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Attention, Sarko débarque ! (ds jeune afrique)

Publie le vendredi 26 mai 2006 par Open-Publishing
3 commentaires

Attention, Sarko débarque !
- 21 mai 2006 - par ÉLISE COLETTE,
ENVOYÉE SPÉCIALE
 http://www.jeuneafrique.com/jeune_a...

Au lendemain de l’adoption par le Parlement français d’une nouvelle loi - très contestée - sur l’immigration, la visite à Bamako et à Cotonou du ministre français de l’Intérieur a suscité quelques turbulences.

« Permettez-moi de vous parler très franchement, comme on ne le fait sans doute pas assez souvent entre Français et Africains », s’est exclamé Nicolas Sarkozy au Palais des congrès de Cotonou, le 19 mai, devant un parterre de
responsables béninois, lors de la deuxième étape de sa tournée africaine du 17 au 19 mai.

Pour sa troisième visite en Afrique subsaharienne (il s’était déjà rendu au Mali, en février 2003, puis au Sénégal, en décembre de la même année), le
ministre français de l’Intérieur n’a pas dérogé à ses habitudes et joué dans son registre de prédilection : provocation, franc-parler, discours de rupture et rhétorique sécuritaire. Venu pour « expliquer aux Africains » sa loi sur l’immigration non plus désormais « choisie » mais « concertée » avec les gouvernements des pays d’émigration (voir encadré p. 14), il en a profité pour décrire à grands traits la politique africaine de la France.

Comprenez : celle qu’il mènera s’il remporte la course à l’Élysée.

Se référant tour à tour au discours de François Mitterrand à La Baule (1990), aux « qualités visionnaires du général de Gaulle » et au « courage » d’Édouard Balladur lors de l’intervention française au Rwanda (1994), il a
soigneusement évité d’évoquer la politique africaine menée depuis dix ans par Jacques Chirac. Pis, en rendant hommage « aux Béninois, aux Maliens et Ghanéens qui ont donné une solide leçon à tous ceux qui répètent que la
démocratie n’est pas faite pour les Africains », il a sciemment pris le contre-pied d’une déclaration du chef de l’État français datant de 1986 (« Les Africains ne sont pas mûrs pour la démocratie »). Morceau choisi : « Il
nous faut débarrasser la relation Afrique-France des réseaux d’un autre temps, des émissaires officieux qui n’ont d’autre mandat que celui qu’ils s’inventent.
Il faut définitivement tourner la page des complaisances, des secrets et des ambiguïtés. »

Tout le périple sarkozien a été parsemé de « petites phrases » assassines, du genre : « la France n’a pas besoin économiquement de l’Afrique » ; ou « faisons de la discrimination positive à la française, en n’aidant pas de la même manière les démocraties et les régimes dictatoriaux » ; ou encore : « Africains, vous avez une responsabilité dans l’échec économique de votre continent ». Bref, le ministre s’est exprimé comme s’il était déjà le chef
de l’État. Par ses propos aux antipodes du discours diplomatiquement correct tenu d’ordinaire par les responsables français, il a pris le risque de
déplaire et de mettre en péril son capital-confiance, déjà bien écorné, sur le continent. Les présidents du Mali et du Bénin se sont d’ailleurs gardés de tout commentaire public à l’issue des discussions. Après tout, il n’est
encore « que » ministre d’État...

Au palais présidentiel de Koulouba, à Bamako, le 18 mai, Sarkozy a reçu des mains d’Amadou Toumani Touré, en guise de cadeau de bienvenue, une porte
dogon. « Cette porte, on peut l’ouvrir ou la fermer, on est libre de la
franchir », a expliqué le chef de l’État au ministre français de l’Intérieur.

L’allusion au durcissement des conditions d’immigration en France - qui concerne au premier chef les Africains et, tout particulièrement, les Maliens - était trop tentante pour que ATT y résiste. La veille, sur les
ondes de Radio France internationale, il avait déjà expliqué que « l’hospitalité malienne n’est pas choisie ou sélective », référence au terme employé depuis
plusieurs mois par Sarkozy pour qualifier sa nouvelle politique d’immigration.

