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Argentine : des travailleurs en lutte Place de Mai
Publie le mercredi 16 janvier 2008 par Open-PublishingArgentine : Marche des travailleurs en lutte à la Place de Mai
Sous la consigne « Pour le triomphe de toutes les luttes », les travailleurs des secteurs en luttes se sont mobilisés, parmi lesquels ceux de Casino de Buenos Aires, DANA SPICER, Laboratoire Fresenius, Métro, Gouvernement de la Ville de Buenos Aires, Hôpital Français, Zanon, Mafissa, Parmalat, AGD UBA…
La marche a commencé après 17 heures à l’intersection des avenues Corrientes et Callao. Devant la Maison de la Province de Buenos Aires, un travailleur de l’usine de pièces détachées pour automobiles DANA Spicer et une travailleuse du laboratoire Fresenius ont parlé des licenciements qui se produisent en ce moment sur leurs lieux de travail. La marche a ensuite continué jusqu’à l’avenue de Mai, en passant par le parlement de la ville de Buenos Aires, pour arriver finalement à la Place de Mai, où les travailleurs et travailleuses du Casino de Buenos Aires campent depuis trois semaines.
« Ces derniers temps, nous observons une avancée des syndicats contre les organisations ouvrières, principalement contre les commissions internes et les corps de délégués, en utilisant des méthodes jamais vues jusqu’ici : des « patotas » (groupes d’agresseurs liés au football et aux syndicats), que nous connaissons tous des stades de foot, employées pour réprimer les travailleurs et les délégués qui s’opposent aux syndicats. Nous voyons également que cela coïncide également avec une vague de licenciements qui ressemble plutôt à une politique généralisée qu’à une coïncidence, c’est ce qui a convoqué plusieurs secteurs. » a résumé à ANRED Oscar Arturo, délégué du Métro.
Pour sa part, Pablo Ceballos, délégué du Casino, a exprimé : « C’est une politique de Gouvernement déjà établie en coordination avec le patronat, qui, lorsqu’il ne peut pas faire plier les travailleurs, envoie des « patotas », c’est systématique. Nous exigeons la non-judiciarisation des licenciements, vu qu’en plus ils collent des procès aux licenciés dans tous le pays et qu’ils privent les délégués de leurs droits également à travers de procès. »
À la Place de Mai, les travailleurs du Casino ont remercié le soutien qu’ils ont reçu et ont convoqué à continuer à faire grandir cette unité. Pour finir, les Mères du Casino, comme elles se font appelées, ont pris la parole. Leur geste de solidarité et d’engagement est présent depuis le début du conflit et l’une d’entre elles, en représentation de toutes les autres, a réaffirmé l’importance de continuer à soutenir les mesures de luttes et a exprimé leur présence constante dans toutes les décisions qui seront issues de la coordination. La voix de la mère semblait toucher chaque travailleur et travailleuse présent-e. Elle a ainsi déployé ses mots chargés d’affection en se rendant indispensables dans les luttes engagées : « Nous avons toujours été là, aux côtés de nos enfants, vous êtes bien nés car vous avez de la dignité et vous êtes nés pour lutter ».
Consultés par ANRed, les travailleurs et travailleuses ont parlé des conflits dans leurs lieux de travail et de la perspective ouverte par cette convocation lancée par les secteurs en lutte :
Guillermo Elizalde, délégué de DANA SPICER – actuellement licencié : « Un pacte social a été conclu et il semble que le but du pacte social est le licenciement massif de tous les travailleurs. Nous saluons cette marche et nous ne renoncerons pas. Le conflit à DANA n’est pas une atteinte isolée qui ne touche que nous. Hier, nous avons appris qu’il y a aussi des compagnons de l’autre usine de DANA de la localité de Pacheco qui ont été licenciés. Ce conflit est corporatif. Il y a beaucoup de secteurs atteints dans un pays où les gouvernants disent garantir la croissance économique et productive. C’est avec les travailleurs que nous réclamons de meilleures conditions de travail, de santé, l’amélioration des salaires, le contrat permanent dans les entreprises « mercerisées » et que toutes les garanties des accords soient respectées. Aujourd’hui cela n’est pas garanti à DANA. »
« Je crois que c’est un point de départ important que de coordonner et d’unifier toutes les luttes pour la réincorporation de tous les travailleurs licenciés, contre la persécution syndicale. Ce point de départ nous engage à continuer à élaborer une coordination entre tous les travailleurs en lutte pour montrer au gouvernement provincial et national ainsi qu’aux entreprises que le pacte social n’est pas respecté, qu’il y a, au contraire, une offensive concrète. Nous ne permettrons pas que cela continue ».
