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Attaque en règle contre la politique fiscale de droite de l’équipe Delanoe
Publie le mardi 20 novembre 2007 par Open-PublishingDenis Baupin (les Verts) se montre critique sur la stratégie financière du Maire de Paris
Je sais, monsieur le Maire, que vous considérez qu’être « bon gestionnaire » est la qualité première d’un Maire. Loin de nous l’idée qu’il faille mal gérer ! Et ce d’autant plus qu’en tant qu’écologistes nous sommes pour une gestion sobre et maîtrisée de l’ensemble des ressources. Mais la mairie de Paris ce n’est pas la présidence du MEDEF !
Etre bon gestionnaire, ou être manager, pour reprendre les termes d’une autre candidate, de mon point de vue, ça ne suffit manifestement pas, tant ceux qui ont érigé les règles de cette « bonne gestion » depuis des décennies ont été incapables de prévenir les crises écologiques et sociales en cours.
De plus, à l’inverse de ce que laisse croire les auditeurs anglo-saxons, la politique budgétaire menée érode nos marges de manœuvre et notre indépendance.
Je note en effet que la Chambre Régionale des Comptes nous rejoint sur les critiques que nous formulons depuis 6 ans sur certains choix budgétaires. La CRC estime que les marges de manœuvre que la Ville a utilisé systématiquement au cours de ces dernières années ont aujourd’hui atteint leurs limites.
En effet, pour maintenir un niveau d’investissement soutenu, la ville a usé d’expédients budgétaires reposant sur la valorisation du patrimoine, les économies de personnel et de fonctionnement, et la fiscalité des transactions immobilières.
Ainsi, la ville a asséché toutes ces sources de revenu. En faisant ce choix de pomper dans tous ces petits ruisseaux pour alimenter le budget, on a finalement asséché ce qui, en cas de contraintes, demain, pour augmenter la fiscalité ou s’endetter, aurait constitué une réserve, un plus, des marges de manœuvre imparfaites mais salutaires. Or, ce que constate le rapport de la CRC, c’est que la ville a épuisé toutes ces petites réserves. Et elle l’a fait alors qu’elle avait le choix d’une autre politique. Etait-ce finalement une aussi bonne gestion que cela ?
Et ce d’autant plus que nous ne considérons pas sain que le budget de la Ville repose sur un appel de plus en plus fréquent aux opérateurs privés.
Rien ne nous permet de penser que ces opérateurs soient des philanthropes. Ce que nous économisons d’un côté, nous le reperdons souvent de l’autre. Les exemples sont multiples. On peut citer évidemment l’envahissement de l’espace public par la publicité. Ou encore, dans le cas de Vélib, le constat que le contrat imposé par l’opérateur limite de façon ridicule nos marges de manœuvre pour une extension correcte en banlieue. Transformer Vélib en véritable réseau à l’échelle de l’agglomération, nous en sommes convaincus, passera nécessairement par une reprise en main par la collectivité publique.
Je veux d’ailleurs, sur ce sujet, saluer une inflexion : vous avez annoncé, monsieur le Maire, être favorable à la remunicipalisation du service de l’eau. Cela fait longtemps que des élus Verts, dans de nombreuses villes, à commencer par Grenoble, dénoncent les scandales que le récent rapport de l’UFC – Que Choisir a mis en évidence et qui sont liés à la privatisation du service de l’eau.
La campagne municipale qui commence sera d’ailleurs l’occasion de préciser les projets des uns et des autres en la matière, et plus généralement de revenir sur la question des partenariats publics-privés que vous envisagez, sur lesquels nous sommes pour le moins circonspects.
Bien souvent, l’expression « partenariats publics-privés » recouvre des opérations qui collectivisent les investissements et privatisent les profits. Or, comme nous l’énonçons dans un vœu, l’un des enjeux de cette remunicipalisation est d’internaliser l’ensemble des bénéfices issus de la production, de la distribution, et de la gestion de l’eau pour les mettre intégralement au service de l’amélioration du service public. Voilà, pour nous, ce qu’est la « bonne gestion ».
Enfin, je rappellerais que notre capacité à maintenir un niveau d’investissement soutenu, nous la devons pour l’essentiel à l’augmentation considérable des recettes de la fiscalité immobilière, les fameux droits de mutation.
Financer notre budget sur ce produit de la spéculation, alors que nous devons tout faire pour lutter contre cette financiarisation du logement, nous semble incohérent et risqué.
De même, dans le domaine de l’urbanisme, comment se réjouir que les recettes dites de valorisation du domaine de la ville augmentent alors que cela signifie plus de publicité, plus d’antennes relais, mais aussi moins de logements sociaux et d’équipements publics ?
Prenons l’exemple du projet de quartier Batignolles. En application de la doctrine selon laquelle l’équilibre financier d’une opération est trouvé au travers de financements privés, 64 % d’un terrain 100 % public vont être cédés aux promoteurs immobiliers. Une autre logique aurait voulu que sur cet espace, qui est un des rares encore urbanisables dans Paris, on donne la priorité aux logements pour les plus modestes, ceux qui en ont le plus besoin.
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Au bout de six ans, nous faisons le constat que ce n’est pas tant sur le degré de prudence que nous divergeons, mais bien sur l’analyse des facteurs de création de richesse et les sources d’économie.
Comme notre groupe l’a dit à de nombreuses reprises, une augmentation raisonnée de la fiscalité et un recours à l’emprunt pour financer des investissements, aurait permis à la ville de préserver des marges de manœuvre pour l’avenir et d’être plus ambitieuse dans ses politiques, notamment dans les domaines où l’Etat n’assume pas ses responsabilités et où ce sont nos concitoyens qui sont les principales victimes de l’inaction.
En matière budgétaire, on ne peut pas non plus vouloir toujours faire plus avec moins.
D’un point de vue social, nous avons la conviction qu’une gestion trop rigoriste de la masse salariale tant au niveau des effectifs que des rémunérations conduit à démotiver les agents et nuit à la qualité du service.
De nombreux services (bibliothèques, démocratie participative, parcs et jardins, nouvelles technologies, propreté, prévention…) ont besoin de plus de personnel pour fonctionner correctement.
Au bout du compte, quand les personnels sont démotivés, cela peut se traduire par moins d’efficacité, moins de créativité. Dans ce cas, l’économie financière est plus porteuse d’effets nocifs que positifs pour le service public.
Nous ne sommes pas contre les économies. Au contraire. Nous pensons qu’une gestion écologiquement et socialement vertueuse est source d’économies.
Nous pensons même qu’il reste de nombreux gisements d’économies potentielles dans les consommations énergétiques de la Ville qui pourront être atteintes grâce aux préconisations du plan climat, et par une politique d’achat public éco-responsable. Investir aujourd’hui permettra d’économiser beaucoup plus demain ! Nous pensons aussi que des économies très substantielles peuvent encore être réalisées sur le parc automobile de la Ville. Dans ce domaine nous considérons d’ailleurs que les élus devraient donner l’exemple.
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Mais nous avons conscience que ces économies ne suffiront pas à répondre aux besoins de notre collectivité. Nous pensons donc, comme le disait il y a quelques mois, un de vos amis, leader d’une grande formation de gauche qu’il « faut réhabiliter l’impôt ». Nous ne considérons pas que la fiscalité ça soit sale si elle est juste et équitable. Nous la considérons comme l’outil de la redistribution, comme l’outil de la solidarité, celui qui permet de mettre en œuvre les politiques publiques.