoi, quoi, quoi ? Bougie, nucléaire ! Ben oui, beaucoup de nucléaire = retour à la bougie. Vous ne saviez pas ?
Expliquons. Le 30 octobre, Réseau de transport d’électricité (RTE) a annoncé que la "disponibilité prévisionnelle du parc de production français pour cet hiver" sera en "très net retrait". Des importations d’électricité seront nécessaires entre novembre et janvier.
Mais "avec des températures de 7 à 8 °C durablement sous les normales saisonnières, le niveau d’importation pourrait atteindre la limite technique". Auquel cas, il faudra envisager des actions de sauvegarde, telles que "baisse de tension de 5 %, voire délestage de consommation" - c’est-à-dire coupures, c’est-à-dire bougies.
Remarquez, c’est très moderne, les bougies. Sur le Net - consultez avant la panne, parce que bien sûr, l’ordinateur... -, vous trouverez des magasins bien approvisionnés, on peut payer par carte Bleue.
Bon, mais des températures inférieures de 7 à 8 °C aux normales saisonnières, ce doit être très rare, non ? Non.
"Allô, Météo France ? - Attendez, je regarde les chiffres. Voyons, voyons : une journée inférieure de 8 °C à la normale saisonnière en janvier 2009, deux jours inférieurs à 6 °C en 2008, deux jours inférieurs à 7 °C en 2006, oh, tiens, un coup de froid inférieur à 9,7 °C le 27 février 2005." Aïe, aïe, aïe, ce n’est pas si rare. Et en 1987, dix jours inférieurs à 10 °C par rapport à la normale, près de dix jours en 1985...
Voyons les choses du côté positif : s’il fait froid, le nucléaire va relancer la production française de bougies, et donc... la croissance ! Whaoô, trop génial !
Au fait, comment nous retrouvons-nous dans cette situation, alors que, cocorico !, la France dispose de cinquante-huit réacteurs nucléaires que le monde entier nous envie ? Eh bien voici :
1 - pour justifier le suréquipement nucléaire, on a stimulé le chauffage électrique ; l’inconvénient du chauffage, c’est qu’on s’en sert quand il fait froid. Donc, en hiver, il y a des pointes très fortes de demande ;
2 - aucune restriction n’étant suggérée à nos concitoyens, la consommation d’électricité croît rapidement : de 450 térawattheures en 2002 à 494 en 2008 ;
3 - le parc nucléaire français connaît plein de problèmes techniques. Plus de dix réacteurs, sur cinquante-huit, sont en ce moment à l’arrêt.
Les solutions existent. La solution gros boeuf : on augmente la production, on construit des centrales thermiques, on construit des centrales nucléaires.
La solution élégante : on réduit la consommation d’énergie, on s’interroge sur ce dont on a vraiment besoin, on fait attention à l’environnement. Le test de l’hiver : gros bœuf, ou élégant ?
Messages
1. Après 50 ans de nucléaire, "Le retour de la bougie", 17 novembre 2009, 17:15, par Infonucléaire
L’électronucléarisation de la France et l’alibi de la crise pétrolière en 1974 (et en 2009 ?)
La nucléarisation massive de la France s’est décidée en 1974 avec le Rapport d’Ornano (voir le rapport en Pdf) qui indiquait les sites envisagés pour les réacteurs nucléaires. Il s’agissait alors, prenant prétexte de la crise pétrolière, de mettre en place 190 à 200 réacteurs électronucléaires pour 1990-2000. Cétait un vrai délire. (en 2009, il n’y a "que" 58 réacteurs) L’arrivée au pouvoir de Mitterrand en 1981 qui, auparavant avait signé avant les élections le texte sur un moratoire du nucléaire, promis la non extension de l’usine de La Hague (pour obtenir facilement les voix écolos !) réduisit les perspectives de 1974, non pour des raisons antinucléaires mais pour des raisons strictement économiques.
Les prévisions grandioses de 1974 étaient totalement stupides.
