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BOLÍVAR A BATTU MONROE - Joao Pedro Stedile

Publie le lundi 15 mars 2010 par Open-Publishing

La journée du 23 février [2010] restera dans l’histoire de l’articulation entre les gouvernements et les peuples latino-américains. La tenue réussie d’une conférence continentale, avec la participation des 33 chefs d’Etats de tous les pays -à l’exclusion du Canada et des Etats-Unis-, a marqué, par le biais de la fondation de la Communauté des Etats Latino-Américains et Caribéens (CELAC), la mort politique de l’Organisation des Etats Américains (OEA) et le commencement d’une nouvelle étape d’intégration politique entre les Latino-américains eux-mêmes .

UN PEU D’HISTOIRE

Le 30 avril 1948, il fut procédé, dans le contexte de l’hégémonie politique et militaire des Etats-Unis sur l’Amérique Latine et dans le climat de Guerre Froide récemment initiée contre les gouvernements socialistes de l’Est et les forces populaires de nos pays, à la fondation de l’OEA. Participèrent à la conférence fondatrice 21 pays de tout le continent, tous subordonnés aux intérêts de l’empire du nord.

L’objectif était clair : avoir un mécanisme juridique qui permette de soumettre les gouvernements d’Amérique Latine et de la Caraïbe aux intérêts du capital étatsunien. Et mettre en pratique la théorie de Monroe : « L’Amérique pour les Américains »... du nord !

Et il en fut ainsi. Le gouvernement des Etats-Unis transforma l’OEA et les gouvernements subalternes en marionnettes à la solde de ses intérêts. Celui qui dépassait la ligne était puni. Ils utilisèrent l’OEA, tout au long de ces décennies, pour justifier des putchs militaires et des interventions dans presque tous les pays -1954 au Guatemala, 1965 en République Dominicaine, ainsi que plusieurs dans la décade 1970. En 1962, ils expulsèrent Cuba de l’organisation après que la Révolution se soit proclamée socialiste ! On se souvient que, plus récemment, le représentant de l’OEA fut le premier à s’adresser au putschiste Pedro Carmona en tant que président après le coup d’Etat du 11 avril 2002 au Venezuela. En 2009, les efforts de la OEA pour empêcher le maintien du régime putschiste au Honduras furent ridicules. Tout le monde savait que le complexe industriel et militaire des Etats-Unis était à l’origine du coup d’Etat.

Dans le domaine économique, la OEA parraina, dans la décade 1960, l’Alliance pour le Progrès comme réponse aux avancées révolutionnaires dans la région. Dans les années 90, elle parraina les initiatives étatsuniennes de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLEA)[1]. Au sein de ses objectifs statutaires figure la promotion du « libre-échange » dans la région.

Ont passé les années : la OEA a été discréditée et mise politiquement en déroute. Elle a même essayé d’ouvrir les portes à Cuba -qui a fièrement refusé de revenir. Et la défaite imposée dans la rue par les mobilisations populaires contre la ZLEA et le putsch militaire au Venezuela atteignent à présent les salons diplomatiques.


DÉCISION HISTORIQUE


Lors d’une conférence historique tenue uniquement entre les présidents latino-américains, même avec la participation de gouvernements de droite comme ceux du Mexique, de Colombie et du Panamá, et hormis le gouvernement illégitime d’Honduras -mais acceptant le Honduras en tant que peuple-, les présidents ont pris une décision historique : fonder une nouvelle conférence d’Etats latino-américains, sans la présence du Canada et des Etats-Unis.


NAISSANCE DE LA CELAC


La CELAC représente la victoire des peuples d’Amérique Latine sur l’hégémonie du capital et sur le gouvernement des Etats-Unis. Elle équivaut à la récupération du beau rêve de Simon Bolívar qui convoqua en 1826, à Panamá, un congrès latino-américain pour créer une conférence unificatrice des peuples du Sud aux fins d’affronter les empires. Bolívar a enfin vaincu Monroe.

La CELAC est le fruit de beaucoup d’efforts antérieurs, tout au long de l’histoire. La première conférence politique de la CELAC, à caractère constitutif, est déjà décidée. Elle a été fixée de manière significative en juillet 2011, bicentenaire du début de l’indépendance des pays d’Amérique Latine, et se tiendra à Caracas, au Venezuela -la terre de Simón Bolívar.

Avance également, parallèlement à cette conférence et à l’articulation institutionnelle des Etats latino-américains, la construction d’une intégration plus politique et populaire : l’ALBA-TCP. La Alianza Bolivariana para los pueblos de nuestra América / Tratado de Comercio de los Pueblos[2] récupère l’esprit de Bolívar, Martí, Mariátegui, Che Guevara, Allende, Marighella, Prestes, Jacob Arbenz, Haydee Santamaría et tant d’autres, pour nous construire une grande patrie latino-américaine.

Une patrie avec un peuple et un territoire unis, intégrés par la complémentarité de ses richesses naturelles, de sa force de travail, de sa culture, dans un effort commun pour la construction de sociétés plus justes, égalitaires et fraternelles -au sein desquelles la priorité sera donnée aux personnes et à la justice sociale, et non au luxe et au profit.

Il est long ce chemin qui s’ouvre vers la construction de l’ALBA et de la CELAC, mais nous pouvons déjà, au moins, fêter une petite victoire : Bolívar a vaincu Monroe -du moins au niveau diplomatique.

Joao Pedro Stedile

[1]. En espagnol : Área de Libre Comercio de las Américas (ALCA)

[2]. En français : Alliance Bolivarienne pour les peuples de notre Amérique / Traité de Commerce des Peuples

Traduction vers le français : Armando García

Sources :
En portugais : Brasil de Fato – Ed 366 del 4 al 10 de marzo de 2010
En espagnol : Rebelión
En français : Amérique Latine des peuples