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De toute l’Italie, ce matin à la gare de Bologne.
10 minutes d’arrêt. Trop peu et trop tard, face aux proportions de l’accident de Crevalcore : plus de sécurité pour les travailleurs et les voyageurs
de FRANCESCO PICCIONI
L’assemblée de ce matin, à Bologne, pourrait être à la base d’une nouvelle saison pour les cheminots italiens. Née comme un rendez-vous "sectoriel" - limité aux seuls agents de conduite, même si avec invitation d’usage à toutes les autres professions - elle semble devenir, au fil des heures, une échéance de type "général".
Certes, l’émotion pour la tragédie de Crevalcore, où trois agents de conduite et un chef de train sont morts, joue un peu. Pèse positivement le courage de
Vincenzo Debiase, le mécanicien qui conduisait l’interrégional et qui a essayé jusqu’à la
fin d’arrêter son train après avoir vu le signal rouge (un coup de frein de quatre
cent mètres a été enregistré sur la boîte noire et sur les rails). Mais pèse
surtout l’impossibilité de continuer à travailler dans ces conditions, avec l’entreprise
(plusieurs sociétés différentes, désormais, mais un seul actionnaire : le ministère
du Trésor) lancée désormais dans le tourbillon de la privatisation et des économies
de frais. A tout prix.
C’est la nécessité de mettre au point au moins une paire de dossiers à livrer à la magistrature qui oriente un débat, qui va bien au-delà des barrières consolidées entre les différents syndicats. Mais aussi celle de trouver une plateforme unitaire très concrète, contenant l’activation immédiate du téléphone d’urgence, l’abolition de l’ "homme mort" (le système à pédale installé sur la motrice de l’interrégional et qui s’est démontré, justement par l’accident, être totalement inapte à la tâche), rétablissement du "double agent" (deux mécaniciens par motrice) sur toutes les lignes. Et enfin la déclaration souhaitable d’une vraie grève (10 minutes pour 17 morts semblent vraiment une plaisanterie).
En tout cas, ce ne sera pas facile : il y a un tas de différends locaux ouverts, et la loi pour la "limitation" des grèves marche même très bien : c’est devenu presque impossible. Mais il y a aussi la nette sensation que l’opinion publique - et même plusieurs médias prestigieux - a compris que les accidents ne dépendent pas de "fautes humaines", mais d’une organisation générale du service qui néglige la sécurité. Même les protestations des voyageurs des banlieues confirment qu’ils font confiance aux agents de conduite, justement parce que - quelle que soit la portée de l’accident - ils sont les premiers à mourir. Ces dernières années une trentaine d’entre eux en sont morts, beaucoup plus nombreux que parmi les voyageurs.
Ce sont surtout les syndicats de base qui tablent sur l’assemblée d’aujourd’hui ; Mais les "confédéraux" aussi ont besoin de démontrer l’utilité de leur présence pour résoudre les problèmes de la sécurité et de l’organisation du travail, "pas seulement au moment d’encaisser la cotisation". Il y en a qui poussent un peu plus loin leurs espoirs : que cela soit le début d’un "mouvement qui dépasse les jardinets" syndicaux. Certaines conditions sont réunies : la première est qu’ils sont tous assez choqués par l’accident avec, collée à la peau, la sensation que la mort est toute proche à chaque moment de travail.
Ceci va-t-il suffire à vaincre la résignation d’une bonne partie de la catégorie ("de toute façon désormais c’est ainsi et l’on doit faire avec") ? On va déjà voir ça aujourd’hui. Ce qui est en jeu c’est la possibilité de remettre en discussion une série de procès qui ont donné à l’entreprise un pouvoir immense et de facto indiscutable. L’unique solution crédible, selon l’avis de certains, est qu’il ne faut pas seulement une plateforme qui contienne "des instances fortes sur lesquelles aucun compromis n’est possible" - comme la sécurité de ceux qui travaillent dans le train ; mais qu’il faut aussi le faire avec ceux qui y voyagent.
Traduit de l’italien par Karl & Rosa de Bellaciao