L’électronucléarisation de la France n’a guère été expliquée par les médias. En 1950 il se crée un Comité dit Comité PEON (production électrique d’origine nucléaire) qui réunit des technocrates (haut niveau, corps des mines) de l’industrie et de l’Etat. Ces derniers vont essayer d’intéresser l’industrie au nucléaire, ce qui signifie d’accepter d’investir dans des équipements rentables à long terme, sans ignorer les dangers d’une catastrophe qu’ils redoutent (pour le fric investi bien sûr, pas pour la santé des gens). Les réunions de ce Comité PEON se chargèrent de les rassurer : aucune responsabilité civile en cas de catastrophe, un développement important et rapide (4 à 5 réacteurs par an) pour garantir leurs investissements (1).
Les responsables EDF prirent prétexte de la crise pétrolière de 1973 pour accélérer le processus de nucléarisation qu’ils envisageaient depuis longtemps.
Il y eut quelques flashs entre EDF et CEA car EDF visait la rentabilité industrielle de l’électronucléaire alors que le CEA voulait garder la direction des opérations. Les réacteurs CEA graphite-gaz (UNGG, uranium naturel, graphite, gaz) qui avaient permis de développer à la fois la bombe et l’électricité n’étaient pas pour EDF les plus efficaces pour la production électrique. EDF préférait les réacteurs à eau pressurisée PWR sous licence américaine Westinghouse. Cela a conduit à des manifestations du personnel CEA pour imposer les réacteurs CEA, avec des mots d’ordre assez prémonitoires « du graphite et du gaz pour tout le monde » dans les rues de Palaiseau, localité proche du centre d’études nucléaires de Saclay. Tchernobyl a réalisé ce « désir »...
Revenons à 1974. Le gouvernement Messmer justifie son programme électronucléaire par le danger d’une crise pétrolière amorcée en 1973 et l’électronucléarisation massive devait permettre d’y faire face. L’effet de serre n’était pas encore né. Le choix était entre nucléaire et charbon+fioul.
En 2005 on assiste à un début de crise pétrolière et on s’aperçoit que la France qui avait soit disant résolu ce problème en 1974 grâce au nucléaire, se trouve dans des conditions aussi difficiles que les pays voisins beaucoup moins nucléarisés que nous et qui ont maintenu leur production électrique par le thermique classique !
Ce regard sur le passé nous montre que la justification du programme nucléaire qui met la France en tête, et de loin, des pays nucléarisés était stupide et finalement facile à dénoncer ce qui paraît aujourd’hui une évidence : l’électricité, quelle que soit son origine, ne peut pas remplacer le pétrole...
Roger Belbéoch,
lettre du Comité Stop Nogent-sur-Seine n°108.
(1) Pour plus de précisions lire "L’énergie nucléaire et la démocratie", Lettre d’information du Comité Stop-Nogent n°93/94.
Rappel : "Des années 60 aux années 80 le programme français reposait sur les réacteurs à eau pressurisée (REP) avec un développement significatif des réacteurs à neutrons rapides (RNR) fonctionnant en mode surgénérateur. Il était envisagé qu’en l’an 2000 les RNR surgénérateurs représenteraient 30% du parc. C’est la raison du développement civil du retraitement des combustibles REP avec la construction des usines du site Hague. Valéry Giscard d’Estaing est allé jusqu’à déclarer (sur Europe 1, le 25 janvier 1980) que, grâce au surgénérateur, on aurait un gisement énergétique équivalent à celui de l’Arabie Saoudite en territoire français."
Et maintenant on nucléarise l’avenir, EPR, ITER, 4ème generation... lire :
- Chauffage électrique : Calamité sociale, économique et environnementale
- Nucléaire : L’escroquerie du discours sur l’effet de serre
- Le parc nucléaire mondial permet au mieux d’éviter 0,3% d’effet de serre, le parc nucléaire français environ 0,06%.
http://www.dissident-media.org/infonucleaire