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Auto-entrepreneur, un "travail au noir" légalisé ?

Publie le lundi 8 mars 2010 par Open-Publishing

Auto-entrepreneur, un "travail au noir" légalisé ?

Certains organismes s’insurgent contre le statut d’auto-entrepreneur

Avec ce nouveau statut d’auto-entrepreneur, on est en train de détricoter l’artisanat, peste Jean-Louis Clément, président de l’Urssaf à Digne. Pour un département comme le nôtre, ce n’est pas possible ! ".

"C’est une concurrence déloyale !" abonde le président de la Chambre de métiers, Simon Caparos. "Un déguisement de misère sociale" selon M. Richard Adamo, président de l’Upa (Union professionnelle artisanale) et de la Capeb.

La raison de cette grosse colère ? L’application, depuis le 1er janvier 2009, du statut d’auto-entrepreneur. Séduisant pour celui qui se lance, et ils sont nombreux sur le département (403, dont 209 dans le bâtiment, 53 dans les métiers de la production, 17 en alimentation, 124 dans les services). Beaucoup moins en revanche pour les 3700 artisans inscrits au répertoire des métiers.

Moins cher pour les clients

Les avantages sont nombreux pour l’auto-entrepreneur qui n’est pas assujetti à la TVA. Pour la marchandise qu’il achète et revend, il n’a donc aucune gestion de TVA à organiser. Pour le client, le résultat est sans incidence puisqu’il doit la régler de toute façon. En revanche, pour ce qui est de la prestation de service, il en découle un bénéfice non négligeable de 19,6% pour le client.

L’auto-entrepreneur inscrit peut réaliser un chiffre d’affaire annuel de 32 000 € et doit verser 23% de son chiffre d’affaire déclaré pour les cotisations sociales, soit un salaire net mensuel de 2 053 €. À salaire net égal, le coût horaire est de 20€, celui d’un salarié de 28€. Ce qui représente une marge supplémentaire de 37,5% par rapport à l’entreprise.

On licencie... puis on sous-traite

Mais chaque médaille a son revers, et M. Adamo est très pessimiste : "ce cadeau de 37,5% est très attrayant pour les grandes entreprises. Certaines sont déjà allées plus loin puisqu’elles proposent à leurs salariés de changer de statut au profit de celui d’auto-entrepreneur, permettant ainsi un meilleur salaire pour ce dernier et un coût moindre pour elles. Mais aucune couverture sociale ni indemnité pour le travailleur après avoir été remercié par l’entreprise qui l’employait". M. Adamo enfonce le clou : "l’auto-entrepreneur n’étant pas soumis au code du travail, il n’hésitera pas à réaliser plus de 35 heures par semaine ou à se vendre à un coût horaire en dessous du smic. N’ayant plus droit au chômage, il sera dans l’obligation de se brader".

Selon lui, des entreprises artisanales, telles que celles du bâtiment, ne peuvent pas faire face à la concurrence des auto-entrepreneurs qui se vendent entre 9 et 15€ de l’heure, alors que la moyenne se trouve entre 40 et 45 € HT. "On est en train de mettre notre pays en grande difficulté".

M. Caparos n’y va pas par quatre chemins : "c’est ni plus ni moins qu’une certaine légalisation du travail clandestin." Et de suggérer d’appliquer ce statut, pourquoi pas à ceux qui souhaitent se lancer dans le métier, mais en le limitant par exemple à deux ans. "Tel que c’est fait aujourd’hui, ça ne sert qu’à dénaturer le monde de l’artisanat. À mêmes droits, mêmes devoirs !"

Marie-France BAYETTI(mfbayetti@laprovence-presse.fr