Après la polémique déclenchée par le Sénégalais Abdoulaye Wade à propos du pillage des élites africaines, le mécontentement à l’égard des idées et du personnage même de « Sarko » s’est largement exprimé, de Bamako à Cotonou.
Pourtant, ce voyage prévu de longue date - que les lenteurs parlementaires ont malencontreusement fait coïncider avec l’adoption de la nouvelle loi sur l’immigration - avait pour but essentiel, à moins d’un an de la
présidentielle, de conforter la stature internationale de Sarkozy.

Officiellement, il a porté son choix sur le Mali et le Bénin parce que ces deux pays constituent à ses yeux des réussites démocratiques. Mais le fait
qu’à l’instar du Liberia, de l’Afrique du Sud ou de la RD Congo - pays où il devait initialement se rendre - ils ne fassent pas partie de la « chasse gardée » du président Jacques Chirac n’y est peut-être pas tout à fait
étranger. « Voici quatre ans que Sarkozy est invité par Omar Bongo Ondimba, explique-t-on dans l’entourage du président de l’UMP. S’il ne s’est toujours pas rendu au Gabon, ce n’est pas de son fait. » Quand on connaît la
proximité des présidents gabonais et français, tout est dit.

Mais finalement, même s’il ne l’avait pas prémédité, Sarkozy n’est peut-être pas si mécontent que son périple africain ait tourné au débat - animé ! -
sur l’immigration. Car la fronde africaine légitime aux yeux d’un certain nombre de Français la sévérité de sa politique en ce domaine. À le voir transpirer dans la touffeur ouest-africaine, certains feignaient
malicieusement de s’interroger : pourquoi le ministre de l’Intérieur parcourt-il tant de kilomètres pour, finalement, ne s’adresser qu’aux électeurs français ?

À l’ambassade de France à Bamako, Nicolas Sarkozy a prononcé un discours devant une centaine de ses compatriotes installés au Mali - et naturellement
inscrits sur les listes électorales, en France. « J’aurai besoin de vous », leur a-t-il lancé en riant. Sans doute avait-il à l’esprit que les voix des Italiens de l’étranger ont assuré sur le fil la victoire de Romano Prodi, au
mois d’avril... Et d’ajouter, comme pour s’excuser d’avoir confisqué au profit du candidat la tribune offerte par l’ambassadeur au ministre d’État : « Si je ne l’avais pas dit, vous m’auriez reproché de faillir à ma réputation. »
En Afrique, en tout cas, sa réputation n’est désormais plus à faire.

Messages

  • Sarko est décidément bien maladroit, surtout lorsque des questions et des remarques lui arrivent par surprise. Son tempérament sanguin s’était déjà exprimé aux Antilles, lors d’une interview impertinante.

    Cette fois, lorsqu’un représentant malien de la société civile lui faisait remarquer que sa visite était de la provocation, il s’est fendu d’un "je ne crois pas qu’on défend les interets du Mali en traitant ainsi le représentant d’un pays qui aide le votre au niveau ou nous l’aidons" tres indigné. Je ne sais pas vous, mais pour ma part, je ne lui reconnait pas le pouvoir de représenter la majorité des français, il ne représente en fait que sa mouvance-bananière.

    Une autre belle phrase : "notre politique, monsieur le premier ministre est simple : plus de droits pour le Malien en situation régulière...." Que faut il comprendre ? Que les Maliens actuellement en situation régulière ont moins de droits que les autres citoyens ? Car si ce n’est pas le cas, ça signifie que Sarko ment sans honte au premier ministre malien.

    Lfdpn.

  • Ce qui est bizarre, c’est que peu de journalistes en France pose cette simple question :
    Que fout un ministre de l’intérieur français au Mali ?
    Rappelons-nous que ces voyages à l’étranger sont payés par les contribuables.

    A l’étranger, c’est Douste-Blazy , non ?

    Imaginons l’inverse :
    Le ministre de l’intérieur Malien débarque à Paris, et déclare ;
    "Le Mali est prêt à accueillir certains bons français, s’ils sont en règle avec les lois Maliennes et s’ils sont de très bon travailleurs, et qu’ils sont prêt à se soumettre à des tests pour le prouver"

    Je pense que dans ce cas, il y aurait des éclats de rire dans les bistrots gaulois .

    Pourtant c’est pas si idiot : Un clodo français préférerai peut-être être agriculteur au mali ?

    Mais je m’use les doigts sur mon clavier, il y aura toujours, comme je l’ai entendu à France-Inter, des auditeurs qui pensent sincèrement qu’en expulsant les "mauvais" maliens, les "bons" RMIstes français trouveront rapidement du travail...