Maria Solinos, déléguée du laboratoire Fresenius : « Nous sommes face à des maladies du travail, produites par les énormes rythmes de production, nous sommes 70 % de travailleurs à souffrir de maladies du travail. Le patronat veut dénoncer une crise alors que c’est faux : en 2006, ils ont gagné 400 millions d’euros et ils veulent nous faire payer les pots cassés avec 138 licenciements. Il y a de nombreuses femmes enceintes parmi les compagnes licenciées. Nous ne le permettrons pas et c’est pour cela que nous participons à cette coordination avec tous les travailleurs ici présents. »
Juan Cruz Lezcano, délégué de Parmalat : « Aujourd’hui, nous avons 46 licenciés et nous avons réussi à réincorporer neuf compagnons, mais nous avons de toute façon deux mois de retard dans le paiement de nos salaires et nous n’avons pas perçu le treizième mois. »
« En ce qui concerne la marche, nous croyons que tous les travailleurs nous devons être unis, aussi bien contre la bureaucratie syndicale et leurs « patotas » que contre les patronats, particulièrement, contre Cristobal Lopez (Casino de Buenos Aires), issu du kirchnérisme, et Sergio Taselli (Parmalat). »
Oscar Arturo, délégué du métro : « L’idée de cette marche est de soutenir tous les compagnons du Casino et les compagnons qui doivent faire face à de nouveaux conflits comme c’est le cas à DANA ».
Pablo Ceballos, délégué de Casino : « Après plusieurs tentatives, nous avons pu organiser cette convocation et nous espérons qu’elle puisse se consolider. Une étape difficile nous attend de la part du gouvernement, c’est pour cela que nous faisons appel à la coordination pour pouvoir former un front commun. Eux font appel à un front avec les patronats, les syndicalistes bureaucrates, les ministères et la justice. Alors de notre côté nous devons à notre tour leur opposer un front compact. Ce premier pas est favorable. »
« En ce qui concerne notre conflit, nous ne voyons pas de changement d’attitude de la part de l’entreprise pour les prochains jours. De toute façon, nous restons toujours fermes à la Place de Mai et nos compagnons vont commencer une grève de la faim. »
Jorge Torres, travailleur de FaSinPat – Ex Zanon : « Cette marche a été convoquée pour répudier plusieurs choses. Tout d’abord, celle qui nous inquiète le plus, l’action du Gouvernement et des « patotas » encouragées par le gouvernement et qui accompagnent les bureaucraties syndicales. Nous croyons que cette conjoncture pousse plusieurs secteurs à réclamer la même chose. »
« Actuellement, le conflit de Zanon n’a toujours pas de réponses. Le gouverneur Jorge Sapag n’a parlé avec nous qu’à trois occasions. La dernière, il a dit qu’il songeait à un crédit pour que les travailleurs nous puissions garder l’usine. Notre projet de loi ne propose aucun crédit pour payer la dette de l’usine mais l’expropriation de l’usine. Le conflit de Zanon a aujourd’hui une date limite, le 20 octobre 2008, date à laquelle la coopérative transitoire doit prendre fin. »
César, travailleur du Gouvernement de la Ville de Buenos Aires : « La situation est assez compliquée, tout d’abord par la scandaleuse remise de SUTECBA (Syndicat Unique des Travailleurs d’État de la Ville de Buenos Aires) à la bureaucratie et par les négociations faites par Mauricio Macri. À partir du moment où ils décident de s’asseoir avec lui pour déterminer quel travailleur peut rester et quel travailleur peut être licencié, c’est très mal parti. Le problème des « ñoquis » (employés publics qui n’exercent aucune fonction mais qui touchent un salaire) est un problème du patronat. Les travailleurs nous soutenons tous les jours les structures du gouvernement de la ville, les hôpitaux, des bibliothèques sont ouvertes et soutenues par le travail quotidien des travailleurs précarisés du gouvernement de la ville. Je crois que le rôle de la bureaucratie au service du patronat est clair. L’alternative est de s’organiser indépendamment avec les méthodes démocratiques des travailleurs et de décider ensembles un plan de lutte pour lutter pour la réincorporation de tous les licenciés et avoir la perspective d’un contrat permanent pour les précarisés et d’une égalité salariale. »
« Cette mobilisation me semble importante et je crois qu’il faut doubler l’enjeu et miser sur une plus forte coordination de tous ces espaces ».
Marga, travailleuse de l’Hôpital Français : « Nous attendons que le PAMI (Institut des Services Sociaux pour Retraités et Pensionnés) prenne en charge l’hôpital, ce qui n’a pas eu lieu et nous ne savons pas quand cela va se faire. Il y a un vidage virtuel. Nous avons réussi à chasser la gendarmerie et à percevoir cent pour cent de nos salaires, mais pas de treizième mois car le gouvernement a argumenté qu’il n’avait pas d’argent pour nous payer. En ce qui concerne la mise en examen de nos compagnons, nos attendons la fin des vacances judiciaires. En fait, ils ont déjà été mis en examen et ils devront passer des audiences de jugement. »
« Il est important de coordonner les conflits, de tenter la confluence et de marcher tous ensembles ».