    Donc Sarkosy ne commet pas d’erreur, il utilise une stratégie qui lui permet de s’assurer le vote des réacs, très nombreux en France, je m’en compte de plus en plus.

    J’espère qu’un jour, quand Sarkosy débarquera dans un autre pays Africain, un policier rebelle lui demande s’il a ses papiers en règle.

    jyd

  • Pourquoi Nicolas Sarkozy a-t-il mis sous le coude le rapport édifiant de Richard Castera, Inspecteur Général de l’Administration, sur une mission d’évaluation des « capacités d’accueil de la France et de ses besoins », réalisée de septembre 2005 à février 2006 ?

    Ce rapport remis récemment au ministre de l’Intérieur concluait entre autres que « les immigrés choisis ne se substitueront pas aux immigrés subis, ils s’y ajouteront ».

    Le rapporteur précise, en outre, que « la France n’a plus, dans l’état actuel de son économie, les moyens d’accueillir des immigrants. Elle risque donc de créer une vague supplémentaire d’entrée d’immigrés qui ne seront, bien entendu, pas à l’abri du chômage endémique du pays. Si elle ne réduit pas de manière drastique l’entrée de son territoire pendant plusieurs années, la France s’exposerait à de nouvelles explosions comme celle de novembre 2005 dans les banlieues ».
    Chaque année, le flux migratoire, en constante augmentation, est de plus de 160 000 personnes (chiffre quasi officiel pour 2004 qui ne prend pas en compte un nombre sans doute équivalent de clandestins).

    Cet afflux cause de graves problèmes dans le domaine du logement, de l’emploi, de l’éducation...
    Chaque année, plus de 100 000 étrangers se présentent sur un marché du travail déjà très encombré de chômeurs où les postes pas ou peu qualifiés sont rares, avant-gardes de familles entières qui débarquent en France en foules compactes au nom du regroupement familial.

    Le secteur privé, le seul accessible à ces populations, ne crée pas suffisamment d’emplois pour satisfaire les demandes : il n’y en eut que 86 000 en 2004. Le rapporteur conclut logiquement que « les capacités d’accueil des populations immigrées sont donc totalement saturées, et les premières victimes de cette réalité en sont les étrangers eux-mêmes ».
    Cette constatation est confirmée par le taux de chômage de cette catégorie qui est de 17,6 %, alors que la moyenne française est de seulement 9,7 % : soit près de deux fois moins !

    En contredisant l’opinion habituelle sur l’importance du vieillissement de la population française et sur le départ à la retraite des enfants du baby-boom nés après la Libération, nous obligeant à recourir à une entrée massive d’immigrés, Richard Castera explique que : « Le chômage et le sous-emploi ainsi que la faiblesse du taux d’activité de certaines catégories de personnes (seniors, femmes, jeunes) offrent des gisements considérables de main-d’œuvre française. Des politiques actives d’emploi et de formation professionnelle peuvent permettre d’ajuster l’offre à la demande si des besoins sectoriels ou spécialisés se font sentir. Si des emplois sont à pourvoir, la priorité doit être impérativement accordée à la réduction du chômage en France, et notamment celui des immigrés déjà présents sur le territoire ».

    Il est curieux de noter que ce rapport accablant pour les perspectives envisagées par le ministre de l’Intérieur pour une « immigration choisie » est antérieur à sa prise de position. On comprend aisément pourquoi il a préféré l’enterrer !
    Ce n’est pas tout : le Premier ministre envisage de porter le problème au niveau européen. Au cours d’une réunion préparatoire, le 13 mars dernier, du Comité Interministériel mensuel sur l’Europe, il a décidé le « principe d’une ouverture progressive » des frontières qui commencera dans « les métiers où il y a besoin de main-d’œuvre ».
    Le problème est considérable pour l’avenir de la France, compte tenu du fait qu’une large majorité des immigrés, choisis ou non, viennent de pays de culture et de religions musulmanes, qui n’ont aucune envie de rentrer dans leurs pays d’origine (ni eux, ni toutes leurs nombreuses familles) pour participer au développement de leurs pays respectifs, à l’issue de leur formation ou à l’expiration de leur hypothétique contrat de travail.
    Quelles ruines allons-nous laisser à nos successeurs ?